En Seine-Saint-Denis, six habitants sur dix se déclarent victimes de discriminations. En cause : la couleur de peau, la religion, le quartier d’habitation, mais aussi l’orientation sexuelle ou l’apparence physique… Face à ce constat, le conseil départemental vient de créer un Observatoire des discriminations et de l’égalité.
Les résultats de la deuxième enquête sur les discriminations commandée par le département de la Seine-Saint-Denis rendus publics mercredi 8 novembre, sont éloquents: 63% des séquano-dyonisiens s’estiment avoir été victimes de discriminations durant les cinq dernières années. Une proportion qui atteint 84% des 18-24 ans. Leur impact se fait ressentir dans la recherche et l’exercice d’un emploi (pour 92% des sondés), dans la recherche d’un logement (pour 92%) ou encore dans les rapports avec la justice et la police (pour 88%).
Prise de conscience
“Il y a un chiffre qui me marque en particulier, souligne Oriane Filhol, conseillère départementale déléguée à la lutte contre les discriminations: plus de 90% des 15-25 ans disent qu’ils ont été témoins de discriminations en Seine-Saint-Denis. C’est un chiffre énorme qui montre qu’il y a une prise de conscience sur ce sujet de la part des habitants.“
Pour 9 personnes interrogées sur 10, les discriminations ont pour cause la couleur de peau, la religion et la quartier d’origine. L’enquête téléphonique réalisée en juillet par l’institut de sondage Harris Interactive sur un panel de 1 002 personnes révèle également une tendance globale à la hausse des comportements perçus comme discriminants et de la sensibilité des personnes à l’égard des pratiques et discours discriminatoires. Lors du premier baromètre élaboré en 2019, 56% des personnes interrogées s’étaient ainsi déclarés victimes de discriminations, soit 7 points de moins qu’en 2021.
“En Seine-Saint-Denis, on subit plus de discriminations qu’ailleurs parce qu’il y a un cumule lié au fait même d’habiter dans ce département, ajoute Oriane Filhol. Partout en France, être noir et musulman c’est source de discrimination. Mais quand vous êtes noir, musulman et que vous habitez en Seine-Saint-Denis, c’est le combo.”
Manque d’engagement
A ce constat, s’ajoute celui d’une insuffisance de réponse des pouvoirs publics. “En matière de politique de lutte contre les discriminations, le défenseur des droits constate malheureusement un manque d’engagement à l’échelle nationale“, indique Sophie Pisk, déléguée régionale de la défenseure des droits.
Stéphane Troussel, le président du département, rappelle d’ailleurs que la recommandation de l’ancien Défenseur des droits, Jacques Toubon, sur la création d’un Observatoire national sur les discriminations reste pour l’heure lettre morte. “Compte tenu de l’ampleur du problème, je me refuse à ne pas agir“, enchaîne-t-il.
L’observatoire a été lancé ce mardi 8 novembre au terme d’une journée de débats sur l’accès à la santé et les conséquences des discriminations sur la santé, ainsi que le rôle des médias dans la diffusion des stéréotypes. Avec une volonté manifeste de ne pas se limiter aux discriminations liés à l’origine ethnique, pour aborder notamment celles de la “grossophobie” et du genre.
Ouverture à la société civile
Piloté par la mission égalité diversité, l’Observatoire sur les discriminations et l’égalité du département sera composé d’un conseil associé ayant pour rôle de représenter la société civile et de faire émerger des propositions pour développer les actions départementales. Son fonctionnement s’inspire de l’Observatoire des violences envers les femmes, créé vingt ans auparavant et qui a depuis essaimé.
Parmi ses 15 membres, les associations Remem’beur, Saint-Denis Ville au cœur ou la Grande parade métèque. Mais aussi Jean-Louis Bianco, président de l’Observatoire de la laïcité jusqu’en avril dernier qui a salué l’initiative. “La Seine-Saint-Denis est le premier département à se doter d’une telle structure, alors qu’il y a beaucoup de chose à faire au niveau national. Les gens n’osent pas porter plainte.”
Pour connaître les moyens financiers alloué à ce nouvel organisme, il faudra attendre le débat d’orientation budgétaire. Lors du vote sur sa création, le conseiller départemental Les Républicains, Philippe Dallier, s’était abstenu avec d’autres membres de son groupe, redoutant une initiative s’inscrivant dans la “logique de la culture woke” (mouvement de contestation venu des Etats-Unis qui dénonce les dominations sur les minorités).
Plusieurs projets ont d’ores et déjà été présentés comme un premier “testing” qui sera mené en coopération avec l’association SOS Racisme, une “caravane des discriminations” à partir de juin 2022 et en core un dispositif baptisé “Jeunes contre le racisme et l’antisémitisme” dans les collèges volontaires.
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