Il y a dix jours, déterminées, les agentes de la Mas La Cornille de Thiais (qui accueille des adultes polyhandicapés et dépend de l’association Cesap) ont entamé une grève massive. Après quelques réunions infructueuse, il a fallu 7 heures ce mardi pour que direction et personnels, s’entendent, s’écoutent et aboutissent à un protocole de fin de conflit. Retour sur les derniers rebondissements.
Pendant toute la crise sanitaire, les agentes du centre pour adultes polyhandicapés de Thiais, La Cornille, ont poursuivi leur mission sans se plaindre. Mais cet automne, plusieurs gouttes d’eau ont fait déborder le vase. Sentiment de n’être pas reconnues, parfois sanctionnées injustement, oubliées du Ségur… Il y a dix jours, elles ont décidé de faire grève.
Pour rappel de la situation et présentation de l’association francilienne Cesap dédiée au handicap, lire notre précédent article :
Handicap: les agentes des établissements du Cesap Val-de-Marne en grève
Suivie par 80% des agentes, la grève, appelée par les syndicats CGT et CFDT, s’était durcie ces derniers jours. Parmi les principales revendications : renforcement du personnel, pas de travail imposé un week-end sur deux mais sur trois comme avant, et une prime Pepa revalorisée. Ce mardi matin, les agentes postées aux quatre accès de l’établissement de la rue Bigle empêchaient ainsi vacataires et salariés en CDD de prendre leur service. “Personne ne rentre. Il est hors de question que la direction remplace le personnel en grève par des précaires pour casser le mouvement”, lançait une gréviste.
Une situation très tendue à chaque rotation de personnels, sous l’œil des policiers municipaux et nationaux. Sur place également, un huissier avait été dépêché par le Cesap pour rendre compte. “Nous avons nous aussi dû en appeler à notre huissier ainsi qu’à notre avocat. Ils usent de méthodes de voyou et nous allons nous défendre”, prévenait Barbara Filhol, secrétaire générale de la CGT sanitaire et sociale en Val-de-Marne.
“Il y a plus de vingt ans que je travaille ici et il n’y a jamais eu de mouvement social. Les responsables successifs ont toujours tenté de trouver des compromis mais la dernière direction applique des méthodes de management inadaptées pour une structure telle que la nôtre. Nous étions un fleuron des établissements médico-sociaux. Aujourd’hui, nous avons de plus en plus recours à des salariés non-permanent, pas toujours formés. Les petites mains de ces structures qui sont les aides soignantes et les assistantes médico-psychologique ne sont pas écoutées, ni considérées. Ce sont elles qui ont massivement lancé le mouvement et que nous avons décidé de soutenir pour faire bouger les choses”, résume Florence, éducatrice spécialisée depuis 20 ans.
Un événement a contribué à alourdir le climat. L’un des résidents est décédé et l’on a accusé les grévistes d’en porter la responsabilité. Suite à une réunion à distance, la direction a parlé de “harcèlement” exercé par les grévistes, s’indignent les agentes. A l’heure actuelle, entre 4 et 6 salariés s’occupent d’une quarantaine de résidents polyhandicapés et sont contraints de travailler en service très dégradé, déplorent-elles. “Bien sûr que l’on pense aux résidents. C’est nous qui nous occupons d’eux au quotidien. On a peur que tout cela ait un impact mais nous ne pouvons plus supporter la situation dans laquelle nous nous retrouvons”, défend une salariée. “Nous irons au pénal pour nous défendre de ces accusations et avons sollicité l’ARS pour qu’ils organisent le transfert de ces résidents. C’est à la direction d’agir pour ne pas mettre la vie de ces personnes vulnérables en danger”, ajoutait encore Barbara Filhol ce mardi matin.
En début d’après-midi toutefois, après plusieurs discussions infructueuses avec la direction, une nouvelle réunion s’est tenue, qui s’est cette fois déroulée pendant près de 7 heures. Le temps nécessaire pour vider son sac et que tout le monde s’écoute.
“Tout le monde a été très fragilisé par la crise sanitaire. Les personnels ont travaillé sans discontinuer car les résidents sont des personnes très handicapées et ne pouvaient être prises en charge ailleurs. L’ensemble des agents sont donc ressortis très fatigués psychologiquement de cette crise, éducateurs comme direction”, reconnaît Sylvie Gay-Bellile, directrice générale du Cesap. De quoi générer des crispations renforcés par le manque de personnel. “Nous avons dû suspendre quelques personnes pour appliquer l’obligation vaccinale et d’autres sont en maladie. Surtout, il est devenu très difficile de recruter dans les conditions qui sont les nôtres. Nous assistons actuellement à une véritable hémorragie des personnels, certains partent en Ehpad privé, d’autres se mettent à leur compte, par exemple comme auto-entrepreneur et viennent en mission free-lance. Nous, nous relevons du secteur marchand non lucratif et c’est moins souple. Les agents qui relèvent du secteur social ressentent par ailleurs un fort sentiment d’injustice car ils sont considérés comme des soignants pour l’obligation vaccinale mais pas pour la revalorisation des salaires promise par le Ségur”, poursuit la directrice.
Un accord pour sortir de la crise et renouer le dialogue social
Au terme de la réunion qui s’est terminée très tard ce mardi soir, un accord a finalement été trouvé avec les représentantes du personnel. Concernant la prime Macron (Pepa), elle sera de 750 euros, avec engagement de la direction de tendre vers les 1000 euros en fonction de la situation financière de l’association. “Nous avons obtenu que les excédents soient fléchés vers les primes pour les salariés”, confirme Florence Perrotin.
L’autre condition, pour sortir du conflit, a été de ne pas obliger les agentes déjà en place à travailler un week-end sur deux. Cette clause figurera en revanche explicitement pour les futures embauches.
Au-delà de la résolution de crise, la réunion a aussi permis de jeter les bases d’un dialogue social pérenne dans l’établissement, avec des groupes de parole pour avancer sur les autres revendications des agentes. Parmi celles-ci : le Ségur pour tous.
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