Plus d’une centaine de personnes sans papiers et leurs soutiens, avocats et associatifs, se sont rassemblées devant le tribunal administratif de Montreuil ce jeudi pour protester contre la quasi-impossibilité d’obtenir des rendez-vous de régularisation de papiers en préfecture, depuis que la procédure a été dématérialisée. Ils ont déposé des “référés mesures utiles” au tribunal pour agir en justice.
“Quand j’ai commencé le métier d’avocate, on aidait les étrangers qui voyaient leurs demandes de titres de séjours refusés. Maintenant, il faut les aider pour qu’ils aient simplement accès au guichet de la préfecture” , résume Elena de Gueroult, porte-parole des avocats venus déposer au tribunal administratif de Montreuil une trentaine de dossiers en référé au nom d’étrangers demandant leur régularisation. Tous domiciliés en Seine-Saint-Denis, ces derniers font état de l’impossibilité d’obtenir un rendez-vous en préfecture, captures d’écran à l’appui. Une première action collective depuis le confinement de mars dernier. D’autres référés ont été déposé ce même jeudi, Journée internationale des Droits de l’Homme, dans d’autres départements d’Ile-de-France.
“Cela fait plusieurs années que les étrangers ont des difficultés à obtenir des rendez-vous. Ils peuvent passer des mois devant leurs écrans à envoyer des demandes en ligne, et voir toujours la même réponse d’absence de disponibilité”, reprend Jean-Michel Delarbre, représentant du Collectif du Livre Noir 93.
Sylla, représentant d’un collectif de sans-papiers de Montreuil, affirme connaître une dizaine de personnes coincées à la première étape : “Leur dossier est complet, mais ils n’arrivent pas à avoir de rendez vous. C’est inadmissible”, lâche cet Ivoirien de 31 ans qui s’inquiète lui-même de connaître le même sort, alors qu’il sera bientôt en France depuis 5 ans, date à laquelle il pourra demander sa régularisation.
Selon les manifestants, le refus de la préfecture d’accorder des rendez-vous constitue une rupture d’égalité et de continuité d’accès au service public – d’où les recours devant le tribunal administratif. Surtout, ces refus contribuent à maintenir des populations déjà précaires dans l’incertitude. L’enjeu est d’autant plus crucial lorsqu’il s’agit de mineurs isolés : une fois majeurs, ces derniers ont jusqu’à leurs 19 ans pour déposer une demande de titre de séjour à la préfecture, sans quoi ils seront considérés en situation irrégulière. Or, lorsqu’il faut souvent compter plusieurs mois pour obtenir un simple rendez-vous, l’année peut passer vite. Amina et Oriane, deux jeunes filles sans papiers et en attente d’un rendez-vous, témoignent : “Sans titre de séjour, on ne peut rien faire. Pas de stage, ni même de job d’été. Le titre de séjour, c’est une petite clé qui nous ouvrirait de grandes portes.”
Plusieurs témoignages font état d’un trafic de places de rendez-vous, ces dernières pouvant se monnayer jusqu’à 150€. Invité à prendre la parole, Alexis Corbière, député (LFI) de Montreuil dénonce un “trafic quasi-mafieux”: “Nous avons proposé le sujet à la commission d’enquête de l’Assemblée Nationale, qui l’a refusé. Encore une preuve du peu d’attention que l’on porte à la question”.
Pour Pablo Krasnopolsky, responsable de RESF 94 venu prêter main-forte à ses collègues de Seine-Saint-Denis, le refus d’octroyer des rendez-vous en préfecture relève d’une “volonté politique”: “On ferme le robinet des régularisations sans que cela ne se voit.
La situation n’est pas spécifique à la seule Seine-Saint-Denis et les témoignages affluent des autres départements d’Île-de-France, notamment le Val-de-Marne, les Hauts-de-Seine et Paris. Geneviève Renaud, engagée avec RESF dans le 13ème arrondissement, est en contact avec 9 lycéens connaissant ou ayant connu (2 ont récemment été régularisés, 2 autres ont récemment obtenu un rendez-vous en préfecture) la longue attente pour le “pompon du manège” : le fameux rendez-vous. Engagée dans la défense des sans papiers de longue date, elle préfère aller demander les rendez-vous en personne, mais dresse le même constat : “À Paris, on faisait la queue pendant une demi-journée, mais on finissait par obtenir une date. Maintenant, la crise du COVID a servi de prétexte pour aligner les délais de Paris sur ceux du reste de l’Île-de-France.”
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