Société | | 12/02/2021
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De la déflagration du #MeTooGay au suicide: l’histoire de Guillaume à Nanterre

De la déflagration du #MeTooGay au suicide: l’histoire de Guillaume à Nanterre © Twitter Prunille

Dimanche, Guillaume phosphorait encore pour trouver un logo à son nouveau collectif “queer et antifa”. Mardi, le jeune militant qui avait déclenché un mouvement #MeTooGay en accusant un élu communiste de viol a été retrouvé mort, pendu dans sa chambre du campus de Nanterre.

Le parquet de la ville a rapidement annoncé l’ouverture d’une enquête pour établir les causes de la mort, en précisant qu’il n’établissait pas à ce stade de lien entre les allégations du jeune homme de 20 ans et son décès.

Selon une source proche de l’enquête, les policiers n’ont découvert aucun mot dans sa chambre. Ils ont saisi son ordinateur et son téléphone portable dans l’espoir d’y trouver des indices pour expliquer son suicide apparent, qui a pris par surprise ceux qui le connaissaient.

Lundi, il s’est mis à “bloquer tout le monde sur les réseaux sociaux” puis “n’a plus donné de nouvelles”, raconte à l’AFP Anthony (prénom modifié), ami et voisin. Inquiets, ses proches décident le lendemain de frapper à sa porte. Sans réponse, c’est une responsable du Crous qui fait ouvrir sa chambre.  “Elle hurle” avant d’appeler les pompiers, poursuit Anthony. Puis viennent la police et l’identité judiciaire. Le corps sera emmené sous les yeux des étudiants.

Lancement du #MeTooGay

Même si son engagement, politique notamment, était connu, Guillaume a accédé à une notoriété dépassant sa fac le 21 janvier. Ce jour-là, il publie sur Twitter, sous son pseudonyme “Prunille”, le message: “Après plus de deux ans, sans savoir mettre les mots sur ce qui m’est arrivé, je me rends compte que j’ai été violé par Maxime Cochard, conseiller de Paris, et son compagnon (…) en octobre 2018 alors que je n’avais que 18 ans et étais particulièrement vulnérable”. “Je considère qu’ils ont profité de ma jeunesse, de ma naïveté, du fait qu’en raison de problèmes familiaux je n’avais pas vraiment d’endroit où dormir, de leurs responsabilités au sein du PCF pour avoir des relations sexuelles non consenties avec moi”, écrit-il encore.

Démenti de Maxime Cochard

Maxime Cochard a réagi en dénonçant une “accusation totalement fausse”.  Son avocate, Fanny Colin, a ensuite évoqué dans Le Parisien “un acte consenti, entre adultes”. Contactée par l’AFP, elle n’a pas souhaité réagir.

Après sa série de tweets, Guillaume n’avait pas porté plainte. Et, même s’il avait menacé de le faire, Maxime Cochard n’avait pas non plus porté plainte en diffamation, selon des sources judiciaires, à la date du décès.

Le message de Guillaume, retweeté 2 000 fois, en avait suscité des centaines d’autres, anonymes ou de personnalités, dénonçant des agressions sexuelles dans l’enfance ou à l’âge adulte. Pour la première fois en France émergeait le mot-dièse #MeTooGay, prélude d’un débat sur les violences sexuelles dans les cercles gays.

Au PCF parisien, une bombe dans le microcosme

Au Parti communiste, les accusations de Guillaume ont fait l’effet d’une “bombe dans un microcosme”, assure sous couvert d’anonymat un proche de l’étudiant. “Le PCF parisien, c’est déjà très peu de personnes, le +PCF gay+, ça ce compte sur les doigts d’une main”, ajoute ce militant, “peu de gens se sont manifestés, il n’a pas reçu énormément de soutien du parti”. Dès le lendemain des accusations, la direction du parti avait pourtant demandé la mise en retrait de son élu. Et mercredi, le PCF a réclamé “la vérité et la justice pour Guillaume”. 

Hommage

Trois cents militants gravitant dans la mouvance antifasciste et queer se sont réunis devant le siège du parti place du Colonel Fabien pour un hommage au jeune homme.

Les dernières images de lui sur les réseaux datent du 31 janvier. Silhouette frêle, col roulé et pantalon noir, il apparaît perché sur un camion, place de l’Hôtel de Ville à Paris, où il avait organisé une manifestation de plusieurs milliers de personnes, contre les opposants à la “procréation médicalement assistée (PMA) pour toutes”.

Guillaume était un “figure connue dans tout le milieu syndical étudiant”, assure à l’AFP Mélanie Luce, la présidente de l’UNEF. Récemment, l’étudiant – qui redoublait sa première année d’Administration économique et sociale – tentait de mettre sur pied un nouveau collectif “Paris Queer Antifa”.  “Ce collectif dont il m’avait encore parlé ce week-end lui tenait vraiment à cœur”, témoigne Raphaël Luciani-Galais, 22 ans, son formateur à la Fédération syndicale étudiante (FSE).

Selon plusieurs camarades interrogés par l’AFP, Guillaume avait été secoué par le séisme suscité par sa déclaration mais “allait mieux”. Raphaël Luciani-Galais en doute. “Dans le fond, il n’allait pas très bien”, dit-il, évoquant une accumulation de difficultés familiales, économiques et psychologiques.

Depuis des semaines, les syndicats alertent sur les graves conséquences psychologiques et sociales de la crise sanitaire sur les étudiants, après bientôt un an de cours à distance et d’isolement, alors que des suicides ou tentatives de suicide ont été recensés depuis la rentrée.

Guillaume peut être un “exemple de la détresse psychologique dans laquelle vivent beaucoup d’étudiants“, avance Tao Chéret, 21 ans, étudiant et responsable de la FSE à Rennes.

par Daphne ROUSSEAU et Ornella LAMBERTI

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