Partie de Marseille, Montpellier et Grenoble le 19 septembre, la marche pour les sans-papiers a marqué une étape entre Choisy et Vitry ce jeudi. Un échauffement avant la manifestation parisienne du 17 octobre.
Ils étaient plus d’une centaine à manifester ce jeudi, entre le parc de l’hôtel de ville de Choisy-le-Roi et la halle Rabelais de Vitry-sur-Seine. Sans-papiers, membres d’associations de défense des immigrés et syndicalistes, ils étaient réunis par trois revendications simples : la régularisation de tous les sans-papiers, la fermeture des Centres de Rétention Administrative (CRA), et un logement digne pour tous.
Des revendications anciennes, que la crise sanitaire a remises au premier plan. “Si les soignants étaient en première ligne, alors les sans papiers étaient en deuxième ligne. Pendant le confinement, ce sont eux qui nettoyaient les rues, les transports et les hôpitaux, qui livraient les repas à ceux qui pouvaient se permettre de rester chez eux”, rappelle Mariame d’un ton résolu. Si cette Malienne d’une quarantaine d’années est dans la rue, c’est parce qu’elle considère que la situation des sans papiers n’a jamais été aussi grave. Elle même préfère ne pas parler de sa situation personnelle : “On se débrouille”, dit-elle simplement.
Le couvre-feu en Île-de-France de 21h à 6h décrété mercredi ne risque pas d’arranger les choses. El Hadji Dioum est manutentionnaire. Il travaille la nuit : il s’estime obligé d’arrêter le travail, de peur de croiser la police après les horaires réglementaires.
Le confinement a pourtant déjà violemment impacté ces migrants, qui travaillent pour la plupart dans le bâtiment, le nettoyage ou la restauration, souvent sans être déclarés – et qui n’ont donc pas eu le droit au chômage partiel. D’autres travaillent de manière déclarée, en empruntant l’identité d’un de leurs camarades en règle. Une situation à peine plus envieuse : ils travaillent tous les jours avec la peur d’être découverts.
Ce fut le cas de Mamadou Dramé, 28 ans. Arrivé en France en 2017, le Malien travaille 2 ans dans une entreprise de nettoyage à Alfortville, au noir. En janvier 2019, son patron lui propose une embauche – qu’il accepte, naturellement. Mais, le jour de signer le contrat, l’entreprise comprend que les papiers qu’il présente ne sont pas les siens, et décide de le licencier sur le champ. Il sollicite alors l’union syndicale Solidaires, qui réussit à le faire réintégrer dans l’entreprise. Depuis, le grand gaillard et les syndicalistes sont inséparables : “Ils ne m’aident pas juste quand j’ai des problèmes, mais aussi pour ma vie de tous les jours”, explique-t-il. par exemple, ils m’ont mis en contact avec des cours du soirs à Ivry. Maintenant, je sais lire, et je suis en train d’apprendre à écrire !” M. Dramé a même pris une semaine de congés pour accompagner les manifestants partis de Marseille en septembre.
Car la marche entre Choisy-le-Roi et Vitry-sur-Seine n’est qu’une étape d’une marche dans toute la France, entamée le 19 septembre. Partis de Marseille, Montpellier et Grenoble le 19 septembre, les manifestants ont convergé à Lyon début octobre, avant de prendre la route pour Paris. D’autres groupes sont également partis de Lille, Strasbourg et Rennes. Tous se réuniront à Paris le 17 octobre. L’objectif: attirer l’attention sur les conditions de vie de ces travailleurs souvent négligés, mais aussi grossir les rangs des sans papiers en lutte et intensifier les liens entre les différents CSP.
Car la première difficulté reste de tisser un réseau de migrants déterminés à défendre leurs droits. “La plupart des membres du collectif, nous les avons rencontré au cours de manifestations”, explique Christian Schweyer, coordinateur du CSP de Vitry. Accompagné de Jean-Louis Graziani, président de la fédération Solidaires du Val-de-Marne, il développe : “Nous avons commencé notre action en 2008 lors d’une occupation du centre des impôts de Vitry, avec des résidents des foyer des Ardoines et de la rue de la Concorde. Maintenant, nous sommes actifs jusqu’en dehors du Val-de-Marne: Thiais, Champigny, mais aussi Boulogne, Courbevoie, Montreuil, Rosny-sous-Bois, La Courneuve, Sevran…”
Ce soir, les manifestants dorment dans un gymnase de la halle Rabelais, prêté par la mairie de Vitry-sur-Seine. Certains déploient déjà leurs tapis de sol, pendant que d’autres improvisent une partie de foot avant le dîner. Demain, ils prendront la direction du centre Chronopost d’Alfortville, où une mobilisation longue de 7 mois avait permis la régularisation de 72 personnes l’année dernière. Samedi, ils marcheront sur Paris : rendez-vous à 14h place de la République.
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