Mercredi midi dans l’allée Marguerite, à la limite entre Villejuif et Vitry-sur-Seine, militants associatifs, syndicaux et citoyens s’étaient réunis en soutien à Sadio Sissoko, dont le domicile a été condamné pendant son absence. François Corrieri, entrepreneur du BTP se présentant comme le propriétaire, s’est rendu sur place avec son avocat pour tenir tête aux manifestants tandis que police municipale et nationale tentaient de calmer le jeu.
Depuis 2018, Sadio Sissoko habite dans un pavillon en meulière divisé en petits appartements occupés par des travailleurs étrangers. Cet agent de propreté de 54 ans, malien, a un contrat de bail et des factures. Progressivement toutefois, la maison s’est considérablement délabrée par manque d’entretien et le propriétaire des lieux ne percevait même plus les loyers. Puis, il il y a quatre ou cinq mois, la maison a été rachetée par François Corrieri, dirigeant d’une entreprise de travaux public et par ailleurs conseiller municipal d’opposition à Wissous. Depuis, il a fait défricher avec un tractopelle un terrain qui prend le pavillon en sandwich. Objectif selon les locataires : disposer de suffisamment d’espace pour réaliser un programme immobilier avec le pavillon voisin où sont logés des ouvriers roumains,
“Le 21 mai, cet homme m’a dit qu’il était le nouveau propriétaire et que je devais partir. Je m’y suis opposé. Je n’ai aucune possibilité de trouver un autre logement comme ça du jour au lendemain. Trois jours après, en rentrant du travail, je me suis rendu compte que l’on m’avait pris mon ballon d’eau chaude. Il est revenu et m’a dit que je devais faire mes valises pour le 1er juin. Au retour du travail, le 2 juin, je ne pouvais plus accéder à mon logement parce que l’on avait installé une porte blindée. J’ai appelé le monsieur parce que j’avais sa carte de visite pour lui demander ce que j’allais faire, il m’a suggéré de dormir dehors”, relate Sadio Sissoko.
Démarches administratives, plainte et mouvement de soutien
Josefa Torres, déléguée syndicale chez Sanofi Vitry-sur-Seine (et candidate Lutte Ouvrière aux régionales) où le quinquagénaire fait le ménage, a tenté de trouver des solutions avec ses collègues pour qu’il puisse trouver un nouveau logement, mais c’est un parcours du combattant. “Il est trimballé de services sociaux en services sociaux, nous avons fait des dossiers de demandeur de logement prioritaire, sollicité Action logement parce qu’il est salarié, fait un recours devant le tribunal administratif de Melun. Cet entrepreneur sait que les gens qui vivent ici sont en difficulté et en a profité pour se faire justice lui-même”, explique Josefa Torres. L’agent de propreté a par ailleurs été déposer une plainte au commissariat du Kremlin-Bicêtre le 3 juin dernier pour violation de domicile.
C’est dans ce contexte qu’était organisé ce mercredi un rassemblement devant le pavillon, à l’initiative de militants de l’association Droit au Logement (DAL), de la Confédération nationale du logement (CNL), des employés de Sanofi ainsi que des grévistes de l’entreprise Lasserre Propreté venus témoigner leur soutien. L’atmosphère s’est tendue lorsque François Corrieri et son avocat, qui n’a pas souhaité donner son nom, sont arrivés à bord d’une 4×4 Porsche. Le propriétaire a alors enlevé les bannières, drapeaux et demandé aux gens de quitter les lieux.
Le propriétaire se défend, la tension monte
“Nous avons acheté, tout est en règle. J’ai immédiatement donné congé et quand nous avons installé la porte blindée, les logements étaient vides”, s’explique-t-il. Dans le même bâtiment pourtant, Marcio, un livreur brésilien, vit comme si de rien n’était. “Le propriétaire a convenu de me laisser jusqu’au 9 juillet”. Face au propriétaire et à son avocat qui expliquent être dans leur bon droit et réfutent la version de Sadio Sissoko, la tension monte d’un cran. De nombreux protagonistes prennent leurs téléphones portables et commencent à filmer. Un militant du DAL et un voisin semblent proches d’en venir aux mains avec le propriétaire. Chacun se reprend toutefois assez vite et à l’arrivée de la police municipale puis nationale, appelées sur place, la tension est déjà un peu retombée.
Après avoir pris les témoignages des différentes parties, les policiers conviendront que le propriétaire va faire rouvrir la porte blindée à 21 heures et lancer une procédure d’expulsion en bonne et due forme. Ce mercredi soir, les manifestants se sont promis de revenir pour veiller à ce que l’engagement soit tenu. Ce sont les ouvriers roumains, vivant dans la maison voisine qui ont la clé et devraient venir la déverrouiller.
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