La cour d’assises de Seine-Saint-Denis a condamné jeudi à 18 ans de réclusion criminelle la femme qui a commandité l’assassinat raté de son ex-compagnon en août 2017 en forêt, une affaire décrite au procès comme “digne d’un film des frères Coen”.
Après sept heures de délibération, la cour a déclaré Amandine Soave, 34 ans, coupable d’avoir tenté d’éliminer Jimmy C., son ancien conjoint. Elle avait enrôlé un tueur à gages puis attiré la victime dans un guet-apens tendu dans une allée obscure de la forêt de Bondy, au prétexte d’une promenade après un dîner au Courtepaille, le 26 août 2017.
L’accusée espérait faire passer l’assassinat de Jimmy pour un règlement de comptes lié à du trafic de stupéfiants, au point d’amener dans cette balade sanglante leur fils de trois ans en poussette afin de détourner les soupçons d’elle. Mais, placée en garde à vue, elle avait fini par avouer les faits.
L’avocate générale avait requis requis 25 ans de prison à son encontre. La défense d’Amandine argue de violences verbales et physiques de la part de Jimmy pour expliquer ce “crime extraordinaire commis par une jeune femme ordinaire”.
Blessé par une balle au thorax, Jimmy a réchappé de ce piège vivant mais paraplégique. Il ne peut désormais se déplacer qu’en fauteuil roulant.
“Je demande pardon pour toutes ces vies gâchées par ma faute. Je vivrai avec cette culpabilité toute ma vie”, a déclaré en pleurs Amandine, petite femme aux cheveux noués en une tresse brune, dans ses derniers mots à la cour jeudi matin.
Car la dérive criminelle de cette mère auparavant sans histoires valait à six personnes de comparaître à ses côtés depuis le 30 mars aux assises dont, fait rare, une bonne partie de sa famille, déchirée et anéantie par cette affaire.
La cour a ainsi condamné son père à six ans de prison ferme pour complicité de tentative d’assassinat, son frère à cinq ans avec sursis et sa belle-soeur à trois ans avec sursis pour abstention à empêcher un crime.
Le principal intermédiaire, avec lequel Amandine était entrée en contact via Snapchat par l’entremise d’un ami ivre à une soirée barbecue, a été condamné comme elle à 18 ans ferme. Le jury a par ailleurs ordonné 15 ans de prison ferme pour le tireur et cinq ans avec sursis pour le premier intermédiaire.
Après la lecture du verdict, la victime a laissé exploser sa colère dans le hall du tribunal de Bobigny, estimant les condamnations trop clémentes.
“C’est ça la justice ?! On a le droit de fumer des gens comme ça ?!”, a vitupéré Jimmy, allant et venant à vive allure en fauteuil devant les portes fermées de la salle d’audience. “J’ai plus de jambes, je peux plus marcher !”
Dans son réquisitoire mardi, le ministère public a en grande partie rejeté la défense de l’accusée, qui dit avoir voulu mettre fin à une “relation toxique” et une “emprise”. L’avocate générale a plutôt avancé la garde de leur garçon, le grand absent sans cesse évoqué à l’audience, comme le principal déclencheur de l’engrenage fatal.
A la barre, des policiers en charge de l’enquête ont confié leur fascination pour cette affaire unique dans leur carrière. L’un d’eux est allé jusqu’à la décrire comme “digne d’un film des frères Coen”, ces réalisateurs américains aux histoires généralement aussi macabres que grotesques.
Lors de son interrogatoire, Amandine a raconté avoir patiemment économisé pour ce projet criminel, évoqué au sein de sa famille par l’expression codée “les travaux de la salle de bains”. Elle avait rassemblé l’argent de Noël ou des anniversaires et vendu sa voiture avec l’aide de son père.
Elle avait mis au total 5 000 euros de côté. Juste assez pour régler l’acompte demandé… mais pas le solde qui aurait dû être versé après l’assassinat. Les protagonistes de l’affaire ayant été promptement arrêtés, la facture finale n’a jamais été présentée.
par Alexandre MARCHAND
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