En 2018, 4,3 millions d’appels ont été passés dans les 8 Samu d’Ile-de-France et 3,5 millions ont été décrochés dont 2,76 millions en moins d’une minute. Répondre vite et bien, telle est la tâche qui incombe aux assistants et assistantes de régulation médicale. Depuis fin 2019, ce personnel bénéficie d’une formation certifiée. Focus sur la première promo.
A l’origine de cette formation désormais obligatoire : un drame survenu fin 2017 et suffisamment médiatisé pour faire réagir la ministre de la Santé Agnès Buzyn. Le 29 décembre de cette année là, Naomi Musenga, 22 ans, appelait Police Secours pour de violentes douleurs au ventre. Après avoir été transférée au centre d’appel des Pompiers puis à celui du SAMU de Strasbourg, la jeune femme avait subi la raillerie de l’opératrice alors qu’elle expliquait se sentir mourir. Tardivement emmenée à l’hôpital, elle succombait des suites d’une intoxication au paracétamol. “Comme tout le monde, j’ai entendu parler de l’affaire. En principe, on établit la symptomatologie et ensuite le médecin fait le tri. Dans ce cas précis, la personne en charge de prendre l’appel ne l’avait même pas transmis“, se souvient Alexandra, 30 ans, ancienne juriste qui fait partie des premiers élèves à suivre la toute nouvelle formation.
Inauguré officiellement ce 10 janvier, le Centre de formation des assistants de régulation médicale (CFARM) des 8 SAMU d’Île-de-France a fait sa rentrée le 4 novembre 2019, sur le site de l’ancien hôpital Broussais dans le 14ème arrondissement, avec 38 étudiants.
“La formation coûte 8 479 euros par élève, et, pour cette année, c’est le ministère qui prend en charge la quasi totalité, à hauteur de 8 000 euros. Le reste peut également être pris en charge pour les étudiants en difficulté. Le projet a été validé le 19 juillet 2019. Ensuite cela a été un véritable challenge et il a fallu en un mois et demi faire des travaux jours et nuits”, explique Christophe Houzé, directeur du centre. Installé au 5ème étage du pavillon Leriche du site Broussais, il partage les locaux avec les écoles IADE, qui forme les infirmiers anesthésistes, et IBODE, les infirmiers de blocs opératoires. “L’année prochaine, nous augmenterons le nombre de places disponibles à 60. Les 8 000 euros pris en charge devraient cette fois être aux frais des établissements”, précise le directeur du centre.
La formation, validée avec le ministère de la Santé, se déploie sur 1470 heures de formation réparties à 50% pour la formation théorique (analyse, simulations…) et 50% pour la formation pratique. Elle comporte 5 semaines de stages découverte et 16 semaines de stages métiers (centre de réception et de régulation médicale installé dans les SAMU, structure mobile d’urgence, établissement de santé, établissement médico-social, structure de transport de malade, structure d’appel d’urgence). La formation est sanctionnée par un diplôme de niveau 4.
“194 demandes nous ont été adressées au total, alors que nous pensions ne pas en recevoir assez“, souligne le docteur François Dolveck, directeur médical du CFARM Paris-Ile-de-France et du SAMU 77. “C’est un petit exploit d’en être arrivé là et d’avoir réussi à mettre en place une école commune à tous les hôpitaux, malgré les histoires spécifiques de chaque SAMU” se félicite de son côté Martin Hirsch, directeur général de l’AP-HP. “Je suis fier parce que cette formation est essentielle. Je me demande même pourquoi elle n’a pas été mise en place avant. A l’époque, on transmettait des compétences sans les formaliser. Il fallait rattraper ce retard ; les crises, les drames, révèlent des choses : la qualité des urgences passe par la qualité de régulation. C’est l’aboutissement d’une maturité collective. En créant cette formation, le métier est formel, réel et c’est doublement valorisant, quand on l’ajoute à la qualité d’être dévoué.”
“- Oui bonjour, je vous appelle pour mon père qui ne va pas très bien. …. – Bah je ne sais pas trop, justement, je ne suis pas médecin. ….. – Je suis située rue Aristide Briand. ….. – Tant que ça ? Ça fait déjà super longtemps que j’attends…” Casque sur les oreilles et micro à la bouche, Vincent donne la réplique, dans le rôle du patient depuis ce matin. “Mes maux de tête ne passent pas. Je suis dans le même état depuis ce matin, c’est vraiment douloureux. Oui, j’ai pris du Doliprane : deux de 500 mg”, simule sa voisine. “J’ai 12 ans. Je suis tout seul à la maison, mes parents travaillent. Je suis tombé en faisant du skateboard. Et oui, ça fait un moment que j’attends et que j’ai mal.”, envoie un autre. De l’autre côté de la vitre teintée, leurs camarades se saisissent de ces cas pratiques. L’objectif : qu’ils soient initiés aux conditions réelles.
“En 45min/1h, une vingtaine de mes appels ont été pris en charge, explique Vincent. La formation me plait, et notamment le stage que j’ai réalisé dans un hôpital de Corbeille Essonne. Le but est de faire connaissance avec les plateaux techniques dont disposent les ARM, pour mieux anticiper les besoins des patients et savoir où est-ce qu’il faut les emmener. Pour l’instant, le personnel ne sait pas trop encore qui nous sommes, mais c’est normal car nous sommes la première promotion à être formés.”
Parmi ces 38 premières recrues, dont deux-tiers sont des femmes, les profils varient, allant des jeunes bachelier aux anciens conducteurs de train et autres futurs reconvertis. C’est le cas d’Alexandra, 30 ans, ancienne juriste. “J’aimais beaucoup le droit, mais j’aurais aussi voulu faire médecine. Avant de m’engager à suivre cette formation, j’ai travaillé pendant un an et demi à la Croix-Rouge, au pôle d’assistance psychologique par téléphone. Cela m’a plu, alors j’ai eu envie de me spécialiser en ARM, qui s’en rapproche. Nous sommes les premiers interlocuteurs : on doit donc décider si l’appel va être transféré à un urgentiste, et envoyer une ambulance, ou à un généraliste.”
Pour rappel, le SAMU régule notamment les interventions des ambulances de réanimation des services mobiles d’urgence et de réanimation – SMUR qui partent des hôpitaux de la région, déclenche et régule les moyens secouristes(Brigade des Sapeurs-Pompiers de Paris, services départementaux d’incendie et de secours – SDIS, ambulances privées, moyens professionnels ou associatifs de secours à personnes, …). Il y a un Samu par département donc 8 en Ile-de-France, les 4 de l’AP-HP à Paris et proche couronne, et 4 autres en grande couronne.
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