Il était 15 heures ce mercredi dans le bus de la ligne 3 de Keolis (l’Athis car) en direction d’Orly, à proximité de l’arrêt des Tilleuls à Thiais, lorsque trois jeunes hommes âgés de 17 à 20 ans, encapuchonnés, ont débarqué et pris à partie un jeune lycéen installé au fond du bus.
“Les autres passagers ont couru vers l’avant pour prévenir le chauffeur de la bagarre à bord. Celui-ci s’est arrêté et a ouvert les portes. A ce moment là, la personne qui était agressée a crié “ils m’ont planté”. Ensuite, la police et les pompiers sont intervenus”, raconte la mère d’un témoin. De source policière, l’un des trois individus ont demandé au passager s’il venait de la cité Barbedienne à Villeneuve-Le-Roi. Celui-ci ayant répondu oui, l’agresseur lui a donné 5 coups de couteau à la cuisse, au genou et à la main gauches. En dehors d’une blessure superficielle à la main, les autres blessures font entre 1 et 1,5 cm de profondeur. La victime, un lycéen de 17 ans habitant de Villeneuve-le-Roi, a été transporté au CHI de Villeneuve-Saint-Georges, sans pronostic vital engagé. Les trois jeunes agresseurs ont pris la fuite.
De quoi réveiller la colère des riverains de la ligne, après plusieurs agressions dans le bus et et quelques semaines après l’agression mortelle au couteau du jeune Sabri, non pas dans le bus mais près de la cité Alfred de Musset d’Orly.
“On nous a promis des médiateurs et il y a effectivement eu des médiateurs dans le bus au début, sur l’ensemble de la ligne. Il y a même un samedi où des policiers sont venus dans le bus. Mais depuis les vacances, les médiateurs sont simplement aux arrêts. Et puis, dans le quartier, rien n’a vraiment changé. On nous a juste effacé l’un des hommages à Sabri”, regrette cette habitante d’Orly, membre du collectif de parents qui s’était constitué après la mort du jeune homme de 19 ans, pour lutter ensemble contre la violence.
Alors qu’un Conseil municipal se tient à Orly ce jeudi soir, le sujet devrait s’inviter à table. Plusieurs élus ont posé des questions à ce sujet. “Il y a 11 médiateurs sur le réseau de bus Bords de l’eau de Keolis. 5 interviennent le matin et 5 l’après- midi, pour assurer une présence de 6h30 à 21H45 du lundi au vendredi. Le weekend, ils sont deux ou trois. Aujourd’hui, tous devraient être sur la ligne 3 après l’agression d’hier”, détaille-t-on au cabinet de la maire d’Orly, qui a questionné l’opérateur de la ligne à ce sujet. Pour ce qui est des actions pour apaiser les tensions dans le quartier, la ville rappelle le travail entrepris avec les communes voisines en association toutes les parties prenantes, des services municipaux aux clubs de prévention en passant par les services de la PJJ (Protection judiciaire de la jeunesse).
L’Athis car, une ligne de bus témoin de la guerre des bandes
Sur la ligne 3 du bus Keolis, qui dessert une grande partie des lycées des deux villes, les incidents sont fréquents. En septembre, le bus avait été attaqué par des jeunes d’Orly qui suspectaient un des passagers d’être villeneuvois – avant de se rendre compte qu’il venait en fait de Choisy-le-Roi.
Face à cette guerre des bandes qui se joue aussi dans l’Athis car, Keolis a mis en place une douzaine de médiateurs depuis sept ans, pour éviter les rixes et inciter les usagers à payer leur billet. Mais les médiateurs eux-mêmes avouent ne pas pouvoir toujours prévenir les risques, faute de moyens. “On travaille sans aucune protection. Même les policiers qui nous accompagnent parfois sont surpris de voir que nous n’avons rien d’autre qu’un uniforme”, confiait l’un d’entre eux fin octobre.
Un manque de moyens également dénoncé par les chauffeurs de bus. Mamoudou Traoré, délégué syndical (Force Ouvrière) depuis trois ans, demande davantage de “présence physique” dans les bus, ainsi que des vitres anti-agressions, à l’image de celles en place sur les lignes Transdev et RATP. Employé chez Keolis depuis dix ans, il pointe du doigt la réticence du transporteur à s’engager pour la sécurité de ses salariés, alors même qu’il observe une hausse des incivilités et des agressions. “Après l’attaque du 3 septembre, nous avons eu une réunion avec la direction, où nous avons réitéré nos demandes. Mais nous avons essuyé un nouveau refus, sous prétexte que c’était un passager qui avait été agressé et non pas un conducteur. Alors que le bus aussi a été vandalisé !”
Ces revendications ne se limitent pas aux conducteurs syndiqués. B, chauffeur muté sur la ligne 3 depuis l’automne, souhaiterait aussi davantage de médiateurs, surtout la nuit; En attendant d’avoir des vitres anti-agressions, le trentenaire s’adapte. “Quand je sens qu’un usager va tenter de me porter des coups, je garde la main sur la porte de mon habitacle, pour pouvoir le repousser au cas où.”
Malgré tout, il précise que la ligne 3 est loin d’être la pire sur laquelle il a opéré. Chauffeur depuis cinq ans, il a notamment travaillé dans les alentours de Grigny, Juvisy et Viry-Châtillon où il s’est forgée une solide expérience en prévention des agressions. En allant jusqu’à l’arrêt Victoire, proche du lieu du décès de Sabri, il explique tout faire pour éviter les “imbécivilités”, comme il les appelle. “Je suis aimable avec tout le monde, j’essaye de ne pas conduire trop brusquement et de ne pas avoir trop de retard”, détaille-t-il en gardant un œil sur l’heure. “Quand un passager devient agressif, j’essaye de le raisonner en lui expliquant que les chauffeurs peuvent exercer leur droit de retrait en cas d’agression, et qu’il risque de pénaliser tous les usagers. En général, ça marche.”
Propos des chauffeurs de bus et médiateur recueillis par Raphaël Bernard à la mi-octobre.
Article mis à jour à 16h avec précisions policières
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