Une semaine après l’occupation d’une résidence sociale désaffectée de la mairie de Paris par une association d’aide aux migrants, les riverains de ce quartier pavillonnaire de Thiais ne décolèrent pas et réclament l’évacuation, arguant de la vétusté du bâtiment. Pour l’heure, la cohabitation au quotidien reste néanmoins paisible dans la rue Beaudemons.
Depuis plusieurs jours, les habitants de la rue Baudemons se retrouvent régulièrement sur le trottoir pour échanger les dernières nouvelles sur le squat qui s’est constitué dimanche soir dans la résidence sociale désaffectée de la ville de Paris. De temps en temps, un des réfugiés qui s’y sont installés sous la houlette de l’association United Migrants, sort de la résidence en les saluant d’un “bonjour” auquel ils répondent à leur tour. Mais les riverains restent mobilisés contre cette occupation.
“Vous voyez, ce sont des gens propres, habillés convenablement, ils sortent travailler dans la journée, ils ont des smartphones dernier cri. Ce ne sont pas les personnes vulnérables et sans-abris”, s’agace un habitant du quartier.
En comparant avec les locataires de l’ex-résidence sociale, Jean-Yves, reconnaît, lui, que “pour l’instant, il y a moins de chahut” que certains soirs où des locataires de la résidence sociale s’égayaient bruyamment tard dans la nuit. “Jusqu’à maintenant, ils se comportent bien, mais c’est aussi parce qu’ils sont très encadrés par cette association. Notre souci n’est pas tellement les gens qui vivent ici mais la vétusté du bâtiment. Si la ville de Paris l’a fait évacuer, c’est parce qu’il était dangereux avec de l’amiante, un système électrique défaillant et des problèmes relatifs à la sécurité incendie”, reprend le riverain qui a déjà échangé avec quelques occupants pour qu’ils veillent à sortir les poubelles régulièrement et espère que l’amas d’encombrants entassés à l’arrière du bâtiment issu du grand ménage effectué par les nouveaux habitants sera rapidement évacué.
“La bâtiment, lorsqu’il n’accueillait que 70 personnes, avait déjà des soucis. Quelques années auparavant, il y a eu un incendie et une personne est décédée intoxiquée. Les derniers occupants ont dû attendre que leurs bagages passent au réfrigérateur quelques jours pour éliminer les punaises de lit avant de pouvoir quitter les lieux. Imaginez maintenant avec 300 personnes à l’intérieur. Ce n’est pas possible!”, ajoute un autre voisin qui évoque également le risque représenté par la chaudière à gaz.
Les riverains indiquent par ailleurs être perturbés par la venue régulière de véhicules de police dans le quartier, ainsi que des voitures venant déposer des familles et leurs affaires, indiquant que le nombre d’occupants n’a cessé d’augmenter depuis le début de l’occupation. “A son réveil, mon enfant m’a demandé ce qu’il se passait à la vue des nombreux véhicules de police. La nuit suivante, il n’est pas parvenu à trouver le sommeil”, explique une habitante.
Plusieurs voisins soupçonnent aussi la capitale d’avoir laissé faire ce squat, en connaissance de cause. “Une société de nettoyage est venue quelques jours avant pour faire un grand ménage, affirme un riverain. L’électricité était toujours en marche pour alimenter trois alarmes et a priori, le site était donc sécurisé, mais les occupants sont passés par le seul accès non-protégé à l’arrière, à un moment où le gardien n’était pas là.”
“Nous sommes victimes de cette situation alors que nous avons fait le choix de payer pour vivre dans un quartier pavillonnaire, au calme”, reprend un riverain, abondé par un autre : “Je n’ai pas quitté Paris pour revivre cela ici. Nous sommes des gens calmes et réfléchis mais nous finirons par intervenir si ça continue.”
Paris se défend sur la vétusté du site et dément toute coopération avec l’association
Le maire de Thiais, Richard Dell’Agnola, qui avait demandé à la préfecture l’évacuation du site dans les 48 heures avec le concours de la police et regrette qu’elle n’ait pas été suivie d’effet, a adressé jeudi dernier un courrier à Léa Filoche, maire-adjointe de Paris en charge du dossier, pour insister sur “la situation très préoccupante de cette occupation au regard des règles vitales de sécurité”, citant la fiche de synthèse sur l’état du bâtiment remise par le centre d’action sociale de la ville de Paris aux services de la ville de Thiais fin juin dernier. “L’état réglementaire du bâtiment présente une évaluation de 5/18 en appréciation globale (…). Le rapport Apave Electricité ont gratifié l’accessibilité et les ascenseurs d’une évaluation très mauvaise. Quand au rapport de sécurité incendie, il a été considéré comme mauvais”, rappelle l’élu.
Pour le cabinet de la maire ajointe parisienne, le bâtiment n’est toutefois pas dangereux. “La ville de Paris a fait le choix de se séparer de ce patrimoine foncier, et donc de réorienter les personnes qui étaient hébergées vers d’autres sites parisiens, car le site est éloigné de Paris et des commodités pour des personnes vieillissantes. Le bâtiment est dégradé, notamment les douches communes, avec des plafonds en mauvais état, qui menaçaient de tomber. [Il ne présente] aucun risque pour les riverains.”
Concernant le squat, la municipalité se défend également d’avoir eu contact avec l’association. “Depuis qu’il est vide d’occupants et de personnel (début juin), le site était sous télésurveillance et faisait l’objet d’une ronde quotidienne. Des grilles avaient également été installées pour éviter les intrusions. Il n’y a pas eu à notre connaissance d’intervention [d’une société de nettoyage]. La ville de Paris, ne travaille pas avec cette association qui semble intervenir principalement en Seine-Saint-Denis. Nous connaissons un certain nombre d’associations qui interviennent auprès de migrants sur le territoire parisien mais United Migrants ne semble pas participer aux différents collectifs”, indique-t-on au cabinet de Léa Filoche.
Le représentant de l’association United Migrants, Romain Prunier, confirme ne pas avoir bénéficié d’information ou de soutien de la mairie de Paris et affirme ne pas avoir eu non plus connaissance d’une opération de nettoyage avant l’occupation. “Le nombre de résidents s’est stabilisé depuis les premiers jours. Nous avons priorisé, parmi nos adhérents, les personnes ayant de grandes difficultés de logement, pas ceux déjà hébergés par le 115. Les rapports avec le voisinage se passent bien dans la mesure où nous essayons de répondre à leurs demandes. Il y a quelques jours, alors que nous mettions les déchets encombrants à l’abri, un voisin nous a demandé de faire moins de bruit. Nous nous sommes exécutés. C’est plus difficile de dialoguer avec les voisins qui refusent notre présence ici par principe.” La collecte des déchets encombrants entreposés dans le jardin à l’arrière de la résidence doivent être ramassés d’ici quelques jours.
Lire aussi :
N'envoyez que des photos que vous avez prises vous-même, ou libres de tout droit. Les photos sont publiées sous votre responsabilité.