Le parfum de groseille qui émane d’une bougie peine à masquer l’odeur d’humidité qui embaume l’appartement: Sandra Mepas vit depuis dix ans dans une “passoire thermique” à Pantin, un logement “énergivore” dans le viseur du projet de “loi climat” voté mardi à l’Assemblée nationale.
“Vivre dans ces conditions, c’est horrible”, confie la secrétaire administrative en recherche d’emploi, contrainte de “vivre les fenêtres ouvertes” dans l’atmosphère “irrespirable” d’un appartement pour lequel elle paie un loyer de 700 euros par mois. Vétuste, sans chauffages fonctionnels ni isolation, elle témoigne d’un sentiment de “courant d’air” permanent.
Si le salon soigneusement rangé de Sandra Mepas ne préfigure pas la précarité des lieux, la chambre attenante, désertée depuis des mois, livre une autre vérité.
Les murs blancs cernant l’unique fenêtre sont noircies sur toute la hauteur, comme après un incendie, l’oeuvre de l’humidité qui a rongé le papier peint et entamé le moral de la locataire.
“Ce n’est pas seulement du matériel qu’on perd, c’est aussi sa santé”, confie la quadragénaire, qui souffre de difficultés respiratoires liées à l’humidité et a dû se débarrasser de nombreux biens, dont plusieurs sacs poubelles de vêtements, “foutus par la moisissure”. Contre le froid, elle dépense une trentaine d’euros par mois pour un chauffage d’appoint.
Depuis son emménagement, Sandra Mepas a vu défiler quatre agences immobilières, autant d’interlocuteurs qui n’ont pris la mesure de sa situation qu’en 2016, après sollicitation des services d’hygiène municipaux.
Elle obtient alors du bailleur une rénovation du mur de sa chambre, mais “les ouvriers me disaient: ‘on fait du bricolage, on maquille, mais c’est l’immeuble qui est pourri'”, souffle-t-elle.
Selon la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, “c’est un logement sur six qu’on peut qualifier de passoire thermique”, soit “4,8 millions de logements dans lesquels des ménages ont trop chaud l’été et trop froid l’hiver”.
Un an après la promulgation de la loi, il sera interdit, lors du renouvellement d’un bail ou de la remise en location, d’augmenter le loyer des logements classés F et G en performance énergétique. En 2025 pour la classe G, en 2028 pour la F et en 2034 pour la E, ils ne feront plus partie des “logements décents”.
Une mesure qui a suscité l’ire des professionnels du secteur, qui estiment qu’interdire la location de logements E qui représentent “un quart du parc de logements actuellement loués, dans un horizon irréaliste, revient à mettre en péril les conditions de logement à moyen terme de près de 5 millions de Français”, ont commenté trois de leurs organisations, la FNAIM, l’UNIS et l’UNPI.
L’interdiction de location relève d’un “abus de langage”, dénoncent pour leur part les associations de défense des locataires et de protection de l’environnement.
“La contrainte va surtout peser sur le locataire qui devra se retourner contre le bailleur” pour faire constater l’indécence du logement, déplore Etienne Charbit, responsable de projets au sein du réseau CLER.
Son association plaide notamment pour une “obligation de rénovation globale”, à rebours des politiques “incitatives” et de réfection “par geste”.
La définition d’une “rénovation performante” a été précisée par les parlementaires. Elle doit permettre un gain d’au moins deux classes pour atteindre A, B ou C, et “l’étude” et le “traitement” de “six postes de travaux “: “isolation des murs, des planchers bas, de la toiture, menuiseries extérieures, ventilation, et production de chauffage et d’eau chaude”.
Avec un logement classé E selon un diagnostic réalisé en 2010, Sandra Mepas pourrait effectuer un recours contre son bailleur à partir de 2034 et réclamer des travaux d’isolation complets.
Soutenue par la Croix-Rouge LogisCité, qui accompagne les ménages en situation de précarité énergétique, la locataire mise surtout sur les services de la ville de Pantin pour obtenir un nouvel appartement.
Un moyen de retrouver un semblant de vie sociale pour la mère de famille qui confie toujours garder la porte de sa chambre fermée lorsqu’elle reçoit, y compris ses proches. “Ça me gêne d’en parler, je ne veux pas qu’on se dise que ma maison est sale, que je suis sale”.
par Thomas GROPALLO
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