Depuis octobre 2020, l’Institut national de l’audiovisuel (INA), royaume des archives audiovisuelles des médias publics, installé dans les hauteurs de Bry-sur-Marne face aux studios de cinéma, forme une centaine d’élèves décrocheurs aux métiers de l’audiovisuel dans le cadre de son pôle formation InaSup. Pour l’heure, le dispositif, baptisé classe Alpha, est expérimental. L’Ina aimerait le pérenniser. Reportage.
« Le son est-il bien réglé ? », s’inquiète Amine, le formateur responsable du « labo audiovisuel ». Dans la régie, derrière les tables de mixage, des élèves de la classe Alpha s’affairent. Face à eux, des camarades font les dernières mises au point sur le plateau de tournage. Trois caméras sont disposées autour de la scène, prêtes à enregistrer l’interview du jour. Après la directrice de la photographie Caroline Champetier, la marraine de la promotion, ou Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, la classe Alpha accueille ce mercredi 10 mars la présidente de région (candidate à sa réélection) Valérie Pécresse.
Tournage, prise de son, lumière, montage… depuis le 2 octobre 2020, cent élèves de cette classe Alpha s’initient aux métiers de l’audiovisuel. A l’instar d’Aymeric, 18 ans, qui vit à Pontault-Combault (Seine-et-Marne). Ce matin, il est en régie où il s’occupe des réglages des micros. Il veut obtenir un diplôme de logistique de tournage. « Mais, je m’intéresse de plus en plus au son », confie-t-il.
Une formation initiale gratuite et sans condition de diplôme
Comme les autres formations de l’école supérieure de l’audiovisuel, l’INA Sup, celle dispensée dans le cadre de la classe Alpha est reconnue par l’Etat. Le certificat INA compétences des métiers (CICM) équivaut à un niveau bac+1. Sa particularité : accueillir des jeunes âgés de 17 à 25 ans. La formation est « gratuite et sans prérequis de diplôme » rappelle Laurent Vallet, président de l’INA. Près de la moitié des inscrits ont arrêté leurs études avant le bac et sont considérés comme des « décrocheurs ». Oriane, 25 ans, a par exemple arrêté en 1ère littéraire. Après des petits boulots, elle a voyagé en Angleterre et au Portugal « en faisant du woofing [ndlr, échange de quelques heures de travail dans une ferme biologique contre hébergement] » Elle a découvert la classe Alpha grâce à la mission locale de Fresnes, pendant le confinement. « Je m’intéressais déjà au cinéma, mais ce qui m’a aussi attirée, précise-t-elle, c’est la possibilité d’obtenir un diplôme d’accès aux études universitaires (DAEU). »
Environ la moitié des élèves viennent aussi de parcours sup. Les différents profils sont associés au sein de groupes d’apprentissage de dix personnes. A l’issue du parcours, les élèves peuvent poursuivre leurs études ou s’engager directement sur la voie professionnelle. « Nous sommes fiers que 60 des 100 élèves de la classe envisagent aujourd’hui de s’engager sur la voie professionnelle. Ce n’était pas gagné. Au départ, il n’y en avait que cinq », commente Pierre Michel, responsable de l’enseignement supérieur. « Ceux qui choisissent la voie professionnelle feront leur stage en août avant de passer devant un jury. Pour les autres, nous organisons de mai à juillet des cours dans des matières relevant de l’enseignement général comme les mathématiques et le français pour les préparer à reprendre des études dès la rentrée de septembre », détaille David Khalifat, directeur de la pédagogie.
C’est lui qui mis en route ce projet expérimental avec le réalisateur Jean-Claude Monteil, suite à un appel à projets de l’Etat. « Après les attentats de Charlie Hebdo et de l’Hypercacher en 2015, l’Etat a appelé à conclure des partenariats innovants avec les ZSP », rappelle David Khalifat. L’idée est de jumeler des institutions culturelles avec des quartiers prioritaires classés zone de sécurité prioritaire (ZSP) pour développer des projets culturels avec les jeunes de ces quartiers. Dès 2016, des premiers liens se tissent ainsi entre le Louvre et Sevran, le Grand Palais et Gonesse… En en 2019, ce-sont 20 conventions qui unissent des institutions culturelles à des quartiers, dont l’Ina et le Bois l’Abbé, quartier politique de la ville situé à cheval entre Champigny-sur-Marne et Chennevières-sur-Marne. « Lorsque l’on a commencé nos ateliers, se souvient David Khalifat, nous nous sommes rendu compte que ces jeunes pensaient que ces métiers étaient hors de leur portée. Nous nous sommes dit qu’il fallait aller plus loin et ouvrir les portes de l’INA. »
L’institut a répondu à un appel à projet de la préfecture et du Conseil régional d’Ile-de-France et a obtenu un soutien financier à hauteur de 1,2 million d’euros dans le cadre du pacte régional d’investissement dans les compétences 2019-2022 (Pric, déclinaison régionale du Pic). « L’INA apporte pour sa part près de 60% de l’investissement global », détaille Jean-Marc Boréo, directeur délégué à l’enseignement, la formation et au conseil. La classe Alpha a en outre reçu l’appui de l’établissement public territorial Paris-est Marne-et-Bois, de la mission locale des Bords de Marne, du Conseil départemental du Val-de-Marne, de l’Afdas et du Centre national du cinéma et de l’image animée. Aujourd’hui, quatre élèves viennent de Bois l’Abbé. La majorité réside en Ile-de-France, mais certains viennent aussi de Lille, Arles et même de Monaco.
Alors que le projet d’un pôle audiovisuel autour des Studios de Bry et de l’Ina prend forme, avec notamment une consultation en cours de l’aménageur EpaMarne et Nexity (propriétaire du foncier des studios), le laboratoire d’insertion sociale que représente la classe Alpha s’inscrit naturellement dans le projet, à condition d’être pérennisé financièrement, au-delà de l’appel à projets initial. L’institut espère notamment disposer du soutien de la région dans un cadre pluriannuel. Devant les élèves de la première promotion, Valérie Pécresse, s’est voulue rassurante tout en indiquant qu’il faudrait encore attendre le détail du volet enseignement supérieur du contrat plan Etat-région 2021-2027.
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