En France, environ 1,5 million de jeunes âgés de 15 à 29 ans ne sont ni en emploi, ni en études, ni en formation. A l’échelle de la Seine-Saint-Denis, ces “invisibles”, comme les désigne Claire Bernot-Caboche*, représenteraient près d’un quart de la population de cette classe d’âge. Pour faciliter l’insertion de ces jeunes, le gouvernement veut miser sur la professionnalisation des éducateurs sportifs.
Depuis deux mois, Kavi, 22 ans, travaille comme éducateur sportif pour la mairie de Paris. Avant de décrocher ce contrat à durée indéterminé (CDI), son parcours a été jalonné de changements de voie: après un bac sciences et technologies industrielles (STI) puis un cursus cinéma/audiovisuel à la faculté, il s’est inscrit en BTS conception des produits industriels.
*Claire Bernot-Caboch est professeure documentaliste, docteure en science de l’éducation, autrice du rapport de recherche Les jeunes “invisibles” : ni en éducation, ni en formation, ni en emploi et ni en accompagnement en France et en Europe
“J’ai sans doute fait de mauvais choix“, observe-t-il. Kavi est néanmoins resté fidèle à sa passion: le freestyle basket. Sa formation à l’académie des métiers du sport et de l’éducation d’Educaterra à Saint-Denis, lui permet aujourd’hui d’en tirer des revenus tout en ayant trouvé un emploi stable.
15 mois
Comme Kavi, Kristina est devenue éducatrice sportive à la mairie de Paris après avoir obtenu le brevet professionnel de la jeunesse, de l’éducation populaire et du sport (BPJEPS). “Et je n’ai pas attendu longtemps pour trouver un poste!“, se félicite-t-elle.
Pour y parvenir, il a fallu se former pendant 15 mois. Soit la durée de 10 mois nécessaire pour la préparation au BPJEPS (certification de niveau 4, équivalent du bac) qui rend apte aux emplois d’éducateur sportif et d’animateur, précédée d’une phase d’accompagnement via le dispositif Sesame. “C’est ce qui m’a permis de savoir ce que je voulais faire“, souligne Kavi.
Avec Mohamed, trois fois champion de France de futsal handisport, qui a bénéficié d’un parcours adapté aux personnes de petite taille, tous trois ont raconté mercredi 15 décembre, leurs parcours à Roxana Maracineanu et Brigitte Klinkert, respectivement ministres déléguées aux sports et à l’insertion. “Notre présence ici est symbolique, indique cette dernière, parce que nos deux ministères ont signé une feuille de route pour favoriser l’insertion par le sport.“
Orienter les jeunes vers les métiers en tension
L’un des principaux volets de ce plan d’action vise à “structurer les clubs et les associations sportives qui ont des difficultés à trouver des professionnels formés. On se rend bien compte que l’investissement bénévole a des limites, précise Roxana Maracineanu. Il s’agit d’arriver à positionner les acteurs du sport comme de véritables acteurs de l’insertion. C’est important car, à travers le sport, on a l’opportunité d’aller chercher les jeunes, en particulier ceux qui ont décroché. C’est un moyen de les aiguiller vers les métiers qui sont aujourd’hui en tension.”
Un enjeu stratégique à l’approche des jeux olympiques de Paris 2024, alors que des milliers d’emplois doivent arriver sur le marché du travail non seulement dans le secteur du sport et de l’animation, mais aussi de la construction ou de la sécurité.
“Dans les clubs ou les associations, les éducateurs ne sont pas que sportifs, ce sont de véritables travailleurs sociaux, explique Abdel Machri, directeur opérationnel d’Educaterra qui vient lui-même du monde du football associatif. On s’est dit, il faut qu’on les accompagne à monter en compétence. C’est comme ça que l’on a commencé à utiliser le sport comme un levier pour l’insertion. On a commencé par les éducateurs sportifs, mais aujourd’hui nous formons aussi vers les métiers de la SNCF et de la RATP.“
Créée en 1995 à Aubervilliers, la société Educaterra a fait ses preuves en matière d’insertion par le sport.”La grande majorité des publics qu’on touche sont des NEET [ndlr, acronyme anglais signifiant ni en emploi, ni en études, ni en formation]”, pointe Abdel Machri. Le problème c’est que même les missions locales on de plus en plus de mal à repérer ces publics. Notre force c’est d’aller chercher ces jeunes là où ils sont notamment sur les réseaux sociaux.” Mais aussi par des moyens plus classiques en organisant des réunions d’informations dans des établissements scolaires ou via l’association régionale pour la formation d’animateurs (ARFA) – qui fait figure de centre de formation d’apprentis des métiers du sport et de l’animation d’Ile-de-France – dont Educaterra est membre.
En 2020, Educaterra a installé une académie des métiers du sports et de l’éducation à Saint-Denis, à deux pas du stade de France où elle dispose aussi des locaux. Elle revendique 85% de sorties positives, c’est-à-dire de jeunes ayant trouvé un emploi.
8 700 euros
Le coût de la formation pour l’obtention au BPJEPS s’élève à 8 700 euros. “Sesame nous permet de financer toutes les certifications pré-requises comme le BAFA et le STT [ndlr: qui sont le brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur et la certification de sauveteur secouriste du travail], signale Abdel Machri. C’est primordial parce qu’elles sont indispensables, mais surtout parce qu’elles permettent aux jeunes que l’on voit passer de conforter leur confiance en eux.“
Ce programme, “Sésame vers l’emploi pour le sport et l’animation dans les métiers de l’encadrement” selon son intitulé exact, a été créé en 2O15. Avec l’obtention par la France de l’organisation des jeux olympiques, il a été intégré au plan “Citoyens du sport” avec un objectif de former 5 000 nouveaux jeunes aux métiers du sport. Après la crise sanitaire, il a vu sa dotation globale portée à 12 millions d’euros et elle peut atteindre 2 000 euros par jeune.
“J’ai attendu dix ans pour passer mon BPJEPS parce que c’était un peu compliqué de sortir entre 1 500 et 2 000 euros de sa poche“, témoigne Daniel, ancien animateur à la mairie d’Asnières-sur-Seine (Hauts-de-Seine). Aujourd’hui, il est en contrat alternance avec Educaterra où il travaille comme formateur tout en validant les unités capitalisables nécessaires pour obtenir la mention APT (activités physiques pour tous) de son BPJEPS.
La différence, Educaterra la finance en puisant dans d’autres dispositifs comme le Parcours d’entrée dans l’emploi (PEE) financé par la région Ile-de-France et en répondant à des appels d’offres de collectivités, d’associations ou d’entreprises. “Aujourd’hui, on fait de l’ingénierie pédagogique et financière “, résume Morad Maachi qui a co-fondé en 1995 avec son frère, Farid Maachi (aujourd’hui décédé) France Formation professionnelle (FFP), devenue Educaterra.
En dehors du BPJEPS, le centre de formation forme aussi au brevet national de sécurité et de sauvetage aquatique (BNSSA) qui est le diplôme du nageur sauveteur. Pour l’année 2021, l’académie des métiers du sports et de l’éducation de Saint-Denis compte 120 stagiaires en formation.
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