Entreprendre | Ile-de-France | 07/09/2020
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Paris – Ile-de-France : le boom des artisans et PME en vélo cargo

Paris – Ile-de-France : le boom des artisans et PME en vélo cargo

Livraison du dernier kilomètre, déplacement chez les clients avec son matériel sans perdre trois heures à se garer, économie substantielle dans les charges de transport… le vélo cargo fait son chemin parmi les artisans et les livreurs. Des professionnels qui y trouvent leur compte et contribuent à faire émerger une filière de pointe – made in France. Enquête chez les pionniers.

Tediber, Ikea, U Express ou encore Biocoop… tels sont quelques uns des clients de la scop (société coopérative) Olvo. A l’origine de cette aventure, Leeroyd Levi, actuel gérant. Développeur web et passionné de vélo, c’est en parcourant l’Europe qu’il prend conscience du potentiel du vélo cargo au Danemark et décide de développer la cyclo-logistique à Paris. Les premiers vélo-livreurs Olvo débarquent en 2015. “Pour un supermarché, c’est moins cher et plus rapide que des camionnettes car ces dernières ne partent pas de Paris et ont donc un coût d’approche. Il n’y a pas non plus besoin de parking spécial pour la livraison”, motive le fondateur.

“Les vélos peuvent porter jusqu’à une demi tonne avec une remorque et les petites camionnettes sont rarement pleines. Et on gagne en vitesse car il n’y a pas de bouchons”, ajoute Philippe Genty, président des Boites à vélo, une association qui fédère et aide les artisans et entreprises qui veulent organiser leur logistique de déplacement à vélo.

Cinq ans plus tard, la Scop Olvo dispose d’un local de 1000 m2 dans le 18ème arrondissement et fait pédaler 30 salariés pour livrer les courses, du panier de provisions au matelas king size.“Nous sommes la seule boite de course à vélo qui salarie les livreurs et ne corrèle pas les salaires à la rapidité”, insiste Leeroyd Levi.

Au fil des ans, le matériel a évolué. “Nous nous sommes lancés sans fonds alors au départ, on a commencé avec nos mollets. En plus, les premiers vélos à assistance électrique n’étaient pas vraiment adaptés à un usage professionnel. Et puis, cela impliquait l’embauche d’un mécanicien, des pièces de rechanges… Et beaucoup d’accessoires n’étaient pas standards”, se souvient Leeroyd Levi. Aujourd’hui, la moitié de la flotte est électrique. “Nous faisons beaucoup de retours aux constructeurs pour faire évoluer les vélos.”

Une nouvelle filière de pointe

L’usage professionnel du vélo pour transporter de la charge passe en effet par le développement d’une filière adaptée et un minimum structurée avec des pièces de rechange “On reste sur l’image du vélo à l’ancienne mais aujourd’hui, ce-sont des concentrés de technologie. Sur mon vélo par exemple, il y a l’allumage automatique des phares, un processeur pour économiser la batterie, des courroies en carbone… Nous avons développé un véritable savoir-faire en France pour adapter les vélos au relief du pays, très différent de celui du Danemark ou des Pays-Bas… Nous avons des constructeurs français qui exportent mondialement, comme par exemple Douze cycles à Beaune”, détaille Philippe Genty. (Sur le sujet, voir aussi la note publiée fin 2018 par la CMA Rhône Alpes) Et l’innovation ne concerne pas seulement les vélos mais aussi les remorques. “A Paris, l’entreprise K-Ryole a développé les remorques motorisées. On peu la décrocher et la faire suivre à la main. A Rennes, Fleximodal a inventé une remorque trans-palette… “, poursuit le militant de la vélogistique.

Réinventer son métier pour l’adapter

Ebéniste après une reconversion, Philippe Genty, habitant de Maisons-Alfort (Val-de-Marne) emmène ses outils chez les clients. Mais il reste un matériau de base qu’il ne transporte pas à deux-roues : le bois. “A vélo, il faut réinventer son métier pour s’adapter. Moi je fais livrer le bois directement chez les clients. Les paysagistes, qui sont déjà plusieurs à exercer à vélo à paris, doivent non seulement se faire livrer la terre mais aussi gérer la question des déchets sur place, en faisant par exemple du paillage, du mulch…”

Au total, le président des Boites à vélo estime à environ 200 le nombre d’artisans ou PME qui appuient leur logistique sur les vélo cargo : paysagistes, menuisiers, livreurs, plombier, restaurateurs, micro-brasseries…

Corollaire de cet engouement, pour les professionnels comme les particuliers, un autre métier a vu le jour, celui de réparateur de vélo… à vélo. C’est le cas de Grégory Pigier qui a créé Help my bike à Fontenay-sous-Bois il y a quatre ans, dans le cadre d’une reconversion professionnelle. “Au début il a fallu faire connaître le service mais ensuite cela s’est bien développé avec les particuliers mais aussi les entreprises qui proposent nos services à leurs collaborateurs une journée par mois par exemple. Ensuite, le confinement a mis l’entreprise à l’arrêt. Nous avons perdu tous nos contrats entreprises et les particuliers ont arrêté de se déplacer. Nous nous sommes donc retrouvés à trois au chômage partiel. Lors du déconfinement, nous avons eu des doutes sur la reprise et nous sommes inscrits dans le programme coup de pouce (un programme de financement des réparations de vélos des particuliers à hauteur de 50 euros qui dure jusqu’en décembre). Lorsqu’il a commencé, nous avons reçu 250 appels dans la journée et notre standard a explosé! Et puis nous nous sommes organisés pour que les gens prennent rendez-vous et se regroupent. Il y a bien-sûr les vélotaffeurs habituels, mais nous avons aussi rencontré beaucoup de gens qui se sont mis au vélo. Ils étudiaient leur trajet, faisaient des repérages le dimanche”, témoigne le cyclo-réparateur, qui dispose désormais d’un stand dans la gare RER E de Nogent Le Perreux (dans l’ancien guichet aujourd’hui fermé…) en partenariat avec deux autres PME : Ridy et Bicyclaide, dans le cadre d’une convention avec la SNCF (via sa filiale Gare et connexions).

“Pour nous, l’installation des coronapistes ça a été Noël! Etant basé à Fontenay, on utilise beaucoup la RD120 pour rejoindre Paris. On n’a plus besoin de zigzaguer”, ajoute Grégory Pigier.

Dans Paris tout va bien mais au-delà?

Reste la question critique : quelle distance? Et dans quelles conditions? Dans Paris intramuros, où les trajets entre deux points sont forcément limités à une dizaine de kilomètres et où les pistes cyclables à peu près sécurisées se sont multipliées, l’affaire est pliée. Dans la très proche couronne, le périph se laisse oublier sur un certain nombre de portes. “De Maisons-Alfort à la Grande Bibliothèque, je mets un quart d’heure”, se réjouit Philippe Genty. Au-delà, c’est une autre histoire, faîte de coupures urbaines qui restent très compliquées à effacer, et aussi d’une distance qui peut rapidement dépasser l’heure de trajet, seuil fatidique, même en vélo électrique. “De Maisons-Alfort à Fresnes quelle tannée!” se souvient l’ébéniste, pour qui la distance moyenne parcourue chaque jour est d’une quarantaine de km sauf exception. “Lors d’une journée devis, la bête noire des artisans, j’ai réussi à aligner 8 rendez-vous dans les 1er, 13ème, 14ème, 16ème arrondissements et à Montreuil, soit 120 km au total. Je n’aurais jamais pu le faire en voiture!” Au-delà, l’artisan préfère renoncer au chantier, où aller sur place plusieurs jours.

La librairie à vélo, le pari d’Adeline Barnault

Cela ne veut pas dire que le vélo n’a droit de cité qu’à l’intérieur du périph. Exemple dans l’Essonne, où Adeline Barnault a ouvert une librairie nomade et se trimbale allègrement ses 80 kg de bouquins entre sa remorque et l’avant de son vélo cargo. “J’ai voyagé en Nouvelle Zélande, au Canada, et quand je revenais, je me sentais enfermée. Comme j’adore faire du vélo et que je suis libraire de métier, j’ai décidé d’associer les deux. J’ai commencé en 2018 avec mon vieux vélo, une petite remorque et une caisse de livres, avant d’investir après avoir été lauréate du prix de l’innovation durable de l’Essonne. Je propose des livres d’occasion pour réduire l’impact environnemental. C’est aussi moins cher pour les gens. J’ai été bien accueillie et je commence à connaître les clients. Cette rentrée, je lance aussi la réservation, témoigne l’entrepreneuse qui continue toutefois de garder un job à côté pour le moment.

Marchés, Amap, festivals, lieux de passage tracent son parcours. “J’ai choisi de m’installer sur le plateau de Saclay, dans les communes où il n’y a pas de librairie. Je peux parcourir entre 50 à 60 km à vélo dans la journée, j’ai beaucoup de plaisir à la faire. Il y a pas mal de pistes qui se créent. En revanche j’évite le Ring des Ulis!”

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