La rébellion est partie du Havre. Mercredi 4 novembre, Jean-Charles Gérard, propriétaire du salon Torture Garden, prend la pose dans son salon vide. La posture ne laisse voir que les tatouages mais l’on comprend qu’il est à poil. C’est le message. Son sèche-cheveux, il l’a pointé sous son menton, comme un flingue…
Postée sur Facebook avec le hashtag #moncoiffeurapoil, la photo s’accompagne d’un manifeste contre la manière inéquitable dont le reconfinement impacte l’économie.
“Il est déjà difficile à accepter qu’on nous considère comme non essentiels… Je rappelle à toute fins utiles que le métier pèse à lui seul : 85 192 salons, 200 000 travailleurs déclarés, 6 milliards de CA, soit le deuxième secteur dans l’artisanat… l’artisanat étant le premier employeur du pays”, pose le barbier en préambule avant de dénoncer les grossistes qui court-circuitent les coiffeurs actuellement fermés pour vendre des produits capillaires professionnels. “Soyons solidaires ! Comme nous, fermez vos portes ! Pour nous, bloquez temporairement vos plateformes ! Avec nous, préparez l’avenir !” enjoint le coiffeur. Pour propulser son message, il lance le défi à ses confrères et ses consœurs.
Aujourd’hui je lance le #moncoiffeurapoil … et j’invite mes confrères de la France entière à me rejoindre….
Publiée par The Torture Garden sur Mercredi 4 novembre 2020
Dans la profession, le message est reçu 5 sur 5, partagé plus de 4500 fois sur Facebook. Depuis, les photos défilent sur le dièse Moncoiffeurapoil, toutes soigneusement mises en scène, avec souvent le sèche-cheveux sur la tempe. De quoi créer plusieurs dizaines de calendriers…
A Saint-Maur-des-Fossés, Audrey Laurent fait partie des premières à avoir soutenu le mouvement. “J’ai été sensible à son message, à son texte. Le soir même, j’étais au salon pour faire la photo, avec mon mari et mon téléphone”, raconte-t-elle. Propriétaire du salon Andalasia, elle ressent une injustice qu’elle n’avait pas éprouvée lors du premier confinement. “Au printemps, je ressentais de la tristesse, mais tout le monde était logé à la même enseigne. Cette fois, je suis en colère. Quand je me promène dans la rue, j’ai l’impression que les coiffeurs sont les seuls à avoir dû fermer avec les bars. On peut aller acheter du vin, faire laver sa voiture, cela est considéré comme essentiel! Mais nous, nous ne pouvons plus exercer notre métier alors que nous avions tellement investi pour prendre toutes les précautions sanitaires”, se confie la coiffeuse.
Aujourd’hui je rejoins le #moncoiffeurapoil … et j’invite mes confrères de la France entière à me rejoindre. ⠀ Car en…
Publiée par ANDALASIA sur Vendredi 6 novembre 2020
Et dé détaille les investissements et l’organisation : gel, masques, nettoyants désinfectants, peignoirs et serviettes à usage unique, siège d’écart entre chaque cliente… “Je suis une toute petit entreprise et on me fait comprendre que ces investissements ne servent à rien! Alors que devant mon salon, les gens s’agglutinent au marché, souvent le masque sur le menton”, proteste Audrey Laurent.
Dans cette situation violemment ressentie comme injustice, la goutte d’eau de trop a été la promotion faite par les grossistes en produits de coiffage professionnels utilisés par les coiffeurs pour vendre directement aux clients. “Cette vente en direct constitue une concurrence déloyale, estime la propriétaire d’Anadalasia. Bien sûr, on peut nous aussi vendre des couleurs en click and collect. Certains salons commencent à le faire. Mais cela revient à se tirer une balle dans le pied…”
C’est donc avec conviction qu’Audrey Laurent s’est laissée photographier, pour partager le message de sa profession, et le faire passer à son entourage. “J’ai reçu énormément de commentaires solidaires et mon post a été vu par 30 000 personnes, ce qui était du jamais vu! Alors que je passe parfois des heures à soigner un post de coiffures avant-après!” D’autres salons ont aussi fait passer le témoin, à l’instar des Ateliers du cheveu Alice.
#les_ateliers_du_cheveu_alice Aujourd’hui je rejoins #moncoiffeurapoil par solidarité … et j’invite mes confrères de…
Publiée par Les Ateliers Du Cheveux Alice sur Dimanche 8 novembre 2020
Au-delà de coup de gueule, la coiffeuse se projette désormais sur décembre. “Mes salariées sont au chômage partiel mais moi je n’y ai pas droit. Si le confinement s’arrête fin novembre et que les aides promises sont bien versées, nous passerons la cap car ce n’est pas le mois le plus fort de l’année. Mais si le confinement perdurait en décembre, ce serait catastrophique!”
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