Depuis deux ans, le syndicat intercommunal qui gère l’eau potable d’un tiers de la région Ile-de-France, le Sedif, planchait sur l’évolution de son mode de gestion, examinant une panoplie de scénarios allant de la gestion actuelle, la délégation de service public de l’ensemble des opérations à un opérateur privé, jusqu’à la régie publique, en passant par un échelonnement de solutions intermédiaires. Réuni ce 27 mai, le Conseil d’administration a finalement décidé de ne rien changer. Explications.
Régie, concession, société d’économie mixte, délégation de service public, allotissement des contrats par secteur géographique, par type d’opération… les scénarios étudiés par le Sedif depuis deux ans examinaient à la fois le niveau de délégation à un opérateur extérieur et l’organisation. A chaque hypothèse, étaient étudiées les conséquences en termes de reprise du personnel et de l’emploi, financement des investissements, clauses de qualité de service, portage des risques… Une réflexion stratégique au vu de l’enjeu : l’approvisionnement en eau potable d’un tiers de la population de la région, à savoir les 4 millions d’habitants résidant dans les 135 communes membres du syndicat.
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Un enjeu de santé publique majeur mais aussi un enjeu financier de taille car les contrats qui régissent la captation, le traitement et la distribution d’eau potable, opérations qui reposent une infrastructure lourde, portent sur des périodes longues, d’une douzaine d’années. Pour situer l’ordre de grandeur, le budget annuel du Sedif était de 367 millions d’euros (dont 101 millions d’euros d’investissement) en 2020. Sur la période, cela revient donc à environ 4 milliards d’euros.
Au terme de deux ans de réflexion, le syndicat, qui travaille actuellement en délégation de service public (DSP) complet à Véolia dans le cadre d’un contrat qui a démarré en 2011 et s’achève fin 2022, a tranché ce jeudi 27 mai et décidé à la fois de conserver le même mode de gestion et le même périmètre, un marché global et non alloti par secteurs géographiques ou opérationnels. Un nouvel appel d’offre devra toutefois être lancé pour remettre en concurrence l’opérateur historique, Véolia.
Le syndicat, créé en 1923 et présidé depuis 37 ans par André Santini, maire UDI d’Issy-les-Moulineaux, travaille depuis toujours avec le même opérateur, qui s’est appelé successivement Compagnie générale des eaux (CGE), Vivendi Environnement puis Veolia. Le mode de gestion a en revanche évolué, passant de la concession à la régie intéressée puis à la délégation de service public (DSP), ce qui confère à l’opérateur plus de risques mais aussi plus de marge de manœuvre et de gains potentiels.
Ce jeudi, le choix du maintien de ce mode de gestion, à périmètre égal, s’est effectué à 88% des votants.
André Santini, président du Sedif depuis 1983, a justifié de “difficultés de mise en place de la régie publique, compte tenu du volume des investissements futurs, avec un personnel bien plus conséquent (1 400), de nombreux marchés à passer”. “A l’échelle du Sedif, elle est inadaptée et peut devenir aventureuse”, estime l’élu.
Concernant le périmètre, le bureau du syndicat avait retenu l’idée de deux concessions: l’une pour la production d’eau, l’autre pour la distribution, une façon de pousser la concurrence et l’innovation, mais cette option a été rejetée. “Pourquoi changer ce qui marche?”, questionne Richard Dell’Agnola, élu (LR) de Grand Orly Seine Bièvre.
“Veolia est prestataire depuis un siècle et je pensais qu’on pouvait aérer” la DSP, a tout de même émis André Santini après le vote, tout en indiquant n’être “pas surpris ni déçu”.
Le maire PCF de La Courneuve, Gilles Poux, a en revanche déploré “qu’on délègue un bien commun aux logiques privées”. Pour lui, la division en deux concessions aurait été “un minima pour commencer à avancer, et donner un signe” aux communes prêtes à quitter le Sedif.
Deux territoires ont notamment quitté le Sedif, tout ou partiellement, depuis cette année. L’instauration de la Métropole du Grand Paris début 2016, nouvelle intercommunalité composée de 12 territoires compétents en matière de gestion de l’eau, a en effet permis aux territoires dont des communes étaient membres du Sedif de quitter le syndicat s’ils le souhaitaient. Deux territoires ont décidé de le faire : Est Ensemble dans sa totalité en Seine-Saint-Denis et 9 communes du Grand Orly Seine Bièvre en Val-de-Marne, afin de constituer des régies publiques de l’eau.
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Visionner la séance du comité du Sedif de ce 27 mai
Commission parlementaire et polémique
La question de la gestion de l’eau s’est aussi invitée au parlement cette année avec le lancement par la députée LFI du Val-de-Marne Mathilde Panot d’une commission d’enquête “relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences”.
Cette commission a déjà tenu plusieurs auditions dont celle du 12 mai a donné lieu à des échanges peu consensuels entre André Santini et Mathilde Panot et suscité la colère de l’ancien député. “Compte tenu de l’orientation à charge de certaines questions, j’ai déposé, au nom du Sedif, une plainte contre X pour diffamation, le 21 mai dernier” auprès du parquet de Paris, a-t-il fait savoir.
Dans un communiqué, Mathilde Panot, présidente de la commission d’enquête, a pour sa part rapporté “des pressions et intimidations aux élus qui veulent sortir du Sedif” ainsi que “des gels de travaux lorsque des maires, élus démocratiquement, veulent créer une régie publique”. Et l’élue d’indiquer se réserver “la possibilité de reconvoquer M. Santini pour d’autres questions.”
On tombe sur la tête
Les multinationales de l’eau se réjouissent de cette décision qui va à l’encontre de ce qui se fait dans de grandes villes françaises.
Elles vont pouvoir continuer à engranger des bénéfices pour les actionnaires sur le dos des consommateurs.
Vivement notre service public de l’eau sur le territoire du GOSB , pour que l’argent de nos factures ne servent pas à engraisser les actionnaires !
Enfin, les masques tombent au SEDIF ! Ceux la même qui prônait d’attendre une réflexion au Syndicat avant d’en sortir sont les mêmes qui se réjouissent de garder la gestion de l’eau dans l’escarcelle des multinationales!
Pour votre parfaite information, les délégués n’avaient pas d’autre choix que de se prononcer pour une DSP, le choix de la régie publique n’ayant même pas été proposée au vote.
Concernant Gilles Poux, s’il a effectivement déploré “qu’on délègue un bien commun aux logiques privées”, il s’est pourtant opposé à un amendement demandant d’inclure la régie dans les choix possibles. Il s’est également opposé à ce que les votes des délégués soient publics.
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