Là où il faut encore des petites mains pour retranscrire sur des cartes les informations capturées par des photographies aériennes, l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN) compte sur l’intelligence artificielle pour produire davantage de données géographiques et plus fréquemment.
Pour pouvoir lutter contre l’artificialisation des sols et préserver la biodiversité, encore faut-il disposer d’un outil performant de veille. Aujourd’hui en France, une poignée seulement de collectivités se sont dotées de tels instruments car ils sont coûteux. L’IGN, en partenariat avec le CEREMA (centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement) et l’IRSTEA (institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture) est chargée d’élaborer un thermomètre national de l’occupation des sols.
Elle doit constituer une base de donnée cartographique vectorielle pour rendre compte de l’occupation des sols à grande échelle (OCS GE) à la résolution spatiale de 20 centimètres (chaque pixel équivaut à des blocs de 20 cm2), pour laquelle sera renseigné sa nature selon une quinzaine de champs différents.
“Ce travail consiste à prendre des vues aériennes du territoire et à les photo-interpréter. Jusqu’à maintenant, nous mettions entre 4 et 5 ans pour produire une base de donnée représentative de l’occupation du sol d’un département français. L’objectif c’est de passer à des délais de 1 à 2 ans entre le moment où l’avion passe et la sortie des informations. Nous comptons y arriver en nous appuyant sur des technologies d’automatisation notamment l’intelligence artificielle. Cela représente un gros challenge organisationnel et technique pour nos équipes”, explique Boris Wattrelos, chef de projet. En effet, pour perfectionner les modèles prédictifs du logiciel utilisé par l’IGN, les agents (vingt à vingt cinq équivalent temps plein) doivent encore opérer de nombreux correctifs à la main.
La première mouture de ce référentiel national est prévue à l’horizon 2023. Des expérimentations à petite échelle ont été effectuées ces derniers mois. Les équipes sont désormais en train de travailler à la réalisation exhaustive du premier département français, le Gers, pour affiner le prototypage et préparer la production en série.
Les syndicats dénoncent un projet mené au pas de charge
Opérateur de l’État, l’IGN s’est lancée dans l’élaboration de cet OCS GE dans le cadre d’un programme d’investissement gouvernemental pour le développement de l’intelligence artificielle. Les ressources nécessaires à la production de cet outil ont été fournies par le fonds pour la transformation de l’action publique. C’est la raison pour laquelle la ministre en charge de ces questions, Amélie de Montchalin, s’est déplacée ce lundi à Saint-Mandé pour suivre l’avancée du projet.
“Je suis très contente de voir qu’il y a des cas d’usage potentiel qui pourront être extraits du projets innovants que l’on nous a montré. (…) L’IGN est un lieu emblématique de la transformation de l’action publique par la donnée. Les données doivent nous permettre de dépasser une vision de l’État verticale, les données permettent de faire contribuer le citoyen, la société civile et tout un écosystème d’acteurs investis pour l’intérêt général”, s’est-elle exprimée.
Profitant de la visite de la ministre, des représentants syndicaux ont tenté de l’interpeller sur la pression subie par le personnel affecté notamment à ce projet. “C’est un projet très conséquent qui utilise une technologie avancée jusque là peu utilisée à l’IGN, dans des délais rapprochés avec un début de production massive impliquant une chaîne de production fonctionnelle dès 2022 (…) Nous avons l’impression que tous nos efforts sont gâchés par de nombreux problèmes récurrents”, ont dénoncé dans une lettre ouverte début septembre les syndicats CGT et CFDT, relevant plusieurs départs de responsables.
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