Tranquillité dans la rue, discrimination professionnelle, image des femmes… Ce lundi, les lycéens d’Adolphe Chérioux ont débattu à l’initiative de l’association vitriote Jeunes Solidaires et dans le cadre de leur projet de clinique citoyenne.
“Qui ici a déjà été insulté dans la rue ?” L’intégralité des mains féminines se lèvent, des lycéennes aux étudiantes en passant par les représentantes de l’état présentes. Même réponse pour les questions suivantes, “avez vous déjà été sifflée dans la rue, et suivie ?” Le constat est sans appel. “Ce n’est pas normal, ça me choque“, s’indignent Hoda et Linda, élèves de deuxième année en BTS bâtiment.
La conférence s’intéresse principalement aux enjeux de représentativité des femmes dans l’espace public, et surtout à leur invisibilisation. Les membres de la clinique juridique de la Sorbonne, qui interviennent parfois sur des questions d’égalité des genres, ou de violences sexistes, s’étonnent du manque de diversité dans les noms de rues, de stations de métro ou de parcs. “Mais où sont les femmes ? “, se demande Camille, étudiante en M2 de Droit international à la Sorbonne.
“C’est quoi cette tenue?”
Les questions de harcèlement, de discriminations au travail ainsi que de masculinité toxique sont aussi abordées. Mais pour Hoda et Linda, le problème ne concerne pas que la sphère publique, mais surtout dans la sphère privée. “C’est aussi l’idée qu’on se fait des femmes, et cela même au sein de la famille. Toutes les petites remarques du type ‘reste à côté de ta mère, ne fais pas ça, c’est quoi cette tenue’. C’est difficile de tenir tête à sa famille en plus“, témoigne l’une d’elles. “C’est vraiment dans les deux sphères quecela doit changer, et puis il y a aussi la sphère des réseaux sociaux, qui est encore un autre problème.”
La question des hommes et de leur place dans ce combat féministe est aussi abordé. “C’est un point central, la bataille se fera avec eux, ils vont devoir nous aider. Cela les concerne aussi”, explique Michelle Dayan, de lawyers4women. “Les hommes vont devoir se mettre en retrait dans cette cause, accepter de se taire. En revanche, ils sont des alliés de la cause féministe, et en ce sens, peuvent aider et être un soutien”, estime Benjamin Pichto, avocat membre de lawyers4women.
“Plusieurs fois sur des chantiers, on s’est fait draguer lourdement par des mecs de l’âge de notre père”
“J’ai insisté pour que Hoda et Linda viennent. Elles sont les deux seules filles de notre classe, elles sont déjà confrontées au sexisme. Mais dans la vie professionnelle ça va être pire. Une femme à la tête d’un chantier, ça passe mal. Il faut qu’elles se préparent“, explique Elisé, membre des Jeunes solidaires et lycéen à Adolphe Chérioux. Ses camarades filles abondent dans son sens. “Plusieurs fois sur des chantiers, on s’est fait draguer lourdement par des mecs de l’âge de notre père, insistants. Et puis, il y a aussi les questions qui reviennent comme ‘vous ne pouvez pas être responsable, où est le responsable’. Ils sont choqués quand on leur dit que c’est nous la cheffe. Pour eux, ce n’est pas normal quand on est une fille d’arriver jusque là.”
La conférence a motivé Hoda qui confie “avoir envie de s’engager, d’agir.” “C’est des problèmes qu’on a sous les yeux tout le temps, mais on ne s’en rend plus forcément compte. Pourtant, ce sont des trucs qui ne doivent pas être considérés comme normaux. On en a marre de tous ces machos !”, lâche-t-elle. En sortant, elle récupère le numéro des membres de lawyers4women, qui sont toujours à la recherche d’une “force jeune”.
“Depuis un mois, on travaille à cette conférence, on avait déjà travaillé avec la clinique juridique de la Sorbonne auparavant, et Samuel-Gaël Komesha, le président des Jeunes solidaires du 94, est allé rencontrer l’association lawyers4women. C’est important pour nous de parler de ce sujet, majeur dans un lycée”, explique Fatoumata, élève de terminale au lycée Jean Macé de Vitry, et membre de l’association depuis septembre. La lycéenne prépare les concours d’entrée à Sciences-Po et tire bénéfice de son action associative : “ça m’apprend des choses aussi. J’ai beaucoup aimé cette conférence, il y a beaucoup de choses sur lesquelles j’ai pu mettre des mots. Des choses que je savais mais je vais pouvoir y réfléchir mieux.”
“Les jeunes de Vitry sont l’avenir, il faut leur montrer que c’est possible. Que quand on veut on peut, et surtout aux jeunes filles. C’est la génération de demain, et nous les Jeunes Solidaires sommes là pour rendre ça possible. Là où vous ne pouvez pas y arriver seul, la solidarité peut”, enjoint Samuel-Gaël Komesha.
N'envoyez que des photos que vous avez prises vous-même, ou libres de tout droit. Les photos sont publiées sous votre responsabilité.