A Cachan, les travaux préparatoires au passage du tunnelier Ellen pour creuser un tronçon de la ligne 15 sud du Grand Paris Express, ont laissé un souvenir dont se seraient bien passés les riverains.
Depuis cet été, des habitants de Cachan doivent vivre avec les dégradations causées par le chantier de la ligne 15 sud du Grand Paris Express. Afin de stabiliser les sols avant le passage du tunnelier, une entreprise a en effet procédé à des injections de boues de matériaux dans ces quartiers bâtis sur d’anciennes carrières. Une opération qui a laissé des traces.
C’est le cas chez un couple de la villa Carnot dont les évacuations du sous-sol et de la cuisine sont devenues inutilisables, bouchées au trois-quarts par une bouillie de matériaux désormais solidifiée. «J’ai d’abord constaté qu’un évier se bouchait systématiquement. Tous nos équipements du sous-sol (salle de bain et penderie) sont inutilisables. Comme la canalisation passe chez notre voisin, nous lui avons demandé de l’ouvrir, c’est là que nous avons découvert le bouchon. Depuis, nous devons faire des allées et venues avec des seaux. Les travaux ont rendu une partie de notre logement insalubre», dénonce la propriétaire.
Le couple n’est pas le seul à avoir subi des désagréments. Selon nos information, plus d’une cinquantaine de propriétaires (particuliers et SCI) se sont manifestés auprès de la Société du Grand Paris, vivant essentiellement dans le quartier Lumières, situé à quelques centaines de mètres de la future gare Arcueil-Cachan de la ligne 15 sud. Le cabinet de la députée Albane Gaillot, qui indique avoir reçu “deux ou trois doléances d’habitants”, évoque par exemple le cas d’une personne ayant bénéficié d’un relogement le temps des travaux. Un particulier a également subi des déformations structurelles sur son bien, nécessitant la pose d’étais. «La SGP (Société du Grand Paris, maître d’ouvrage du Grand Paris Express) a expliqué à la députée que les demandes d’indemnisation étaient en cours de traitement, et qu’il fallait attendre le retour des propriétaires en négociation. Nous n’avons pas eu davantage de détails mais les avons invité à communiquer davantage», détaille le cabinet de la parlementaire.
Pour la SGP, “seul un désordre reste en cours de traitement“
Du côté de la SGP, on assure avoir pris toutes les précautions disponibles. «Au préalable, la Société du Grand Paris avait pris la précaution de faire désigner par le juge des référés du tribunal administratif de Melun, un expert judiciaire chargé d’assurer le suivi de ces travaux Ces travaux se sont déroulés dans de bonnes conditions, les habitants du quartier des Lumières ayant compris l’intérêt de sécuriser leur bien dans une zone de carrières exploitée au siècle dernier. Quelques désordres ont été constatés lors des interventions de comblement des carrières, l’expert chargé du suivi du référé a chiffré le coût de reprise des désordres. Ces désordres ont fait depuis l’objet de réparations, seul un reste en cours de traitement. Ces désordres matériels sont pris en charge financièrement par la SGP, à charge pour le riverain de les faire réaliser par une entreprise de son choix. Différentes propositions ont été formulées aux riverains concernés notamment lors de la remise en état de leur jardin. Et des conventions d’occupation temporaire des parcelles privées ont permis de préserver les intérêts des riverains. La SGP, en tant que maître d’ouvrage responsable, assume la pleine responsabilité juridique et financière de ces dommages dont le lien de causalité direct avec le chantier a été établi», réagit la Société du Grand Paris.
Recours en justice
Pour la propriétaire dont les évacuations ont été bétonnées, le deal avec la SGP n’a pas suffi. «D’abord, l’entreprise qui a réalisé les travaux est passée voir, puis un expert est venu et a retenu la causalité entre nos dommages et les travaux. Nous avons fait chacun de notre côté un devis. L’expert a validé l’offre de la SGP d’environ 9000 euros. Ils sont venus nous faire cette proposition, en se déplaçant à 15, c’était un moment très déplaisant. Le tout en contrepartie d’un accord de confidentialité. Ils ont par ailleurs balayé nos demandes de dédommagement pour le préjudice de la perte d’usage. C’est là que j’ai décidé de prendre un avocat et d’aller en justice», explique-t-elle.
Pour son avocate, Me Marie Simoes, spécialisée dans le droit de la construction, l’intérêt public d’un tel chantier ne justifie pas ce traitement des riverains victimes. «Sous prétexte qu’elle exercerait une mission de service public, elle se réserve le droit de causer des préjudices aux particuliers sans en réparer l’ensemble des conséquences. Hors de question pour eux de parler d’autre chose que le dégât matériel, et au rabais. J’ai pourtant l’habitude de travailler avec des promoteurs, même eux ne sont pas aussi durs en négociation. Nous sommes face à un rouleau compresseur. Sur une dizaine de victimes, neuf abandonnent parce qu’une procédure coûte 3000 euros en moyenne et qu’il faut y être moralement préparé. Ils jouent sur le non-recours de la majorité des victimes. C’est scandaleux», estime l’avocate qui défend également un second dossier cachanais.
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