De la pneumologie à la réanimation, le Covid-19 déborde à nouveau de partout à l’hôpital Cochin, où l’on échafaude déjà le scénario noir d’une “super crise”.
Encore une fois, le virus cannibalise l’hôpital. En pneumologie, un tiers des 60 lits sont occupés par des patients Covid en insuffisance respiratoire sévère.
“On tire sur l’élastique, pour l’instant il ne casse pas”, se rassure le Pr Nicolas Roche, chef de ce service dont l’activité habituelle (consultations, fibroscopies) tourne au ralenti.
“On est arrivé au maximum de ce qu’on peut faire sans retentissement majeur sur la qualité et la quantité des soins qu’on peut offrir”, dit-il, mais “on a l’impression que le point de rupture n’est pas loin”.
Signe qui ne trompe pas: ses dernières admissions venaient toutes de Seine-Saint-Denis, département voisin sous-doté et déjà submergé avant les autres lors des précédentes vagues épidémiques.
Avec près de 5 900 malades du Covid hospitalisés en Île-de-France – dont plus de 1 100 en réanimation – la région parisienne est au coeur des préoccupations.
“Il faut que quelque chose se passe pour que la pression puisse redescendre”, affirme le Pr Roche, redoutant le moment où “tout le monde va se retrouver sous tension maximale”.
Sa cadre de santé Karine Colin, elle, “se fait du souci” pour remplir les plannings du service, car “beaucoup de soignants s’en vont et ne sont pas remplacés à l’heure actuelle”.
Ceux qui restent sont “motivés mais fatigués”, après “un an dans le Covid”. La crise sanitaire “pèse sur le moral” des équipes, qui ont “l’impression d’être dans le débordement depuis un bon bout de temps”, ajoute-t-elle.
Pourtant, le pire est peut-être à venir. Selon le directeur de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), les réanimations franciliennes pourraient accueillir “entre 2 000 et 2 800 patients” début avril.
Un scénario de “super crise” auquel la direction de l’hôpital Cochin se prépare déjà. Actuellement, l’établissement dispose de 44 lits de “réa Covid”, au prix de lourds sacrifices: 35% des opérations chirurgicales ont été “déprogrammées”, précise le Pr Alain Cariou.
Le directeur médical de crise envisage les différentes options pour doubler cette capacité de soins critiques. “C’est de l’anticipation, pas de la science-fiction. Quelles que soient les mesures prises, il y aura forcément une aggravation dans les deux ou trois prochaines semaines”, affirme-t-il.
Le variant anglais a pris de vitesse la vaccination, qui protège essentiellement les plus âgés. Conséquence: en réanimation, les malades du Covid ont “dix ans de moins que ceux de la première vague”, observe le Pr Frédéric Pène.
Les douze patients de son unité ont ce matin entre 53 et 73 ans, comme cet homme de 69 ans sous oxygénation extracorporelle, dont le coeur et les poumons sont suppléés par une machine.
“On a toujours des patients extrêmement graves”, relativise le réanimateur, qui constate toutefois que les derniers admis n’ont “pas beaucoup d’antécédents, parfois pas de comorbidités et des surcharges pondérales assez modérées”.
Des profils jusqu’ici moins fréquents, qui ne s’en tirent pas mieux que les autres: “Quand ils sont intubés, on part pour longtemps…
par Gabriel BOUROVITCH
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