L’éditeur français de jeu vidéo Ubisoft, éclaboussé l’an dernier par de multiples révélations sur le comportement sexiste et violent de plusieurs de ses cadres, fait l’objet d’une plainte déposée jeudi au tribunal judiciaire de Bobigny (Seine-Saint-Denis) pour “harcèlement institutionnel”.
La plainte collective a été déposée par deux anciennes salariées victimes de harcèlement lors de leur période d’emploi à l’ancien siège d’Ubisoft à Montreuil, (aujourd’hui déménagé à Saint-Mandé en Val-de-Marne) et par le syndicat Solidaires Informatique.
Elle vise d’une part la société Ubisoft mais également 10 personnes physiques, dont le PDG du groupe Yves Guillemot, la directrice des ressources humaines Cécile Cornet qui a démissionné de ses fonctions après le scandale, mais également le numéro deux du groupe Serge Hascoët et un vice-président chargé de l’éditorial Tommy François, qui ont tous deux été poussés vers la sortie.
“Ce qui est symptomatique dans ce dossier, c’est que des faits réitérés de violence sexuelle ont été remontés régulièrement aux ressources humaines qui ne réagissaient pas”, a déclaré l’avocate des plaignants Maude Beckers, contactée par l’AFP.
Selon elle, “il semblerait que les ressources humaines aient intégré le risque de harcèlement sexuel à la politique de l’entreprise”, et notamment aux procédures de recrutement en interrogeant les candidates sur leur résistance à ce type de comportement.
La plainte vise nommément plusieurs personnes travaillant toujours aux ressources humaines de l’éditeur.
Concernant Yves Guillemot qui n’est pas visé directement par des témoignages, “on estime qu’en tant que dirigeant, il était forcément informé. Il se doit de répondre de la politique RH de la société”, a affirmé l’avocate.
Contacté par l’AFP, Ubisoft n’était pas en mesure de réagir dans l’immédiat. Suite au scandale, son PDG avait promis l’an dernier un “changement structurel” de l’entreprise.
Les plaignants espèrent que le dépôt de cette plainte convaincra d’autres victimes de se joindre à leur action.
Selon Marc Rutschlé, représentant de la section syndicale Solidaires Informatique chez Ubisoft Paris, l’affaire a initié 120 enquêtes internes et conduit au départ de 25 personnes, un nombre jugé limité alors qu’environ un quart des employés du groupe ont été victimes ou témoins de “mauvaise conduite au travail”, d’après une étude réalisée par le groupe.
Environ 14 000 salariés, sur les 19 000 collaborateurs employés au total, avaient répondu à ce sondage.
“On est face à des personnes qui se sentent en totale impunité. Même si Ubisoft a reconnu les faits, on voit qu’il n’y a pas eu de changement depuis”, a dit à l’AFP une des plaignantes, aujourd’hui freelance.
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