« On parle de 11 millions de proches aidants en France, ce qui veut dire au moins 22 millions de personnes dont la vie se trouve bouleversée », chiffre Claudie Kulak, fondatrice de la Compagnie des aidants. Partie de Bobigny, puis Sevran (Seine-Saint-Denis) cette semaine, la quatrième édition de la Caravane « tous aidants », initiée en 2018, démarre une nouvelle campagne dans 21 villes d’Ile-de-France.
Au-delà des entretiens individuels qu’elle propose aux aidants, elle se veut aussi une opération de communication visant à mettre en lumière le rôle essentiel et encore méconnu de ces personnes qui viennent en aide à un proche se trouvant en situation de perte d’autonomie.
Après l’hôpital Avicenne à Bobigny, la caravane rutilante de son association s’est installée mercredi 2 juin devant l’entrée principale de l’hôpital René Muret AP-HP à Sevran. Une double étape en Seine-Saint-Denis financée à hauteur de 60 000 euros par le conseil départemental à travers la conférence des financeurs pour la prévention de l’autonomie.
Après deux premières journées, Claudie Kulak se félicite des débuts de cette nouvelle campagne : « nous avons déjà accueilli 200 personnes en entretien, sans compter les gens qui passent pour prendre simplement de l’information. » Ces entretiens sont conduits par des assistantes sociales. « Je crois aussi en la pédagogie, ajoute-t-elle. Ce sujet doit être mis sur la place publique pour qu’il ne soit pas cantonné aux débats d’experts. »
Pour Claudie Kulak, les enjeux sont immenses : 62% des aidants sont des actifs et ce problème va aller en s’aggravant avec le vieillissement de la population. D’où son slogan « un jour aidant, un jour aidé ». « C’est aussi un sujet très genré », souligne-t-elle. En effet, selon l’enquête Ipsos pour la Macif publiée en septembre 2020, 60% des aidants sont des femmes. Or, la perte d’autonomie d’un proche entraine des conséquences en cascade : un réaménagement de la vie familiale et professionnelle qui peut aller jusqu’à la cessation de toute activité sociale. « On évoque beaucoup le vieillissement ou des pathologies comme alzheimer. Mais la sclérose en plaque est un bon exemple qui montre bien toute la dimension de la charge qui peut peser sur le rôle d’aidant. Cette maladie se déclare souvent à un âge relativement jeune. L’entourage commence par être confronté à la maladie, avant de devoir gérer le handicap », précise Claudie Kulak.
« Parcours du combattant »
« Pour nous, la venue de la Caravane « tous aidants » est très importante, déclare Ahmed El Djerbi, directeur de l’hôpital René Muret. Elle illustre le besoin d’une prise de conscience plus large sur le rôle des aidants qui a connu de nouvelles avancées avec la mise en place d’un congé proche aidant en 2019 [ndlr, entrée en vigueur en octobre 2020]. Au sein de ce centre hospitalier spécialisé en gérontologie, un programme d’éducation thérapeutique a été mis en place depuis 2015 prévoyant un accompagnement individuel et des ateliers en groupe. Depuis le début de l’année, il a également institué un partenariat avec l’association Coallia pour permettre à sa plateforme d’accompagnement et de répit, « La voix des aidants », basée à Aulnay-sous-bois, de tenir une permanence d’une demi-journée par mois.
L’un des objectifs de la Caravane « tous aidants » est de faire connaître au public ces associations locales. Comme Coallia qui s’adresse aux aidants de proches souffrant de maladie dégénérative (Parkinson, Alzheimer, sclérose en plaque…) ou âgés de plus de 60 ans et en perte d’autonomie. « Nous apportons une écoute et un temps d’échanges avec d’autres aidants, explique Pauline Tessé, psychologue coordinatrice de la plateforme d’Aulnay-sous-Bois. Notre association permet aussi de bénéficier d’activités de détente tels que des séances de shiatsu ou d’art-thérapie. » Financés par l’agence régionale de santé (ARS), ces services sont gratuits, hormis l’éventuel recours à un forfait annuel de 20 heures d’un montant de 8 euros pour que la personne aidée soit prise en charge le temps de permettre à l’aidant de souffler. « Le problème c’est que nous sommes pas très connus, même par des professionnels de santé », déplore-t-elle.
Ces maladies dégénératives comme Alzheimer sont aussi mal comprises. « Pour les aidants, qui ne savent pas la plupart du temps que leur statut est reconnu, tout commence par faire reconnaître la maladie de son proche. C’est un véritable parcours du combattant », poursuit Pauline Tessé. « Comme il n’y a pas de soins médicamenteux, les gens se retrouvent livrés à eux-mêmes, abonde Denise Lauprêtre, présidente de France Alzheimer 93. C’est pour ça que nous proposons une formation aux aidants pour leur apprendre à gérer les conséquences de la maladie de leur proche. Il faut aussi avoir à l’esprit qu’il n’est pas forcément facile d’accepter la situation quel que soit votre niveau social. Mais dans un département comme le 93, il peut aussi y avoir des blocages supplémentaires liés, par exemple, à la place sacralisée du père dans certaines cultures ou au recours de certaines thérapies. » Dans de nombreux cas, le défi reste d’accompagner les proches des malades pour surmonter la honte de devoir recourir aux services d’une personne étrangère au cercle familial et la culpabilité d’accepter de prendre du temps pour soi.
En Seine-Saint-Denis, l’enjeu de l’accompagnement des aidants devrait continuer à s’accentuer comme ailleurs : bien qu’il soit le département le plus jeune de France (6% de ses habitants ont moins de 25 ans), les plus de 60 ans représentent une part significative de la population : plus de 260 000 personnes en 2017 selon les données l’INSEE.
Les prochaines étapes en Ile-de-France
- 7-8 juin : Boulogne-Billancourt, Grand Place (92100)
- 14-15 juin : Etampes, Centre hospitalier Sud-Essonne (91150)
- 16-18 juin : Créteil, Hôpital intercommunal (94000)
- 21-23 juin : Paris, Hôpital Paris Saint-Joseph (75014)
- 24-25 juin : Ermont, rue Saint-Flaive Prolongée (95120)
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