Une centaine de personnes se sont réunies jeudi 9 décembre en fin d’après-midi pour participer à une marche blanche en hommage à Bouchra tuée par son ex-compagnon. Ce féminicide, le 15ème en Ile-de-France, met en lumière une défaillance du système de protection des victimes.
Au pied de l’immeuble où vivait Bouchra, au 1 allée Carpeaux à Epinay-sur-Seine, Abdelkhalek Bouali, observe la foule se former petit à petit. C’est là aussi que sa sœur, Bouchra, a été tuée par son ancien compagnon le 26 novembre.
“Ce qui me navre c’est qu’on pouvait éviter ça. J’en veux à la justice, explique-t-il, la voix calme. Le tueur devait sortir le 8 décembre. On voulait protéger notre sœur et on avait tout prévu pour que le 7 elle soit au Maroc avec ses enfants. Mais il a été libéré 15 jours avant.“
Dysfonctionnement judiciaire
Pour le frère de Bouchra, il y a clairement une défaillance du système judiciaire. “Il ne peut pas y avoir de remise de peine pour quelqu’un comme ça. Et on aurait pu au moins prévenir ma sœur ou recourir au bracelet anti-rapprochement.” Le parquet de Bobigny avait d’ailleurs reconnu “un échec collectif“.
Contrairement à deux autres féminicides qui se sont produits cette année en Seine-Saint-Denis (à Sevran en janvier et à Aubervilliers en septembre), “Bouchra avait signalé sa situation“, souligne Ernestine Ronai, responsable de l’Observatoire départemental des violences envers les femmes de Seine Saint-Denis qui a organisé la marche blanche. “Dès la première plainte, son ex-compagnon a été incarcéré. Il y a eu une bonne évaluation de la dangerosité de cet homme. Elle avait d’ailleurs actionné son téléphone grave en danger lors de sa première sortie de prison.”
Ce téléphone d’alerte créée en Seine-Saint-Denis aurait permis de sauver plus de 1 000 personnes, dont 401 femmes, depuis sa création en 2009. Mais Bouchra n’en a pas fait usage le jour de son meurtre parce qu’elle pensait être en sécurité, ne sachant pas que son ex-compagnon avait été libéré plus tôt que prévu.
Protocole pour prévenir la victime
Abdelkhalek Bouali souhaite désormais que l’on parle du meurtre de sa sœur pour faire changer la loi.
Selon Ernestine Ronai, le ministère de la justice serait d’ailleurs en train de préparer un décret pour instaurer un protocole clair visant à garantir que la victime soit prévenu lorsqu’un agresseur sort de prison. “C’est important d’être là pour penser à elle et à ses enfants, considère-t-elle. Mais il faut aussi se dire que l’hommage que nous rendons à Bouchra ce soir, c’est aussi un hommage qui va permettre à d’autres femmes de ne pas elles être victimes de ce type de dysfonctionnement.”
15ème féminicide en Ile-de-France
Peu après 18h00, la procession s’élance, silencieuse, à travers les rues d’Epinay-sur-Seine en direction de la mairie. Derrière les élus, des membres d’associations et des riverains.
“On est très touché par ce qui est arrivé et on voulait être là“, confient deux jeunes voisines de Bouchra qui la décrive comme une “personne en or, adorable“. “J’habite dans le même bâtiment qu’elle“, raconte Yasmine. Je rentrais souvent avec sa fille de 14 ans.” Elle a appris le drame en rentrant des cours: “J’ai vu tout le monde réuni en bas de chez moi, je ne comprenais pas ce qu’il se passe.” A ses côtés, Hedji abonde: “c’est choquant parce que ça s’est passé à côté de chez nous.”
Le féminicide de Bouchra est le 15ème en Ile-de-France et le 104ème en France de l’année 2021. “ Ça fait presque une femme tous les trois jours, souffle Ridvan, l’un des professeurs de sa fille ainée qu’il savait ne pas se sentir en sécurité. Ce n’est pas acceptable. La famille est déchirée. Il faut se mettre à la place des filles qui ont tout perdu. “
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