« Qui ici a une promesse d’embauche ? » Dans la salle de classe d’électricité du CFA (Centre de formation des apprentis) de Saint-Maur-des-Fossés, presque tous les élèves lèvent la main. Quelques-uns préparent un brevet de technicien supérieur (BTS), la plupart vont passer le bac professionnel. A l’échelle du Val-de-Marne néanmoins, la Direccte dénombre encore 500 apprentis sans employeur.
Même au sein du CFA de Saint-Maur-des-Fossés, qui forme à la coiffure, l’esthétique, l’électricité, la plomberie, la vente et la fleuristerie, une cinquantaine d’apprentis sur 900 n’ont toujours pas de contrat avec une entreprise. Au niveau départemental, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Dirrecte) dénombre au total 500 apprentis sans entreprise. Une carence qui résulte notamment des disparités en fonction des secteurs. Il est ainsi plus facile de signer dans la plomberie ou l’électricité que dans le marketing. D’autres causes, plus conjoncturelles, expliquent ces chiffres, comme la cessation d’activité d’une entreprise en cours de contrat d’apprentissage ou l’insertion professionnelle difficile d’un apprenti.
Gauthier Bergeret, le directeur par interim du CFA de Saint-Maur-des Fossés, tient cependant à rassurer, rappelant qu’il est possible de maintenir un jeune en formation durant six mois sans contrat de travail depuis la loi du 31 juillet 2020. Cette soupape reste néanmoins un pis-aller pour les apprentis qui ne perçoivent plus de rémunération.
Une filière qui reste mal-aimée
Les formations en apprentissage continuent aussi de souffrir d’une faible attractivité auprès des jeunes, alerte Nicole Richard, présidente de la Chambre des métiers et de l’artisanat du Val-de-Marne (CMA 94), à laquelle est rattaché le CFA de Saint-Maur-des Fossés. Pour elle, il y a tout un travail à faire en amont pour inciter ceux que l’on qualifie de « décrocheurs » ou ceux qui ne savent pas vers quelle voie s’orienter, à se tourner vers l’apprentissage. « Il faut donner plus de visibilité aux métiers de l’artisanat, précise-t-elle, et dédramatiser ce type de parcours auprès des familles, mais aussi des professeurs de collège pour faciliter l’orientation des élèves. » Sans pour autant faire du remplissage, ajoute-t-elle.
Selon les années, certaines filières connaissent des pics d’attractivité auprès des jeunes avant de tomber en disgrâce sans que l’on connaisse les raisons de ces variations, notent les professionnels. Ainsi en est-il par exemple de la coiffure, filière pour laquelle le CFA de Saint-Maur-des-Fossés est pourtant très prisé. « Il y a plus de 150 entreprises du secteur qui cherchent des apprentis », insiste Gauthier Bergeret.
Depuis 2019, la découverte des métiers de l’artisanat et de l’alternance est facilitée par la prépa-apprentissage. Ouvert aux 16-29 ans, ce dispositif peut se dérouler sur une durée de quelques jours à quelques mois en fonction des projets professionnels. Il permet aussi de rassurer un chef d’entreprise frileux à l’idée de signer un contrat d’apprentissage avec un élève au parcours difficile. « Nous avons pour objectif d’offrir 120 places en prépa-apprentissage. Aujourd’hui, nous avons fait la moitié du chemin », indique Gauthier Bergeret.
Côté entreprises, il existe aussi des dispositifs d’aide à l’embauche d’apprentis, rappelle Dominique Largaud, directrice territoriale de Pôle emploi pour le Val-de-Marne, citant les contrats parcours emploi compétences (PEC), les contrats initiative emploi (CIE) ou les emplois francs (réservés aux habitants des quartiers prioritaires). Mais « sans la coopération de tous les acteurs de l’insertion professionnelle, la chambre des métiers, le CFA, les institutions du territoire, les associations et les missions locales, nous n’y arriverons pas », insiste la directrice Pôle Emploi.
A noter : prolongement de l’aide à l’emploi d’un apprenti.
Le 15 mars, l’Etat a annoncé le prolongement de l’aide exceptionnelle à l’embauche d’alternants, jusqu’au 31 décembre 2021. Cette aide va de de 5 000 euros pour l’embauche de tout alternant de moins de 18 ans – en contrat d’apprentissage ou en contrat de professionnalisation – à 8 000 euros pour l’embauche d’un alternant de plus de 18 ans.
Faire travailler ensemble missions locales, chambres, CFA… c’est l’une des missions de Faouzia Fekiri, nommée en décembre dernier sous-préfète de l’arrondissement de Créteil – un poste qui n’existait auparavant –, elle a aussi la charge de mettre en place le plan de relance dans l’ensemble du département. « C’est pour faire en sorte que les besoins des entreprises et des jeunes se rencontrent que nous devons nous retrousser les manches », enjoint-elle, en visite au CFA. Ce mercredi 24 mars, c’est dans une mission locale qu’elle portera ses pas, pour travailler à la concertation.
Au 4ème trimestre 2020, Pôle emploi a comptabilisé 16 211 demandeurs d’emploi âgés de moins de 26 ans, soit 13,9% de l’ensemble des demandeurs d’emplois du département (dans les catégories A, B et C). Une part supérieure à la moyenne nationale. La crise sanitaire n’a rien arrangé : en un an, la hausse des demandeurs d’emplois du département dans cette tranche d’âge a été 17,9 %.
” il y a tout un travail à faire en amont pour inciter ceux que l’on qualifie de « décrocheurs » ou ceux qui ne savent pas vers quelle voie s’orienter, à se tourner vers l’apprentissage.” …
Cette déclaration reste typique de la France : dans ce pays, la formation professionnelle est considérée comme quasiment réservée aux ‘mauvais’ élèves, car seule l’intelligence abstraite a droit de cité à l’Éducation Nationale ! D’où la faible attractivité, et aussi le fait que des élèves qui n’ont pas de goût pour la culture livresque poursuivent des études qui ne les intéressent pas (50 % d’échecs durant les deux premières années de fac) …
En Suisse ou en Allemagne, il n’y a pas de chômage des jeunes, et l’apprentissage est une voie noble de formation. De plus des structures sont disponibles tout au long de la vie pour permettre à celles et ceux qui en ont la volonté d’évoluer, parfois jusqu’à devenir ingénieur.
Mais dans ces pays, le travail est considéré comme une richesse, et non comme un coût !!!
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