“C’est comme si on avait dit qu’on travaillait sur le Concorde!” Pour les quarante ans du TGV, la SNCF a sorti vendredi de sa retraite la rame qui a battu un record de vitesse le 26 février 1981, pour s’offrir un aller-retour à petite vitesse entre la Gare de Lyon à Paris et le technicentre de Villeneuve-Saint-Georges (Val-de-Marne), soit deux fois 12 kilomètres.
Une sortie pour le plaisir, qui a attiré les fans, à l’instar d’Hamid Moradi, un étudiant en école d’ingénieur de 22 ans venu sur le quai avec son TGV en modèle réduit, juste pour la photo.
La vedette du jour, c’est la rame numéro 16, bien connue des ferrovipathes.
“C’est la rame que la SNCF a choisi de conserver dans sa collection pour témoigner de l’aventure de la grande vitesse”, explique Florent Brachet-Champsaur, responsable du patrimoine de la SNCF.
Livrée par Alstom –Alsthom à l’époque– en novembre 1980, elle a parcouru 13,4 millions de kilomètres avant sa mise à la retraite en décembre 2018.
C’est elle qui a battu le fameux record, à 380 km/h le 26 février 1981, lors de l’opération “TGV 100”. L’idée était de dépasser les 100 mètres par seconde.
Cette même rame 16 a servi pour l’inauguration de la ligne nouvelle Paris-Lyon par le président François Mitterrand le 22 septembre 1981. Son quarantième anniversaire en sera fêté à la rentrée.
Le TGV roulait alors à 260 km/h, et l’un des objectifs du record était de rassurer le public sur la fiabilité de l’engin.
La vitesse a été relevée à 270 km/h l’année suivante. Le train fétiche de la SNCF roule depuis jusqu’à 300 ou 320 km/h, et le record a été battu à cinq reprises, dont quatre fois par la SNCF. Le dernier date d’avril 2007, à 574,8 km/h.
“Quand je disais ‘je travaille sur le TGV’, les gens étaient vraiment impressionnés, on était fiers, fiers, fiers”, témoigne Jean-Marie Grimler, entré à la SNCF à l’équipement en 1982. “C’est comme si on avait dit qu’on travaillait sur le Concorde!”
Garée chez Alstom à La Rochelle, la plus prestigieuse rame de la série des TGV Sud-Est a survécu grâce à une équipe de cheminots bénévoles, qui se sont relayés pour la maintenir en état de marche.
Elle est revenue à Villeneuve-Saint-Georges il y a quelques mois pour être retapée “par des passionnés, sur leur temps”, raconte Yann Franche, le directeur industriel du technicentre.
“On s’est attaché à la remettre en état de marche dans les règles de l’art, comme le prescrivent nos documents, pour pouvoir ré-obtenir l’autorisation de circuler”, explique-t-il. “On l’a eue hier (jeudi) à 15H30!”
La SNCF donne maintenant rendez-vous à Villeneuve-Saint-Georges pour les journées du patrimoine en septembre, quelques jours avant le quarantième anniversaire de l’inauguration. La rame 16 devrait ensuite faire un petit tour de France.
“Cette rame, en plus d’avoir battu le record et fait l’inauguration, elle a un pouvoir un peu magique”, relève le conducteur Antoine Leroy, l’un des volontaires qui veille sur la machine. “Elle a le pouvoir de faire sourire les enfants, elle a le pouvoir de faire revenir des souvenirs aux plus anciens d’entre nous. Elle a le pouvoir de faire se retourner des gens sur les quais.”
“Et puis pour nous, agents SNCF, elle a le pouvoir de nous rassembler”, poursuit-il. “On se retrouve tous dans cette rame, parce qu’elle véhicule nos valeurs. On aime parler de ce qu’on fait, on aime transmettre.”
Une communion autour du patrimoine qui fait un temps oublier la pandémie, et les 3 milliards d’euros de perte de la SNCF annoncés mercredi.
Reste un détail: la rame 16, qui a fini sa carrière en rouge et gris, retrouvera-t-elle la célèbre livrée orange des années 1980?
Un pelliculage coûterait au moins 100.000 euros, et la repeindre au moins 500 000 euros. La dépense est-elle raisonnable en ces temps de crise?
La directrice de la communication de la SNCF Stéphanie Rismont promet “une décision assez vite”.
par Jean LIOU
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