La CGT a appelé jeudi à la fin de l’omerta et de l’impunité dans les affaires de sexisme et violences sexuelles chez les pompiers, et apporté son soutien à “Julie”, une jeune Val-de-Marnaise qui accuse plusieurs d’entre eux de l’avoir violée lorsqu’elle était adolescente.
Cette jeune fille du Val-de-Marne demande depuis plusieurs années à la justice que ses agresseurs présumés, dont trois pompiers poursuivis pour “atteintes sexuelles” alors qu’elle était âgée de 13 à 15 ans, soient jugés pour viol. Elle a saisi la Cour de Cassation qui rendra son arrêt le 17 mars.
Sa famille accuse au total une vingtaine de pompiers de viols, certains en réunion, et estime que la justice minimise largement les faits.
Agée de 13 à 15 ans lors des faits, Julie (prénom d’emprunt) suivait un traitement médicamenteux lourd qui nécessitait de nombreuses interventions des pompiers: plus de 130 entre 2008 et 2010.
En 2010, elle a accusé un sapeur-pompier, avec lequel elle avait “une relation”, selon l’ordonnance du juge d’instruction, de lui avoir imposé des rapports sexuels, notamment à une occasion en présence de deux collègues.
Ces trois pompiers avaient été initialement mis en examen pour viols et agressions sexuelles sur mineure de 15 ans en réunion, une infraction passible des assises. Mais en juillet 2019, le juge avait finalement requalifié les faits en “atteintes sexuelles, sans violence, contrainte, menace ni surprise sur mineure de quinze ans par plusieurs personnes” et ordonné leur renvoi en correctionnelle.
Un délit qui leur fait encourir à tous les trois une peine de 10 ans d’emprisonnement.
Au cours de l’instruction, Julie a exprimé de “façon réitérée son absence de consentement”, selon l’ordonnance. Les trois pompiers ont eux “constamment assuré” que Julie “n’avait manifesté aucune réticence”.
La famille de Julie accuse au total une vingtaine de pompiers de viols. “Les 17 autres pompiers n’ont jamais été mis en examen”, a dénoncé sa mère dans une pétition en ligne.
La jeune femme et sa famille ont dans un premier temps demandé une requalification des faits en viol à la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Versailles, une demande rejetée le 12 novembre. Elle a ensuite formé un pourvoi en cassation.
A l’audience mercredi, l’avocate générale a préconisé la cassation de l’arrêt de Versailles: “la notion de discernement” n’a pas assez été étudiée, a-t-elle déclaré, or “on peut avoir consenti sans avoir le discernement pour”.
L’avocat de Julie à la Cour, Me Bertrand Colin, a lu des extraits de la décision de Versailles, qui avait, selon lui, balayé la question de la contrainte morale: “Son comportement aguicheur, provocateur, entreprenant envers ses partenaires pompiers ne permet pas de déduire la contrainte morale”, écrivaient les magistrats.
“La chambre d’instruction assimile l’absence de refus à un consentement” mais “le silence ne vaut pas acceptation”, a plaidé Me Colin.
Pour Me Guillaume Valdelièvre, avocat de deux des trois pompiers à la Cour, “la qualification de viol n’a pas été retenue car la contrainte et la surprise n’ont pas été caractérisés par la chambre d’instruction”. “Ici on juge du droit”, a-t-il ajouté.
Présents à l’audience mercredi, Julie et sa famille n’ont pas souhaité s’exprimer.
Dimanche, plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées en soutien à Julie dans différentes villes de France dont 300 personnes à Paris.
“Dans des affaires récentes”, dont celle de “Julie”, “certains sapeurs-pompiers ont abusé de l’image positive et de la confiance dont nous bénéficions à juste titre dans l’opinion publique”, écrit dans un communiqué le SDIS-CGT, deuxième syndicat chez les pompiers professionnels.
“Nous exigeons que l’administration sorte de l’inertie intolérable qui bénéficie toujours aux agresseurs” dans cette “corporation majoritairement masculine”, ajoute-t-il, en soulignant que “la parole des victimes doit être entendue” et “n’a pas à être tue, ostracisée, disqualifiée, dévalorisée, moquée, minimisée”. De ce point de vue, poursuit-il, “nous, nous croyons au témoignage de Julie”.
D’autres affaires de sexisme et violences sexuelles impliquant des pompiers ont émergé ces dernières années dans plusieurs régions, et “n’ont que trop rarement donné lieu à des plaintes, à des procès et à des condamnations”, regrette le syndicat.
Les “comportements criminels ou sexistes ne concernent que certains” des quelque 250 000 pompiers de France (militaires, professionnels ou volontaires), mais ils ont trop souvent tendance à être ignorés, minimisés voire dissimulés, estime le SDIS-CGT, qui réclame “une indispensable prise de conscience” de la profession sur la gravité de certains faits, et l’appelle à “favoriser le travail de la justice” dans ces affaires.
La Brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP, 8 500 pompiers militaires), qui intervient à Paris et dans la petite couronne, est visée par plusieurs enquêtes judiciaires portant sur des faits de viol, d’agressions sexuelles et harcèlement sexuel, dont celle de “Julie”.
Interrogée par l’AFP, elle a mis en avant sa “tolérance zéro” et souligné que les quelques pompiers reconnus coupables dans ces affaires étaient à chaque fois “très lourdement sanctionnés” et quittaient alors la brigade.
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