Pour les femmes victimes de violences sexuelles, s’engager dans une procédure judicaire reste une épreuve difficile. Unité de soins du centre hospitalier de Saint-Denis, la Maison des femmes ouvre une nouvelle possibilité pour faciliter cette démarche avec la mise en place d’un protocole permettant la conservation des preuves de violences.
Pionnière depuis 2016 dans la prise en charge inconditionnelle des femmes victimes de violences, la Maison des femmes de Saint-Denis veut faciliter le dépôt de plainte. Le protocole signé mardi entre le procureur de Bobigny, le centre hospitalier de Saint-Denis et le directeur territorial de la sécurité publique permet désormais de conserver les preuves de maltraitance et d’abus sexuels subies.
Prise en charge médico-judiciaire regroupée
“Nous allons pouvoir nous occuper des victimes de violences sexuelles, en constatant les blessures, effectuer les prélèvements vaginaux ou encore conserver les vêtements sans avoir besoin qu’elles se présentent à une unité médico-judiciaire“, explique Ghada Hatem, fondatrice et médecin-cheffe de la Maison des femmes.
Ce qui change la donne pour les victimes puisqu’elles ne doivent plus se rendre nécessairement à l’unité médico-judiciaire de l’hôpital Jean Verdier à Bondy pour faire constater les violences
Avec le nouveau dispositif, c’est toute la prise en charge médico-judiciaire qui est regroupée dans un même lieu. “Ce protocole va permettre le “aller-vers” et la conservation des preuves sans dépôt de plainte ou en attendant le dépôt de plainte“, résume Eric Mathais, procureur de Bobigny.
Accompagnement individualisé
Pour la police, le protocole est de nature à favoriser l'”individualisation de la prise en charge de la victime” essentielle aux yeux de Michel Lavaud, directeur territorial de la sécurité publique. “La démarche des victimes est douloureuse et délicate. Elle se fait par étapes et il faut que nos institutions puissent permettre que ces étapes se déroulent sans que les preuves disparaissent.”
La Maison des femmes accueille déjà, depuis 2019, une permanence policière qui se tient une fois par semaine, le mercredi, permettant aux femmes qui le souhaitent de porter plainte. Ce sont des policiers volontaires et formés aux problématiques de violences conjugales et sexuelles du commissariat de Saint-Denis qui l’animent.
Avec l’expérimentation de “la plainte hors-les murs” pour les cas de violences conjugales, lancée par le ministère de l’intérieur en octobre, les policiers de Saint-Denis (ville choisie avec le 13ème et 14ème arrondissements de Paris pour ce dispositif) peuvent aussi se déplacer en dehors des temps dévolus à la permanence. “Quand le policier se déplace, il y a un ciblage des faits parce que le personnel médical lui a fait un retour, ce qui permet un accompagnement et une préparation de la victime“, indique Michel Lavaud.
9,2 femmes victimes pour 1 000 habitantes en Seine-Saint-Denis
Le directeur territorial de la sécurité publique note depuis 2017 une hausse de 30% des plaintes relatives à des violences conjugales en Seine-Saint-Denis et, dans le même temps, une hausse de 40% des élucidations. “Mieux on accueille les victimes, mieux aussi on permet à l’enquête de progresser, parce que mieux la plainte est prise, mieux on élucide“, analyse-t-il.
Mais si la réponse aux violences faites aux femmes tend à s’améliorer, Anne-Claire Mialot, préfète à l’égalité des chances, concède des moments “d’abattement” faisant référence au meurtre d’une femme par son ex-compagnon le 26 novembre à Epinay-sur-Seine.
Pour Eric Mathais, “les drames que nous avons connus, et nous en avons connu un récemment, veulent dire qu’il faut réfléchir à l’amélioration des dispositifs, à la circulation de l’information et à la collaboration entre les différents acteurs et les différentes institutions.“
Selon le dernier rapport des services de polices et de gendarmerie paru le 22 novembre, la Seine-Saint-Denis est le département où l’on comptabilise le plus de faits de violences envers les femmes en France métropolitaine avec 9,2 femmes victimes âgées de 20 ans ou plus pour 1 000 habitantes de même sexe et âge.
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