2 500 éventails dont les plus anciens datent du 16ème siècle… Cette exceptionnelle collection est aujourd’hui plus qu’en péril. Le musée qui la réunit croule sous les dettes et a lancé un appel aux dons.
“C’est mon arrière grand-père qui a créé l’entreprise en 1879. Mon père a racheté en 1960 le dernier atelier parisien d’éventails. J’ai hérité de ce patrimoine familial auquel j’ai consacré ma vie. Tout en continuant la production, j’ai ouvert le musée il y a près de trente ans. J’ai proposé à la ville d’en faire un musée municipal, mais cela n’a pas été possible”, regrette la propriétaire, Anne Hoguet, aujourd’hui âgée de 75 ans. Ce qu’elle craint : le démantèlement de sa collection pour payer ses dettes.
L’an dernier pourtant, l’artisanat de l’éventail a été inscrit au Patrimoine culturel Immatériel. “C’est un crève-cœur… Au fil du temps, le musée a accumulé des dettes. D’ici fin mars, je dois payer 117 000 euros au bailleur. Le Covid a été la double peine: je n’ai ni client, ni visiteur”, confie la descendante de quatrième génération, sans héritiers, brisée par la perspective de la dispersion de la collection familiale dont le niveau muséal a été reconnu par plusieurs classements. “J’ai reçu une seule fois l’aide de 1.500 euros pour les indépendants et mon bailleur m’a accordé des exonérations, mais la dette principale est toujours là…”
A la fois musée et atelier au charme désuet, cette entreprise du patrimoine vivant compte parmi ses derniers clients des maisons de couture mais aussi des productions de films, comme “Marie-Antoinette” de Sofia Coppola.
Installé boulevard de Strasbourg, au cœur du Paris des théâtres, l’atelier-musée Hoguet situé au 3e étage sans ascenseur d’un immeuble haussmanien, s’étend sur moins de 200 m2 au riche décor Henri II, offrant un étonnant moment hors du temps. Rien n’a changé depuis le XIXe siècle: les murs sont tapissés de drap bleu brodé de fleurs de lys au fil d’or, avec plafond à caissons. Conservés dans leur état d’origine, une multitude de meubles de métier regorgent de soie, de plumes et de nacre.
“De grande qualité, la collection Hoguet est unique avec d’extraordinaires éventails dont plusieurs sont classés. On découvre les fusions artistiques à travers l’histoire autour de cet objet ancestral, à la fois de société et d’intimité, souligne Pascal de La Vaissière, ancien conservateur du patrimoine, chargé d’un premier inventaire il y a une dizaine d’années. Le musée regroupe aussi le savoir-faire des éventaillistes et des tabletiers qui travaillent la nacre et les incrustations, les deux métiers nécessaires à la fabrication complète de l’éventail.”
Alertée, la ville de Paris tente de trouver une solution: “cet atelier-musée, qui a reçu des subventions municipales, est un musée privé de grand intérêt qui raconte une histoire de Paris. C’est un très joli patrimoine artistique et artisanal”, reconnaît Karen Taïeb, adjointe à la Maire de Paris en charge du patrimoine.
“Nous avons obtenu une indulgence du bailleur pour allonger les délais. La dette ne peut toutefois pas être effacée. Nous avons contacté trois maisons de couture pour leur proposer de devenir mécènes”, ajoute Mme Taïeb.
Accessoire de mode mais aussi outil ancestral pour transmettre des ordres en temps de guerre au Japon, l’éventail a fait son retour avec Karl Lagerfled, longtemps client de la maison Hoguet.
Sous Louis XV, un code amoureux a été créé, toujours en vigueur: l’éventail placé près du cœur manifeste l’intérêt. Maintenir l’éventail sur l’oreille gauche exprime au contraire un camouflet sans appel.
Pour sauver le musée, un appel aux dons a été lancé sur Leetchi mi-février, qui a à ce jour récolté un peu plus de 42 000 euros. Objectif 117 000 euros pour sauver le musée.
Jean-François GUYOT
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