A la barre | | 14/02/2020
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Procès des tags anti-Macron au lycée Romain-Rolland d’Ivry-sur Seine: salle bondée et sursis requis

Procès des tags anti-Macron au lycée Romain-Rolland d’Ivry-sur Seine: salle bondée et sursis requis

Ce jeudi, Sofiane, 19 ans, était le premier prévenu à être jugé devant le Tribunal correctionnel de Créteil suite aux tags anti-Macron au lycée Romain-Rolland d’Ivry-sur-Seine fin 2018. Un procès symbolique dans une salle bondée de soutiens du jeune étudiant.

Élus, parents d’élèves, professeurs : ce jeudi 13 décembre dernier, ils étaient nombreux devant le Tribunal de Grande Instance (TGI) de Créteil pour assister au renvoi en correctionnelle de Sofiane, aussi appelé Yanis. Beaucoup appartenaient au Collectif Romain-Rolland, qui s’est formé pour soutenir le lycéen et ses cinq camarades aujourd’hui dans l’attente de leur procès.

« Macron démission »

Tout est parti de tags dirigés contre le chef de l’État, de Parcoursup et de la réforme du bac. Inscrits au marqueur sur le panneau d’affichage, « Macron démission », « Stop Parcoursup » et « On veut des profs (et des surveillants en plus) » ont d’abord valu 36 heures de garde-à-vue à six élèves les 3 et 4 décembre 2018. « On était dans un contexte de grande agitation, en plein mouvement Gilets Jaunes », rappelle Marie, professeure d’histoire-géographie à Romain Rolland. En parallèle, s’organisent les blocus de l’établissement, comme dans beaucoup de lycées du département.

Dans la nuit du 16 au 17 décembre 2018, Sofiane et cinq autres lycéens s’introduisent dans l’enceinte de leur lycée. Ils y taguent une dizaine d’inscriptions similaires. L’une d’elle intime à la directrice de l’établissement de retirer sa plainte initiale, dans le style « Retire ta plainte ou on te baise ». A ce jour, aucun des prévenus ne reconnait en être l’auteur.

Des preuves éparses sont réunies. Des analyses ADN sur une bombe de peinture saisie chez l’éudiant de 19 ans lors d’une interpellation révèlent le profil génétique d’un jeune homme. Une vidéo a également été prise au moment des faits, mais Sofiane n’y apparait pas lui-même, bien que son téléphone borne alors dans les environs du lycée. En garde-à-vue, il reconnait les faits lors de sa deuxième audition.

Le 25 novembre dernier, la défense bénéficie d’un renvoi après avoir fait remarquer que, de façon improbable, un des officiers de police était l’homonyme du président de la République. Un flou pouvait alors subsister : à qui étaient adressées les injonctions à la démission, au locataire de l’Élysée ou à celui du poste de police d’Ivry ? L’avocat de Sofiane, maître Henri Braun, avait aussi soulevé une « fuite d’informations » des forces de l’ordre, sous la forme d’un échange de mail entre la proviseure du lycée et le commissaire de police.

Un prévenu modèle mais silencieux

Ce jeudi, Sofiane a donc répondu aux faits d’« intrusion non autorisée » au sein de l’établissement « commise en réunion » et « dans le but de troubler la tranquillité ou le bon ordre », de « dégradation ou détérioration de bien » d’utilité publique, de « menace ou acte d’intimidation » et de « transport d’arme incapacitante de catégorie D ». Fin janvier 2019, un pistolet à blanc a en effet été perquisitionné chez lui. Sa possession n’est pas illégale, contrairement à son port et son transport en dehors du domicile.

Devant un auditoire largement acquis à la défense, la présidente de séance s’agace du mutisme du jeune homme qui refuse de répondre à ses questions. « Il y a des limites à la liberté d’expression », assène-t-elle. Alors qu’il répète ne rien avoir « à apporter de pertinent », elle imite son ton mou et l’interpelle : « vous êtes-toujours comme ça ? » Et le jeune homme de répondre, placide : « Dans cette situation… » L’ambiance se détend d’un cran. On entend quelques rires étouffés dans la salle bondée où beaucoup sont contraints de rester debout.

Tout au long du procès, ce n’est pas sur sa personnalité que le prévenu au casier judiciaire vierge est attaqué. Tous les témoignages convergent vers le portrait d’un garçon « gentil, investi et engagé » selon les mots de la procureure elle-même. Toujours président de la Maison des Lycéens (MDL) de son établissement, il travaille aujourd’hui comme technicien de plateau le soir, en parallèle de ses études.

Pour la défense, une condamnation constituerait un coup aux principes démocratiques et à la liberté de critiquer le gouvernement. « Ces poursuites seront constitutives du futur de ces jeunes », tance Méhadée Bernard, adjointe au maire Philippe Bouyssou (PCF). A ses côtés, la vice-présidente du département Lamya Kirouani (PCF), vient aussi en tant que mère dont les trois filles sont scolarisées à Romain-Rolland.

6 mois avec sursis et 3 000 euros d’amende requis

C’est donc au son des murmures désapprobateurs que la procureure requiert une peine de six mois d’emprisonnement avec sursis et de 175 heures d’intérêt général. « Madame L. a énormément souffert des pressions et menaces qui ont été exercées sur elle pour la pousser à retirer sa plainte », insiste l’avocate du Conseil régional, partie civile dans l’affaire car propriétaire des murs de l’établissement. Elle plaide, elle, pour près de 1 900 euros de dommages et intérêts et 1 000 euros au titre du préjudice moral. « Je ne m’attendais à rien mais je suis déçu quand même », réagit un camarade de Sofiane.

Côté défense, maître Henri Braun s’est étonné du zèle des services de police et de justice, qui ont procédé à de multiples arrestations – Sofiane a été interpellé à son domicile –, gardes-à-vue, perquisitions et analyses. « Tout ça pour un tag », insiste-t-il.

Il réfute aussi la responsabilité de son client dans le tag menaçant. Surtout, il rappelle que la proviseure n’a en réalité probablement pas déposé plainte avant la seconde salve d’inscriptions, et qu’en tout état de cause une plainte simple ne peut pas être « retirée ». Et l’avocat d’expliquer que l’on ne peut pas être condamné pour avoir tenté de forcer quelqu’un à faire quelque chose d’impossible, dans la mesure où cette personne était dans l’incapacité de l’accomplir dans tous les cas.

Quant-au dernier chef d’accusation, celui de transport de l’arme à blanc, c’est l’ancien lycéen qui s’exprime. « Je voulais l’utiliser comme accessoire pour un tournage de film, explique l’étudiant, aujourd’hui en fac de sport option cinéma. J’ai tiré dans un hangar désaffecté pour le tester. »

Tout au plus Me Braun reconnait une « possible » intrusion illégale. Il invite à trancher en faveur de la relaxe ou la dispense de peine, si un doute persiste.

Après un bref délibéré, le verdict est finalement reporté au 27 avril au même endroit.

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