C’est l’histoire d’un collectionneur dont le destin fut mêlé à celui de l’ancienne fonderie de Fontenay-sous-Bois qui se raconte ce mois-ci à la salle des ventes de Nogent-sur-Marne.
A Fontenay-sous-Bois, le nom en lettres peintes de la fonderie Boisseau se devine encore sur les murs extérieurs du 23 rue de Neuilly. Cette manufacture d’aluminium résista à la désindustrialisation de la petite couronne jusqu’au début de notre siècle. La dernière fonte eut lieu en 2006. Une der des der immortalisée dans un film, Le dernier jour de la fonderie, par Tatiana Civet et Philippe Pasquini.
A cette même époque, un collectif d’artistes était venu remplacer les ouvriers de l’usine. Pour le patron de la fonderie, Michel Moussel, décédé il y a quelques années à 92 ans, pas question en effet de céder son immense terrain merveilleusement situé à côté d’un grand parc pour accueillir une opération immobilière. “C’était un personnage un peu austère, mais il était viscéralement attaché à sa fonderie. Il était content que des artistes et artisans investissent le lieu. Une des conditions à notre installation fut de lui laisser un petit passage vers sa maison pour qu’il puisse venir voir sa fonderie quand il le voulait”, évoque Philippe Pasquini, l’un des premiers qui occupa les lieux et eut l’idée de filmer la dernière fonte. “Nous venions du squat de l’ancienne cité industrielle de la Jarry, à Vincennes, qui venait de faire l’objet d’un arrêté de péril. Plusieurs d’entre nous ont décidé de partir car nous savions que les jours de la cité étaient désormais comptés”, se souvient le comédien. (Voir article sur l’ancien squat de la Jarry, qui accueillera prochainement un lycée international)
Un collectionneur compulsif
Comme de tradition à l’époque, la fonderie Boisseau avait été transmise de père en fils ou en gendre. C’est ainsi qu’échut à Eric Moussel, fils de Michel, la charge de faire tourner la fonderie aux côtés de son père durant sa dernière période. Ancien officier de marine, ce dernier n’avait toutefois pas la fibre industrielle, davantage passionné de voyages au long cours et de culture. Surtout, ce fut un intense collectionneur, le plus fidèle qu’ait connu la salle des ventes de Nogent-sur-Marne. “Il y est venu durant quarante ans, et n’a jamais été acheter ailleurs. C’était un homme discret, solitaire, mystérieux. Il apparaissait dans la salle et achetait comme un fou, de manière compulsive. Il aimait Paris à la folie et a acheté beaucoup de dessins de Paris, mais aussi de paysages, d’animaux, des objets…”, se souvient Christophe Lucien, le commissaire priseur de la salle des ventes de Nogent-sur-Marne, Lucien Paris.
C’est dans la grande bâtisse familiale jouxtant l’usine, conçue comme un corps de ferme à la fin du XVIIème siècle et agrandie par la suite, qu’Eric Moussel fit place à ses collections durant des années. Souffrant, il renonça à sa passion il y a dix ans déjà et mourut en 2019 à 68 ans. Ses cendres furent dispersées en mer près de Dinard, où ses parents possédaient un manoir.
Restait la maison de famille fontenaysienne, remplie à craquer des objets chinés par Eric Moussel. Pour boucler la boucle, c’est la salle des ventes de Nogent-sur-Marne qui fut mandatée pour disperser la collection.
“Lorsque nous sommes entrés, c’était incroyable. J’ai reconnu les objets que j’avais vendus. Certains n’avaient même pas été déballés depuis leur achat chez nous”, témoigne maître Lucien. Le volume est colossal et 4 à 5 camions de déménagement furent nécessaires pour vider les lieux des objets acquis durant des décennies mêlés à des vestiges de famille.
Cinq journées de vente
Un patrimoine que la maison Lucien Paris a mis en vente au cours de cinq après-midis. Le premier a eu lieu le 10 septembre, le deuxième se tient ce 24 septembre à Nogent (17 rue du Port) à partir de 13h30, avec exposition publique ce matin jusqu’à midi, la troisième le 8 octobre, et les deux dernières se tiendront à Paris Drouot les dimanches 25 octobre et 8 novembre. Au menu : tableaux, dessins, gravures, objets de vitrine, mobilier ancien, verrerie, céramique, miroirs, luminaires, lustres, tapis.. Le catalogue est présenté en ligne.
Quel devenir pour le site de la fonderie?
Rue de Neuilly à Fontenay-sous-Bois, le devenir du vaste terrain qui accueille la demeure familiale et l’ancienne fonderie, aujourd’hui occupée par le collectif d’artistes La Fonderie, reste à écrire, désormais propriété des héritiers de la famille Moussel. Depuis la dernière fonte en 2006, le site n’a pas perdu de sa valeur foncière, bien au contraire. Du côté de la ville, on fait savoir que l’on sera très attentif aux projets proposés, souhaitant qu’ils intègrent les artistes.
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