L’agence nationale du renouvellement urbain (ANRU) a annoncé le 4 octobre un financement de 70 millions d’euros pour la réhabilitation du quartier de La Noue et de 30 millions d’euros pour celle du quartier du Morillon à Montreuil (Seine-Saint-Denis). Dans ce dernier, les attentes des habitants sont grandes : manque d’isolation et de maintenance, parties communes délaissées, isolement… Reportage.
“On ne nous a pas encore annoncé de date, confie Wijden, gardienne depuis cinq ans de l’office public de l’habitat montreuillois (OPHM) dans le quartier du Morillon. Mais je pense que les gens vont être contents parce qu’il y a vraiment de gros besoins: les sanitaires, les sols, les portes d’entrée, tout ça c’est vétuste. Nous, on leur dit que ces travaux sont à la charge du locataire, mais on sait bien que la plupart n’ont pas les moyens.”
Sur la place Descartes, Patrice Bessac, maire PCF de Montreuil, vient d’annoncer la “bonne nouvelle”: 30 millions d’euros seront consacrés par l’ANRU à la réhabilitation du quartier des Morillons. Dans le détail, 19,8 millions d’euros de subventions et 10,8 millions d’euros de prêts bonifiés (en dessous du prix du marché) Action logement. “Soit quatre fois plus que ce que le montant de 6 à 7 millions d’euros prévu au départ et qui n’était pas à la hauteur des besoins des habitants du Morillon“, se félicite l’édile qui est également président de l’intercommunalité Est Ensemble. “On peut soutenir mieux parce qu’il y a eu les 2 milliards d’euros annoncés par le premier ministre en janvier au comité interministérielle des villes en janvier dernier“, précise Olivier Klein, maire de Clichy-sous-Bois et président de l’ANRU.
Au total 984 logements gérés par l’OPHM sont concernés. Des barres d’immeubles construites dans les années 60, qui ont mal vieilli et manquent d’entretien.
“On attend que les promesses soient tenues”
Sur la dalle, un habitant s’impatiente: “Où sont les habitants?“, interroge-t-il. “C’est vrai, on ne savait pas qu’il y avait cette réunion, abonde Wijden. En plus, ça fait des années que la place n’a pas été aussi propre. C’est la première fois que je la vois nettoyée au carsher. C’est Versailles!“, souligne-t-elle.
Ilic abonde, observant, baguettes à la main, l’attroupement d’élus et de journalistes. Agé de 56 ans, il vit depuis 13 ans dans la tour haute de neuf étages qui domine la place Descartes. “On attend maintenant que les promesses soient tenues. J’espère qu’ils vont bientôt commencer les travaux parce qu’à l’intérieur, laisse tomber, explique-t-il. Il faut aussi repenser certains équipements comme les douches: pour y entrer il faut lever les pieds jusqu’aux genoux. Moi j’ai fait tout seul mes travaux. Mais pour les personnes âgées ce n’est pas pratique. Et je ne vous raconte pas l’ascenseur qui n’a pas fonctionné pendant 7 ou 8 mois…”
De fait, le chantier prévoit le remplacement des douches existantes ou encore la réfection des salle de bains, ainsi que le remplacement des portes palières.
Autre enjeu: la rénovation énergétique. Dans le cadre du plan de réhabilitation, l’isolation thermique par l’extérieur doit être réalisée, tout comme l’installation d’une VMC (ventilation mécanique contrôlée) hydroréglable ou encore la révision et le remplacement les menuiseries extérieures. Ces travaux, démarrés par anticipation en 2019, sont d’ailleurs en cours d’achèvement à une cinquantaine de mètres de là, place Le Morillon, de l’autre côté de l’avenue Pierre-Brossolette. “A Est Ensemble, c’est le logement qui est la principale source de production de gaz à effet de serre et le premier élément de précarité énergétique“, assure Patrice Bessac. “L’isolation est très mauvaise ici, confirme Fatoumata, même l’été il faut mettre un chauffage d’appoint à cause des courants d’air.“
50 logements démolis
La jeune femme sort avec son mari, Moussa, et leur fils de 5 ans, de la barre qui délimite la place Descartes. “Nous allons partir en Seine-et-Marne, on n’en peut plus, lâche celui-ci. On n’attend plus que l’accord de la banque pour un prêt“. L’immeuble où ils vivent depuis cinq ans, allée Suzanne Martorell, est promis à la démolition. “Qu’il le détruise, ils ont raison, ça va ouvrir cet endroit“, considère Moussa.
Wijden, dont la loge est située au pied de la barre qui doit être disparaître, est plus tempérée : “Les démolitions ça déracine des gens.” 50 logements sont concernés tandis que du côté de la place Le Morillon, 31 seront rasés.
Au Parc de La Noue-Clos français, un quartier à cheval avec la commune de Bagnolet qui bénéficie également du financement de l’ANRU pour sa réhabilitation à hauteur de 70 millions d’euros, 90 logements doivent également être démolis.
Gaylor le Chequer, 1er adjoint au maire de Montreuil, souligne néanmoins que par rapport à d’autres programmes de réhabilitation, “le niveau de démolition est très faible, ce qui a amené l’ANRU à qualifier notre projet d’atypique. Nous n’évinçons personne, poursuit-il. Il y a un diagnostic social qui est fait, chaque personne est rencontrée. Ceux qui souhaitent rester seront accompagnés pour un relogement. A la Noue, il y a 60 logements qui vont être reconstruits. Certains pourront aussi bénéficier de l’accession sociale à la propriété que que l’on finance à Montreuil.” La municipalité veut d’ailleurs se servir de cet outil pour accroître la mixité sociale de ces quartiers.
Améliorer le cadre de vie
Objectif : “faire de cette place une véritable place de village”, explique Gaylor Le Chequer. L’idée est aussi de la connecter avec l’autre partie la place Le Morillon où sont situés tous les commerces. Et, plus largement, de désenclaver le quartier. De ce point de vue, l’arrivée du tramway, le T1 qui reliera Bobigny à Val de Fontenay, jouera un rôle crucial. A l’horizon 2026, une station devrait ouvrir à quelques centaines de mètres de là.
Pour améliorer le cadre de vie, le plan de réhabilitation du quartier prévoit de repenser les espace de parking. “Ici, les familles ont deux voire trois voitures, mais il n’y a pas assez de place pour les garer. Le matin c’est un concert de klaxons, le soir c’est le camion poubelle qui ne passe pas“, pointe Moussa.
De nouveaux équipements sont aussi programmés. “Une véritable salle de quartier [qui regroupera l’antenne de jeunesse aujourd’hui située place Le Morillon, une salle de boxe et un salle de réunion] mais aussi la rénovation du groupe scolaire Paul Lafargue, détaille Gaylor Le Chequer. Dans le quartier, la municipalité devrait prendre sa part au financement de cette opération mais aussi à l’extension de l’école maternelle Romain Rolland ou au réaménagement du groupe scolaire Daniel Renoult. Est Ensemble contribuera également à cette transformation en participant au financement de l’extension du centre social Esperanto et de la bibliothèque Daniel Renoult. Ce qui s’ajoutera aux 30 millions d’euros abondés par l’ANRU. « Au total, on devrait doubler le financement annoncé aujourd’hui pour atteindre les 200 millions d’euros », estime l’élu Montreuillois.
“Le pire, ce sont les rats”
Ces investissements serviront également à végétaliser la place.”C’est très bien, considère Kedija, qui habite dans la barre d’immeuble adjacente à la place. A 66 ans, elle est garde d’enfants. “Mais il faut s’en occuper. Le pire, ce sont les rats. On en a beaucoup souffert depuis le covid. Ils mangent tout, j’ai dû jeter beaucoup d’aliments.” Avec ses mains, elle indique la taille des trous qu’elle a vu dans sa cave et dans certains murs. “Même le désinsectiseur qui est venu pour les cafards a été dégouté! Mais des cafards, moi, j’en n’ai jamais vus”, raconte-t-elle, mi-figue mi-raisin. “Surtout, il faut faire quelque chose pour que les gens arrêtent de jeter leurs ordures par la fenêtre. Qu’ils mettent des caméras! Et il faut favoriser la diversité. Il y a trente ans, quand on est arrivé, il y avait des gens de partout.”
Pour l’ensemble des quartiers du Morillons et de La Noue-Clos français; ce sont près de 15 000 habitants de Montreuil qui attendent maintenant du concret.
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