Société | | 09/10/2020
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Meurtre de Sabri à Orly: comment s’attaquer aux racines de la violence?

Meurtre de Sabri à Orly: comment s’attaquer aux racines de la violence?

Du côté des autorités institutionnelles comme des habitants, le meurtre au couteau du jeune Sabri, 19 ans, sur fond de règlements de compte entre bandes d’Orly et de Villeneuve-le-Roi, doit absolument provoquer un changement. Un collectif de parents vient de lancer une pétition tandis qu’un Conseil local de sécurité et prévention de la délinquance (CLSPD) se réunit d’urgence ce vendredi après-midi. Une même question pour tout me monde : comment s’attaquer aux racines de la violence?

“Tout le monde est sous le choc”, confie Claire, dont le fils a été à l’école avec Sabri. “Il s’est trouvé au mauvais endroit au mauvais moment, victime de rivalités de quartiers. Cela fait 20 ans que j’habite ici et il y a toujours eu des histoires entre établissements scolaires ou entre villes. Mes enfants font du foot et les entraîneurs ne peuvent même pas organiser de matchs avec Villeneuve-le-Roi tant les tensions sont fortes. Il faut que cela change”, confie l’Orlysienne.

Claire fait partie du collectif de parents « Orly Villeneuve-le-Roi Choisy-le-Roi Jeunesse en Paix » qui s’est constitué informellement pour réagir, pour ne pas laisser passer, pour tenter de construire au-delà de la tragédie.

Lire aussi : Orly – Villeneuve-le-Roi: des parents se mobilisent en collectif après le meurtre de Sabri

Parmi ses premières actions, le collectif a déposé une pétition en ligne pour réclamer un plan de tranquillité publique, et la sécurisation d’urgence de la ligne 3 du bus Keolis (l’Athis car) et des abords des établissements scolaires pour que les jeunes puissent retourner sereinement au collège et au lycée.

Voir la pétition

Une chaine humaine de parents contre la violence?

Pour l’instant, le collectif est essentiellement constitué de parents d’Orly. “Nous sommes en contact avec des parents de Villeneuve-le-Roi mais ce n’est pas facile. Il y a un peu d’omerta là-bas qui risque de durer tant que la bande qui a donné les coups ne sera pas arrêtée. Mais nous aimerions faire une chaîne humaine avec les parents des autres villes”, poursuit Claire.

Quelle politique de la ville?

Surtout, les parents attendent une réponse des pouvoirs publics. “La question de la politique de la ville a été abandonnée'”, regrette Florence, autre membre du collectif, qui se se souvient de cette ancienne antenne de gendarmerie de quartier qui n’est plus, de la Maison des femmes qui a été fermée dans le quartier des Saules… “C’était un lieu de rencontre pour les mères, un point d’ancrage dans le quartier.” Les dispositifs “QPV” (quartiers politique de la ville) continuent pourtant de voir le jour régulièrement, sous des sigles différents. “Mais les financements ne sont pas pérennes. Cela fonctionne en mode projet, avec des associations extérieures “labellisées” qui viennent et puis s’en vont”, regrette l’Orlysienne.

Les pouvoirs publics, eux, vont se réunir d’urgence ce vendredi après-midi, à l’occasion d’un CLSPD (Comité local de sécurité et prévention de la délinquance). Y seront notamment réunis préfet, procureure de la République, directeur de la Sûreté publique, commissaire de police de Choisy-le-Roi, responsable Keolis de la ligne 3, maires d’Orly, Villeneuve-le-Roi et Choisy-le-Roi.

Comment renforcer la prévention?

“L’enjeu est de proposer des solutions d’urgence pour sécuriser les trois villes, les transports, et puis de réfléchir à des solutions pérennes”, explique-t-on en mairie d’Orly. “Nous allons notamment travailler sur le volet prévention, en faisant par exemple travailler ensemble les services jeunesse”, indique-t-on au cabinet de la maire d’Orly, Christine Janodet.

Quels moyens policiers?

“Les services jeunesse travaillent déjà ensemble et nous avons déjà des programmes spécifiques en direction des quartiers, que nous allons amplifier, mais cela ne suffit pas. Je suis en train d’embaucher quelqu’un de supplémentaire au service jeunesse mais nous ne sommes pas à l’échelle. A ce stade, il faut aussi pouvoir réprimer avec des moyens policiers suffisants car il ne s’agit plus de Guerre des boutons lorsque l’on s’affronte à coups de couteaux et qu’on accueille la police municipale avec des mortiers, réagit pour sa part Didier Gonzales (LR), maire de Villeneuve-le-Roi, qui avait écrit au ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin ce 23 septembre à propos de la situation du quartier Raguet-Lépine/Abbaye, indiquant que les riverains, “régulièrement victimes des trafics, menaces, dégradations et nuisances”, étaient “à bout” et signalant les rixes régulières avec les cités d’Orly.

Exfiltrer les familles des fauteurs de troubles?

“Il faut aussi pouvoir expulser les quelques familles de fauteurs de troubles car ils ne sont qu’une petite minorité, bien identifiée. Dans la cité Raguet Lepine, il y a eu une première expulsion il y a seulement trois jours, pourquoi pas avant ? Pourquoi pas davantage?” questionne l’élu qui souhaite par ailleurs que l’attribution de logements sociaux prenne en compte des critères de mixité sociale.

Directeur général adjoint de Valophis Habitat, OPH départemental qui compte la cité Raguet-Lepine dans son parc, Farid Bouali entend bien les attentes des élus mais en rappelle les limites opérationnelles. “Le cadre juridique pour décider de l’expulsion d’un locataire est très précis. Il faut monter un dossier étayé de plaintes auprès de la police nationale et pas seulement de mains courantes ou de plaintes auprès du gardien d’immeuble, afin que le juge puisse apprécier la situation avec des éléments tangibles avant de décider de la résiliation d’un bail.” Et puis, toutes les situations ne sont pas faciles à trancher car il y a par exemple des foyers avec de jeunes enfants. “On ne peut pas pénaliser toute la famille”, pointe Farid Bouali. Certes, il y a des mesures d’éloignement des fauteurs de troubles, imposées par la justice, mais il est difficile de vérifier si l’interdit de séjour dans la cité n’est pas rentré dans sa famille.

Comment favoriser la mixité sociale?

Concernant les attributions de logements, le directeur adjoint rappelle que Les contingents d’attribution de logements d’un même immeuble relèvent généralement à la fois de la mairie, de l’Etat, d’Action logement et du bailleur social. Ce dernier a donc une marge de manœuvre limitée. “Favoriser la mixité sociale est nécessaire pour éviter de stigmatiser une résidence et de reproduire les mêmes schémas y compris lorsque l’on reconstruit du neuf. Mais cela n’a rien d’évident. La mise en place des suppléments de loyers a contribué à faire fuir les gens qui avaient un peu plus de revenus. Il faut construire partout et ne pas concentrer les logements sociaux dans les mêmes quartiers dans les mêmes villes”, développe-t-il avant de résumer : “Le problème est énorme et les moyens ne sont pas à la hauteur du problème.”

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