L’édification d’un mur entre Paris et la Seine-Saint-Denis, qualifié de “mur de la honte”, a mis en lumière la consommation et le trafic de crack dans la capitale. Le point sur cette “drogue du pauvre” et l’intense difficulté à lutter contre ce fléau.
Connu comme “drogue du pauvre”, le crack est un dérivé bon marché de la cocaïne. La poudre blanche est diluée avec du bicarbonate de soude ou de l’ammoniaque.
Ses effets sont plus puissants mais plus éphémères que ceux de la cocaïne, ce qui pousse les usagers à multiplier les prises.
Le crack est vendu sous forme de caillou ou de galette et inhalé grâce à une pipe à crack -ou parfois injecté. Le caillou coûte environ 15 euros.
En plus de présenter un fort risque addictif, il entraîne des complications respiratoires, cardiaques et psychiatriques.
Des usagers en très grande précarité
L’essentiel des consommateurs sont des hommes de tout âge en grande précarité et isolés socialement, résume une étude co-réalisée par l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) et l’Inserm.
Plus des deux tiers des usagers sont sans domicile fixe ou hébergés dans une structure sociale.
Vendredi, l’évacuation en lisière de la Seine-Saint-Denis a concerné une cinquantaine des 13 000 usagers en Ile-de-France estimés par l’OFDT en 2019.
Quelles solutions thérapeutiques ?
Grande précarité, isolement social, troubles psychiatriques pour certains… l’accompagnement des consommateurs de crack est très complexe.
Les toxicomanes peuvent être internés de force temporairement sur décision du préfet de police ou d’un médecin uniquement en cas de risque pour autrui ou pour l’ordre public. Une pratique dont l’efficacité à long terme est remise en cause par de nombreux spécialistes.
Ces derniers mettent davantage en avant des dispositifs tels que les salles de consommation à moindre risque (SCMR, ou “salles de shoot”) et insistent sur la nécessité d’accompagner socialement les consommateurs vers l’abstinence et la rémission.
Police et justice désarmées
“Le crack n’est pas qu’un problème policier”, résume une source policière, “c’est quelque chose de sanitaire, de sociétal. Notre travail consiste à rustiner”.
Début septembre, avant l’édification du mur entre Paris et Pantin/Aubervilliers, la préfecture de police mettait en avant “plus de cinq opérations de police” menées chaque jour.
Si certains consommateurs et trafiquants sont déférés devant la justice pour des mesures répressives, le parquet privilégie l’injonction thérapeutique, obligeant l’usager à se rendre à des rendez-vous médicaux régulièrement. 606 ont été prononcées par le parquet en 2020, selon la préfecture de police.
Nord-est de Paris, épicentre du crackObservée depuis les années 1980, la consommation de crack est devenue plus visible en Ile-de-France en 2017. Toxicomanes et dealers se fixent alors sur la “colline du crack”, près de la porte de la Chapelle, dans le nord-est de Paris.
Depuis l’évacuation, en novembre 2019, de ce terrain aux conditions insalubres, l’écosystème du crack a été déplacé dans le nord-est de Paris : de la place Stalingrad au quartier de la Villette, en passant par les jardins d’Eole.
Face à la colère des habitants, la mairie de Paris a regretté que le transfert de vendredi n’ait fait que “déplacer le problème” alors que le ministre de la justice Eric Dupond-Moretti a confié “réfléchir à des solutions pérennes” sur RTL. Le préfet de police Didier Lallement a souligné que l’opération de vendredi ne constitue qu’une solution “temporaire”.
Un enjeu politiqueLe problème des consommateurs et du trafic de crack prend une dimension politique, cristallisant l’opposition entre la maire PS de Paris et candidate à la présidentielle Anne Hidalgo et le gouvernement. Egalement candidate à la présidentielle, la présidente (Libres!, ex-LR) de la région Ile-de-France Valérie Pécresse a demandé sur BFMTV l’ouverture d’un “centre de désintoxication”.
La mairie de Paris souhaite la création de lieux médico-sociaux d’accueil et de repos pour les usagers. Elle s’était engagée à en ouvrir un avant l’automne, recevant le feu vert le 15 septembre de Matignon.
Le Premier ministre Jean Castex a également arbitré en faveur de la prorogation du dispositif, au-delà de 2022, des “salles de shoot”, un sujet qui divisait jusqu’au sein du gouvernement. Deux existent: une à Paris, l’autre à Strasbourg.
par Ulysse BELLIER / Charlotte CAUSIT
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