C’est une première satisfaction pour la défense de Thierry, victime de violences policières lors d’une interpellation pour deal de drogue au mois d’août 2019, dans la cité Cordon de Saint-Ouen.
L’affaire se déroule le vendredi 9 août 2019. Sur la vidéo réalisée par un témoin, on distingue un homme en tee-shirt (un policier en civil) se battre avec le jeune homme et le plaquer au sol avant de continuer à lui donner des coups de poing le temps que deux agents en uniforme viennent lui prêter main forte. L’un donne des coups de pied à la tête du jeune homme au sol. Une interpellation musclée qui, selon le témoignage de Thierry, se poursuit dans le fourgon qui l’emmène au commissariat, avec notamment des coups de taser dans les parties génitales, des étranglements et des insultes. Une version très différente de celle établie par le policier. Bilan : 3 jours d’ITT (Incapacité totale de travail) pour Thierry.
Suite au visionnage de la vidéo du témoin, qui circule rapidement sur les réseaux sociaux, recoupée par des caméras de vidéosurveillance, l’IGPN (Inspection générale de la police nationale) décide de lancer une enquête, laquelle conclura qu’il y a bien eu violences policières et que le compte-rendu dressé par l’agent Kevin a tenté de les dissimuler. De son côté, le jeune homme, relâché après une garde à vue de 24 heures, porte plainte.
Ce jeudi 5 novembre, l’agent Kevin comparaissait au Tribunal correctionnel de Bobigny dans le cadre de cette affaire. Pour la défense de la victime toutefois, cette juridiction n’était pas appropriée car le faux en écriture publique par un dépositaire de l’autorité publique est passible de la Cour d’Assises. C’était donc tout l’enjeu de cette audience que de renvoyer l’affaire à cet échelon et c’est ce à quoi s’est attelée Anna Branellec, collaboratrice de Me Yassine Bouzrou, avocat du plaignant. Notant qu’il s’agit d’un crime passible de 15 ans de prison et 225 000€ d’amende. Et l’avocate de rappeler que trois autres policiers sont impliqués dans cette arrestation.
De son côté, l’avocat du policier, Frédéric Gabet, réfute les accusations en bloc. “Nous ne sommes pas dupes de la tentative de donner une tribune publique à cette affaire” ,a ainsi dénoncé l’avocat, préférant parler d'”inexactitude” dans le rapport plutôt que de faux. De son côté, le procureur de la République a pour sa part évoqué le calendrier de la justice. “Si le renvoi aux assises est parfaitement possible, je tiens à souligner que le jugement ne pourra pas avoir lieu avant 2024”.
Après une dizaine de minutes de délibérations, les juges ont prononcé le renvoi aux assises.
La CSI 93 dans le collimateur
Au-delà de l’affaire qui était audiencée ce jeudi, c’est le procès de la CSI 93 (Compagnie de sécurité et d’intervention de Seine-Saint-Denis) qui se poursuit. Déployée en 2008 à l’instar d’autres CSI départementales, après avoir été initiée à Paris, la CSI 93 compte alors 150 agents chargés d’enquêter et d’intervenir sur les trafics en tout genre, du trafic de pièces détachées d’automobiles au deal de drogue. Dès 2015 toutefois, des problèmes internes sont remontés par des policiers eux-mêmes, qui font l’objet de communiqués publics. En juillet de cette année, l’affaire éclate au grand jour avec la mise en examen de quatre policiers suite à l’ouverture de 17 enquêtes de l’IGPN. Les faits reprochés vont des pratiques ripoux, aux violences policières et propos racistes.
Un dysfonctionnement qui a conduit le préfet de police de Paris, Didier Lallement, à annoncer la dissolution de cette compagnie le 2 juillet dernier. “Tirant les conséquences des déferrements des policiers de la CSI 93, le préfet de Police a décidé de revoir le fonctionnement des CSI sur la plaque parisienne. Cela passe en premier lieu par la dissolution de la CSI 93. Au delà, il a décidé de revoir la doctrine d’emploi des CSI dans le sens d’une meilleure articulation avec les effectifs locaux de la DSPAP qu’elles appuieront plus fortement dans la lutte contre la délinquance du quotidien. La chaîne de commandement sera également renforcée et les modalités de recrutement et de mobilité des agents revues”, annonçait le préfet dans un communiqué. Une réponse mal reçue par les policiers pour qui cette mesure consistait à jeter le bébé avec l’eau du bain, au lieu de faire le ménage. A cette date toutefois, la CSI 93 n’est toujours pas dissoute, comme l’a révélé le journal Médiapart le 26 octobre dernier, notant que la dite compagnie était mentionnée dans une directive de la préfecture, parmi les unités mobilisées dans le cadre du couvre-feu sanitaire.
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