Provocation classique ou nouvelle menace sérieuse ? Les tags hostiles aux forces de l’ordre griffonnés sur les murs ou les halls d’immeubles ont refleuri sur les réseaux sociaux, dénoncés par le gouvernement et les syndicats de police, quitte à provoquer une “surenchère”.
“Couper la tête d’un policier = 500.000 €”, “jet de boule de pétanque sur la police !!! = 200 €”, “violer une policière prime de 500.000 €” (sic). Ce tableau de récompenses a été découvert sur un point de deal dans un hall d’immeuble à Savigny-le-Temple (Seine-et-Marne).
Après l’émoi suscité sur les réseaux sociaux, il a conduit au déplacement de Gérald Darmanin fin octobre, pour condamner des tags “inacceptables” contre la police.
Les jours suivant, la préfecture de police de Paris a annoncé déposer plainte à au moins six reprises contre des tags visant les forces de l’ordre à Paris et sa région, comme à Clichy-sous-Bois, Nanterre, Sevran, Aubervilliers et au Plessis-Robinson.
“Ce genre de menace, il y en a partout et de trop ! Chaque jour de l’année ne serait pas suffisant pour les dénoncer !”, déplorait le syndicat Alliance sur Twitter en octobre.
“Encore et encore, la haine anti-flic et la bêtise crasse se lisent sur les murs”, pestait dimanche sur le même réseau social Grégory Joron, secrétaire général du syndicat Unité SGP Police FO. Son message accompagnait une photo de “primes” (“violer un baceux (sic) = 50k €”) retrouvée sur la porte d’une cave à Montévrain.
Aux yeux des syndicats de police, ces saillies manuscrites traduisent l’affaissement de l’autorité de l’Etat dans certains quartiers et les carences de la justice dans la réponse pénale.
A Savigny-le-Temple, “les termes sont plus durs que d’habitude, mais c’est quand même monnaie courante” de découvrir des noms ou des plaques d’immatriculation de véhicules de police sur les murs, remarque un policier chevronné du département.
“C’est montant depuis une dizaine d’années”, considère pour sa part un gradé officiant en région parisienne, pas surpris que la figure du policier ne soit plus “sacralisée”.
“Les photos des collègues relayées par les syndicats sur les réseaux sociaux donnent une tendance folle, alors que cela existe depuis toujours”, confirme une source policière.
“un effet de contagion par imitation”
“On peut se demander s’il n’y a pas une compétition, de la surenchère” entre les quartiers, embraye une source judiciaire francilienne, qui souligne “un effet de contagion par imitation”.
Pour mieux comprendre le phénomène, cette source a établi une typologie des auteurs: elle distingue les “rebelles”, les “déséquilibrés” et les “extrémistes politiques”.
Dans les quartiers sensibles, il s’agit souvent de mineurs ou de jeunes majeurs, dans un contexte lié au trafic de drogue, selon ce magistrat qui travaille depuis longtemps en Ile-de-France.
Les inscriptions se trouvent “sur les lieux de contrôle. L’importance c’est d’être lu”, pointe la source policière de Seine-et-Marne.
Les unités visées sont celles qui travaillent sur le terrain au quotidien, en priorité les brigades anti-criminalité (BAC) et les brigades spécialisées de terrain (BST).
Les fonctionnaires expérimentés interrogés par l’AFP nuancent néanmoins la portée de ces messages hostiles, parlant plutôt d’une “intimidation” que d’une réelle menace de passage à l’acte.
“C’est un mode d’expression qu’ils ont de marquer leur territoire, dire :on est tout-puissants sur ce secteur”, estime l’un deux.
“Les jeunes n’ont plus peur d’aller au contact dans les quartiers, d’être violents avec nous, avant cela s’arrêtait aux tags”, remarque pourtant une autre source policière.
Depuis son lancement en août 2020, 750 fonctionnaires ont fait appel à la plateforme d’écoute d’appui des policiers “victimes d’attaque”, considérant que leur vie privée était menacée après des tags, des menaces ou des agressions, selon une information d’Europe 1, confirmée à l’AFP.
Quel que soit le profil des auteurs des tags, ils laissent peu d’indices, ce qui rend les enquêtes compliquées.
Le 16 novembre à Bonneuil-sur-Marne (Val-de-Marne), quatre mineurs ont été interpellés grâce à la vidéosurveillance alors qu’ils écrivaient “baise la CSI” (compagnie de sécurité et d’intervention).
par Fanny LATTACH / Alice LEFEBVRE / Ulysse BELLIER
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