Depuis septembre, l’association “Garde la Pêche Montreuil” a investi les bâtiments d’une ancienne usine de peaux, EIF, destinée à être reconvertie après dépollution. Alors qu’une procédure d’expulsion a été engagée par le propriétaire, l’Epfif (Établissement Public Foncier d’Île-de-France) qui porte le foncier pour le reconvertir, la mairie vient de porter plainte pour mise en danger de la vie d’autrui et a saisi la procureure de la République.
Qu’adviendra-t-il de l’usine EIF du quartier des Murs à Pêches ? Voilà plusieurs années que le débat fait rage. En 2017, la Métropole du Grand Paris avait choisi UrbanEra, filiale de Bouygues Immobilier, pour reconvertir ce site industriel en complexe mêlant logements et entreprises. Mais la forte présence de solvants chlorés aux effets cancérigènes a raison raison du projet en juin dernier. Le site est alors repris par l’Epfif qui s’engage à mener les opérations de dépollution avant de revendre le terrain.
Celles-ci devaient démarrer à l’automne 2020, rappelle la mairie. Mais depuis cet été, de nombreux habitants du quartier affichent leur mécontentement. L’association Restes Ensemble, fondée en juin 2020, dénonce notamment une mesure du niveau de pollution avec un seul point de relevé, situé au sein de l’usine. Ses membres exigent que les analyses s’étendent aux habitations alentours. Une requête à laquelle cède la mairie dès juillet, en saisissant le Laboratoire Central de la Préfecture de Police (LCPP) et l’Agence Régionale de Santé (ARS). Les analyses en question restent encore à faire à ce jour. L’association affirme par ailleurs avoir obtenu l’engagement de la mairie de ne pas commencer les travaux de dépollution avant d’avoir procédé au relevé du niveau de pollution. Un engagement désormais mis en cause par les membres de Restes Ensemble : “La mairie affirme que la dépollution aurait dû commencer à l’automne. Or, le LCPP n’a toujours pas réalisé les analyses que nous lui avions demandé de faire.”, explique l’association.
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Depuis le 15 septembre, le site EIF est occupé par les militants du collectif “Garde la Pêche Montreuil !” D’abord venus trouver un logement, les nouveaux venus soutiennent la démarche de Restes Ensemble, dénonçant eux aussi le manque de concertation dans l’opération de dépollution. Lulu, 56 ans, assure que les habitants ne vivent que dans les parties non-polluées de l’usine. Inquiets de la potentielle reprise du lieu par un promoteur, ils affirment vouloir transformer l’endroit en un “lieu de convivialité” centré autour de la “transmission de savoirs et la création collective”, animé par des artistes et des artisans (photographes, menuisiers, soudeurs…). Le lancement d’une cantine populaire était notamment prévu pour bientôt.
Estimant que l’occupation empêche le début des travaux de dépollution, la mairie de Montreuil a annoncé porter plainte pour “mise en danger de la vie d’autrui” le 29 janvier dernier. Pour Gaylord Le Chéquer, premier adjoint au maire PCF Patrice Bessac, “les solvants chlorés (benzène et trichloréthylène notamment) et les hydrocarbures continuent donc à se propager dans les sols […] alors même que la Ville entreprend des actions pour préserver la santé des riverains et renforcer la biodiversité et le potentiel naturel du site”, alerte l’élu.
“L’attitude des occupants sans droit ni titre, qui ont refusé à deux reprises à notre Service Communal d’Hygiène et de Santé de rentrer dans l’usine afin de faire son travail est tout simplement inacceptable”, abonde Loline Bertin, adjointe à la tranquillité publique. Pour l’association, l’argument du danger n’est qu’un prétexte à leur expulsion. “Les locaux étaient déjà occupés par des entreprises avant notre arrivée. L’EPFIF veut nous déloger pour pouvoir bétonner au plus vite”, affirme Lulu. Dans un communiqué, l’association estime que “l’écologie dont la mairie actuelle se revendique fait clairement le jeu de la gentrification du quartier.”
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