C’est ce mercredi 10 mars que se tenait le procès de Taha Bouhafs, journaliste, auditionné pour faits d’outrage et de rébellion sur ”personne dépositaire de l’autorité publique lors de la couverture d’une manif de travailleurs sans papiers à Alfortville. Lui-même accuse lea police de violences lors de son interpellation.
Les faits remontent à juin 2019, lors de l’occupation de travailleurs sans-papiers devant le centre Chronopost d’Alfortville. Taha Bouhafs couvre le mouvement pour Là-bas si j’y suis, média pour lequel il travaille alors. Il filme avec son téléphone portable. S’ensuit une altercation avec un policier de la Brigade Anti-Criminalité (BAC). Le journaliste est interpellé.
Depuis, le procès n’a cessé d’être reporté. La dernière audience, prévue en janvier, avait été reportée suite à une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC), déposée par Me Arié Alimi, son avocat.
“Il n’avait pas un comportement de policier”
C’est Me Arié Alimi, avocat du prévenu qui prend la parole le premier. Il dénonce le “caractère mensonger” des accusations portées par M. le policier, qui s’est constitué partie civile. Me Alimi précise être en possession de vidéos qui prouvent le mensonge de celui-ci. Pour lui, l’enquête de flagrance dont a été victime son client n’a pas lieu d’être. “On ne peut pas accepter en démocratie, en république, en France, un hiatus procédural de ce type”, s’exclame Me Alimi.
Taha Bouhafs entre dans la salle d’audience, col roulé bleu foncé, jean et converses. Il est en retard.
“Je n’étais pas en train de filmer les policiers”, assure-t-il, une fois à la barre. Je n’avais pas l’intention de commettre une infraction, sinon je n’aurais pas demandé aux gens autour de moi de filmer. Je sais que j’ai été victime d’une injustice”.
Dans les vidéos, on le voit qualifier le policier de “cowboy”. Il lui dit également “vous vous prenez pour une racaille ? Parce que pour l’instant c’est ce que vous êtes”. Ce sont ces propos qui ont été considérés comme outrageux.
L’accusé se défend : “Je ne pouvais pas savoir qu’il était policier. Il n’avait pas le comportement d’un policier. Il aurait pu être de la sécurité privée.” L’agent, en civil, ne porte pas son brassard et le journaliste pointe qu’il n’a pas donné son matricule lorsqu’il lui a demandé.
Le journaliste accuse le policier de lui avoir déboité l’épaule.
“À aucun moment, je ne me dis que c’est un journaliste”
De son côté, le policier indique aussi ne pas avoir pensé que Taha Bouhafs était journaliste. “Je pensais que c’était un gamin local qui venait perturber une manifestation”, d’ailleurs “à l’époque, il n’avait pas de carte de presse”. Il ajoute que le journaliste l’a traité de “racaille de flic”, mais les vidéos ne corroborent pas. L’agent accuse Taha Bouhafs d’outrage et également de s’être débattu lors de son interpellation.
L’avocat du policier, Me Laurent-Franck Lienard, revient lui sur les nombreux messages de haine contre son client sur les réseaux sociaux. Il enchaîne ensuite sur les conditions d’exercice des policiers et dénonce plusieurs fois “l’instrumentalisation” médiatique de l’affaire. “On le sait tous M. Bouhafs est un provocateur. Il provoque pour mieux surfer dessus ensuite”, estime-t-il.
Aux questions de Me Alimi, le policier refuse de répondre, indiquant “user de (son) droit au silence”.
Au final, la procureure requerra 700 euros d’amende à l’encontre de Taha Bouhafs pour outrage, notamment à cause de l’utilisation du mot “racaille”. Elle ne retient pas en revanche le chef d’accusation “rébellion”, car elle considère qu’il n’a pas manifesté de signes de “résistance active”.
La décision sera rendue le 11 mai, à 13 h 30.
“Loi sécurité globale ou pas, vous n’arriverez pas à empêcher les journalistes de faire leur travail”, commente l’avocat du journaliste, en sortant de l’audience.
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