Logements | Val-de-Marne | 22/12/2020
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Logement social en Val-de-Marne: 10 villes sanctionnées

Logement social en Val-de-Marne: 10 villes sanctionnées

Le nombre de villes en constat de carence de logements sociaux en Val-de-Marne a augmenté depuis la dernière révision triennale. Cette année, dix villes sont épinglées contre sept il y a trois ans. Les mesures qui accompagnent ces décisions sont aussi plus contraignantes, avec pour la première fois une reprise de l’instruction des permis de construire dans quatre villes. Rappel historique, chiffres du logement social en Val-de-Marne et détails des mesures 2020.

Contexte Atteindre les 25% de logements sociaux par ville prévus par la loi SRU (Solidarité renouvellement urbain) d’ici à 2025 pour pouvoir répondre à tous les demandeurs, tel est l’enjeu des objectifs triennaux fixés à toutes les villes en deçà de ce quota. Des objectifs à la fois quantitatifs (taux global de logements sociaux) mais aussi qualitatifs comme la proportion minimale de 30% de logements très sociaux (PLAI) sur l’ensemble des nouvelles constructions HLM et, a contrario, d’un seuil maximal de 30% de logements moins sociaux (PLS). Tous les trois ans, les services de l’Etat vérifient si ces objectifs ont été atteints ou pas, et fixent de nouveaux objectifs pour les trois années suivantes, afin d’atteindre 25% en 2025.

Lire : Construction HLM: les communes d’Ile-de-France qui ont joué le jeu – ou pas

21 communes en deçà des 25% de logements sociaux doivent payer l’amende SRU

A date du premier janvier 2019, 23 communes sur 47 ne remplissent pas l’objectif de 25% de logements sociaux mais 2 en sont exemptées (Ablon et Villeneuve) en raison de leur situation géographique près de l’aéroport.

Les 21 communes non exemptées doivent s’acquitter d’une amende SRU calculée en fonction du nombre de logements sociaux manquants.

L’amende SRU est calculée de la façon suivante :
1° On calcule le nombre de logements sociaux à atteindre en multipliant le nombre de résidences principales de la ville par 25%.
2° On calcule la différence entre le nombre réel de logements sociaux et le nombre à atteindre
3° On multiplie ce nombre par 25% du Potentiel fiscal par habitant (PFH)
L’amende peut être minorée de certaines dépenses déductibles

Villes du Val-de-Marne ayant moins de 25% de taux de logements sociaux au 1er janvier 2018 ou 2019Taux de logements sociaux au 1er janvier 2018 Taux de logements sociaux au 1er janvier 2019
Ablon-sur-Seine15,17Exemptée
Villeneuve-le-Roi23,31Exemptée
La Queue-en-Brie (a passé les 25% en 2019)24,6025,66
Saint-Maurice23,8124,63
Charenton-le-Pont24,1124,35
Thiais24,7223,92
Maisons-Alfort23,2022,77
Chennevières-sur-Marne23,0522,76
Rungis20,7120,66
Sucy-en-Brie19,9819,93
Le Plessis-Trévise19,0919,42
Bry-sur-Marne14,4518,03
Mandres-les-Roses17,7517,8
Santeny17,4517,37
Noiseau14,9714,9
Nogent-sur-Marne13,4514,14
Villecresnes13,6313,3
Marolles-en-Brie11,9511,94
Saint-Mandé11,3211,55
Vincennes11,0111,34
Le Perreux-sur-Marne10,8710,94
Saint-Maur-des-Fossés8,788,81
Périgny-sur-Yerres7,897,98
Ormesson-sur-Marne2,112,28
Source : DRIHL 94

10 communes en constat de carence de logement social

Sur ces 21 communes, 10 ont été frappées d’un constat de carence en logements sociaux suite à la réalisation jugée insuffisante de leurs objectifs triennaux 2017-2019. Il s’agit de : Le Perreux-sur-Marne, Marolles-en-Brie, Nogent-sur-Marne, Noiseau, Ormesson-sur-Marne, Périgny-sur-Yerres, Saint-Mandé, Saint-Maur-des-Fossés, Sucy-en-Brie et Villecresnes.

Ce nombre est en progression par rapport à 2017 où sept communes avaient été épinglées, dont l’une, Le Plessis-Trévise, était sortie de son constat de carence assez rapidement.

Certaines communes se retrouvent en carence pour la première fois, à l’instar de Sucy-en-Brie qui aligne pourtant près de 20% de logements sociaux, soit nettement plus que certaines communes non carencées. En cause : le retard pris dans la construction d’une résidence pour jeunes travailleurs. La commune pourrait toutefois sortir de sa carence en cours de période triennale comme l’avait fait Le Plessis si la situation évolue. “Nous avons développé des conventions Anah avec des bailleurs privés pour convertir des logements en logements sociaux de manière rapide”, indique-t-on au cabinet de la maire.

D’autres sont régulièrement épinglées à l’instar de Nogent, Le Perreux et plusieurs communes du Plateau briard. “A Marolles-en-Brie, plusieurs recours ont bloqué des projets depuis longtemps”, explique Vanessa Hanni, maire-adjointe au logement. “Nous héritions de cette situation mais avons annoncé dans notre programme municipal que nous souhaitions développer le logement social. Nous avons aussi besoin d’adapter le parcours résidentiel à la population vieillissante de la commune. 30% des habitants ont plus de 65 ans et ils souhaitent vendre leur maison tout en restant vivre sur place”, détaille l’élue.

Périgny-sur-Yerres défend ses terres agricoles

Toujours dans le plateau briard, Périgny-sur-Yerres fait de son côté valoir sa spécificité agricole et la ville a demandé à réviser ses objectifs dans les trois ans à venir, déjà sûre qu’il serait impossible de les atteindre. “60% de la ville est constituée de terres agricoles. L’un de nos maraîchers nourrit 200 000 personnes avec sa seule exploitation. Pour développer le logement social, nous sommes donc obligés de convertir des logements existants mais c’est un travail de très longue haleine de remembrement de parcelles et l’équation économique est compliquée pour les bailleurs sociaux car le foncier est cher par rapport aux possibilités de construction limitées en hauteur dans les zones ABF (Architectes des Bâtiments de France). Cette année, nous avons proposé dix sites à des bailleurs et nous avons essuyé dix refus de préemption!”, détaille Arnaud Védie (LR), maire de la ville, qui apprécie d’avoir vu son amende SRU majorée être divisée par deux par rapport à la précédente période, passant de 106 000 à 53 000 euros. “Cela va nous permettre d’envisager de rejoindre la police intercommunale”, calcule l’élu.

Rappel historique, huit communes avaient été carencées en 2011 (Le Perreux-sur-Marne, Marolles-en-Brie, Ormesson-sur-Marne, Périgny-sur-Yerres, Rungis, Saint-Maur-des-Fossés, Santeny et Villecresnes), puis six en 2014 (Ormesson-sur-Marne, Périgny-sur-Yerres, Saint-Maur-des-Fossés, Nogent-sur-Marne, Saint-Mandé et Bry-sur-Marne) et sept en 2017 (Ormesson-sur-Marne, Périgny-sur-Yerres, Saint-Maur des Fossés, Le Perreux-sur-Marne, Marolles-en-Brie, Noiseau et Le Plessis-Trévise).

Pour les explications techniques précises relatives à l’analyse des bilans triennaux, voir la circulaire gouvernementale

Des pénalités SRU majorées

Le constat de carence a plusieurs conséquences pour les communes. La première est d’ordre financier. Les communes carencées se voient infliger une pénalité financière supplémentaire à leur amende SRU qui correspond à un certain coefficient de celle-ci. Le coefficient multiplicateur peut aller jusqu’à cinq. Dans le Val-de-Marne, Saint-Maur-des-Fossés a ainsi vu son amende SRU de base multipliée par quatre suite lors de son constat de carence précédent, devant payer 6,4 millions d’euros par an au lieu de 1,6 million.

Lire : Quota de logement social: 13 villes du Val-de-Marne passent à la caisse

Les amendes proposées pour la prochaine période (amende SRU de base comprise)

Ville carencée   Amende SRU majorée
Le Perreux-sur-Marne1 100 000
Marolles-en-Brie160 000
Nogent-sur-Marne1 000 000
Noiseau60 000
Ormesson-sur-Marne587 000
Périgny-sur-Yerres53 000
Saint-Mandé890 000
Saint-Maur-des-Fossés6 100 000
Sucy-en-Brie280 000
Villecresnes345 000

Les villes perdent leur quota d’attribution de logements sociaux et leur droit de préemption

Autre effet direct du constat de carence pour les communes : la perte de leur quota d’attribution de logements sociaux et leur droit de préempter un bien mis à la vente dans leur commune, ce qui réduit leur marge de manœuvre politique. Peu utilisé au début, le droit de préemption a été progressivement mis en œuvre de plus en plus régulièrement par le préfet. Cette mesure permet à l’Etat de confier du foncier à l’Etablissement public foncier d’Ile-de-France pour construire du logement social. La semaine dernière encore, un arrêté a acté la préemption d’une grande villa à Ormesson-sur-Marne (photo de une) pour l’intégrer dans un projet urbain plus vaste comprenant 125 logements dont la moitié de logements sociaux.

Lire à ce sujet : Val-de-Marne: les préemptions de l’Etat pour construire du logement social s’accélèrent

4 villes perdent leur compétence permis de construire

Le dernier levier, qui n’était pour l’instant pas mis en œuvre, est la reprise de la compétence d’instruction des permis de construire par l’Etat. En septembre dernier, le préfet du Val-de-Marne avait annoncé son intention d’y recourir, rappelant qu’il y avait 90 000 demandeurs de logements sociaux en Val-de-Marne.

Lire : Logement social: le préfet du Val-de-Marne va agir sur les permis de construire dans les villes récalcitrantes

A partir de 2021, quatre communes du département, sur les dix carencées, vont ainsi perdre la main sur les permis de construire : Saint-Maur-des-Fossés, Ormesson-sur-Marne, Le Perreux-sur-Marne et Saint-Mandé. Cette mesure s’applique à partir de 4 logements.

“Concrètement, les villes continueront à être le point d’entrée pour les demandes de permis de construire, mais elles devront ensuite transférer le dossier à la DRIEA (Direction régionale et interdépartementale de l’équipement et de l’aménagement d’Île-de-France), explique Catherine Larrieu, directrice de la DRIHL Val-de-Marne (Direction régionale et interdépartementale de l’hébergement et du logement). Une charge de travail non négligeable alors que l’instruction des permis de construire occupe plusieurs équivalents temps plein dans chacune des communes carencées. “Nous nous réorganiserons pour dégager du temps mais il s’agit de missions prioritaires. Nous ne carençons pas pour le plaisir”, rappelle la directrice de la DRIHL 94.

Les maires en colère

Du côté des élus concernés par ces mesures, la colère domine. Le premier à réagir a été le maire de Saint-Maur-des-Fossés, Sylvain Berrios (LR), dont la ville s’est vue coiffer d’un bonnet d’âne par la ministre du Logement Emmanuelle Wargon, lors d’une interview de cette dernière sur la radio RTL, à la veille du Comité régional destiné à arbitrer les villes qui seraient concernées par cette arme fatale. “Le maire ne veut pas construire de logements sociaux, et bien c’est le préfet qui signera les permis de construire”, résumait la ministre, résolue à “casser les ghettos”. Ce à quoi l’édile a répondu “Pas un logement social ne sortira de terre à Saint-Maur sans le concours de la ville“, rappelant avoir déjà signé un contrat de mixité sociale et prévu une augmentation progressive du taux de logements sociaux pour atteindre 12%.

Lire : Logements sociaux à Saint-Maur-des-Fossés: Emmanuelle Wargon veut prendre la main

Les trois autres communes concernées sont toutes aussi remontées. “Cette décision est injuste au regard des efforts qui ont été faits et elle a été prise sans concertation. Nous avons rencontré le préfet en juillet et il n’y a eu ensuite aucun débat contradictoire”, regrette Christel Royer (LR), maire du Perreux-sur-Marne. “Nous avons pourtant réalisé 82,20% des objectifs triennaux. Nous sommes passés de 9,77% de logements sociaux en 2015 à 12,28% en 2020 et notre PLU prévoit déjà 35% de logements sociaux sur les nouvelles constructions. On nous a reproché de ne pas avoir la bonne proportion de PLAI par rapport aux logements PLS mais ceci s’explique par la création d’une résidence autonomie”, détaille l’élue qui s’inquiète d’une “bétonisation à marche forcée” de sa commune, allant à l’encontre des “exigences écologiques” et des besoins “d’îlots de fraîcheur”. “C’est un diktat déconnecté de la réalité du terrain alors que nous faisons un travail d’orfèvre. Un quart de la commune est en zone PPRI (Plan de prévention des risques d’inondation)”. Seule consolation pour la ville, l’amende SRU ne sera majorée qu’à 0,80% de la pénalité initiale et va passer de 1,4 million à 1,1 million d’euros par an.

A Ormesson-sur-Marne, Marie Christine Ségui (LR) n’est pas moins en colère, qui rappelle que sa ville est partie de 1,46% de logements sociaux en 2014 (elle en compte aujourd’hui 2,28%), lorsqu’elle a été élue pour la première fois, et qu’il n’est pas possible de rattraper les objectifs en “un claquement de doigts”. “Il n’y a pas une semaine durant laquelle je ne m’occupe pas de ce sujet. Nous avons programmé 442 logements sociaux qui vont faire passer notre taux à 9%, cela représente une augmentation de 532%!” souligne l’élue, rappelant que l’aménageur actuel des grandes zones à construire de la ville, Epa Marne, a été désigné par l’Etat. “La ville est volontaire mais encore faut-il mettre en face les équipements publics nécessaires pour accueillir les nouvelles populations. Nous finançons déjà une nouvelle école de 10 classes Et puis, il n’y a pas de transports en commun à Ormesson, et il y a déjà un important flux de voitures tous les jours”, poursuit la maire, qui confie se sentir “complètement trahie” après avoir eu l’impression de travailler en bonne intelligence avec la préfecture, et s’agace que des élus se retrouvent considérés comme des “voyous”, rappelant la séquence lors de laquelle la commune s’était retrouvée sous les projecteurs il y a quelques années.

Lire : Logements sociaux : Ormesson-sur-Marne sous les feux de la rampe

Les défendeurs des locataires applaudissent

De son côté, la CNL Val-de-Marne, fédération de défense des locataires HLM, applaudit au contraire la fermeté désormais affichée par l’Etat et appelle au respect de la loi SRU.

“Si nous comprenons que des communes aient des impossibilités foncières ou font les efforts nécessaires pour respecter la loi, certaines communes du Val-de-Marne font de la non-construction de logements sociaux un argument politique. D’autres communes ont davantage respecté les objectifs mais en construisant des logements PLS qui sont les moins accessibles aux ménages les plus précaires. La CNL du Val-de-Marne demande à ce que les villes non respectueuses de la loi soient déclarées en situation de carence et que le préfet prenne la main, comme il en a le droit depuis des années, sur les permis de construire à l’instar de Saint-Maur ou Ormesson”, enjoint la Confédération nationale du logement dans le département. La fédération propose aussi “que soit revu le décompte des logements sociaux vendus dans le décompte des logements sociaux d’une ville, ceux-ci pouvant encore être comptés durant 10 ans après la vente !” et suggère encore que “les logements en usufruit arrivant à terme soient automatiquement transférés vers un bailleur social et non pour le profit du marché privé.”

Et après ? Quels objectifs réalistes?

Au-delà des sanctions, reste à poursuivre les objectifs des 25% d’ici à 2025. Sauf qu’à mesure que l’échéance se rapproche, le chiffre de 25% en 2025 semble de plus en plus difficile à atteindre. Dans son dernier palmarès des villes qui ont ou pas respecté leurs objectifs, la Fondation Abbé Pierre appelle donc à se projeter au-delà pour rester mobilisé : “Pour ne pas relâcher les efforts, il faut modifier la loi pour que ces communes poursuivent leur rattrapage après 2025 en leur fixant de nouveaux délais, exigeants mais réalistes.”

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