“Pendant quarante deux ans, j’ai balayé vos rues, ramassé vos poubelles, sablé vos trottoirs. Quarante ans de vie de balai…” Ainsi commence “Une vie”, l’autobiographie d’André Frot, cantonnier municipal de 1975 à 2017, publiée par la librairie associative de Vitry-sur-Seine, Livres en lutte.
Confié à ses grands parents vitriots comme un “joli colis encombrant”, André raconte une enfance heureuse dans leur petit appartement une pièce sans salle de bain avec toilettes à l’extérieur. Il se souvient de l’ancien cinéma, “Le Central”, le lavoir de la rue Marie Colin, la fontaine à la tête de lion, les commerces et marchés de quartier… Il croque avec nostalgie la fête des Lilas, “les chars fleuris, les majorettes, les fanfares, le défilé de la rue Anatole France pour aller à la place du Marché…”, comme la baignade du Port à l’Anglais avec “plein de cabines de bain comme à la plage”.
A douze ans, André est repris par ses parents qui habitent en HLM au Havre, il le vit mal. Embauché comme cantonnier quelques années plus tard, il sera ensuite muté à Vitry après s’être échappé de Normandie à vélo, décidé à quitter le domicile familial. De sa vie de balayeur à Vitry, André raconte les mutations du métier, son engagement syndical à la CGT, qui le fera passer une nuit dans l’usine de roulements à billes SKF d’Ivry-sur-Seine avec ses ouvriers, et bien d’autres anecdotes.
L’idée de raconter sa vie, familiale comme professionnelle, André l’a eue un peu avant de prendre sa retraite. “Je n’ai pas beaucoup lu de livres lorsque j’étais plus jeune à l’exception des bandes dessinées. Alors qu’il ne me restait que quelques mois de travail avant la retraite, j’ai commencé à écrire sur des feuilles de brouillon mes mémoires. Mes collègues m’y ont encouragé parce que c’est rare d’avoir des témoignages sur nos métiers”, confie-t-il. Il entame alors son récit à partir de sa naissance, suivant un plan chronologique.
Un premier jet qu’il va ensuite retravailler avec l’équipe de bénévoles de la librairie associative Livres en lutte. A peine retraité, ce passionné de spéléologie, maquettisme et encore histoire locale, y a pris son adhésion. “J’ai connu son existence en travaillant dans le quartier. Cette association me plaît beaucoup, l’équipe composée de salariés et de bénévoles est très
sympathique et chaleureuse. J’ai trouvé mes marques : tous les matins
à 9 heures je viens à la boutique, je fais le café. Je vais voir s’il y a des
cartons de livres à descendre au sous–sol. Je range les livres, les disques, les DVD ou les CD musique. Tous les jeudis je participe au tri des livres pour la librairie, le local de stockage ou pour l’association Vitry Livres Echanges (qui donne des livres à la population)”, témoigne-t-il.
Un ambiance de confiance pour partager son manuscrit. “Un balayeur de rue qui écrit ses mémoires ! Pour notre association “Livres en Luttes“ qui a pour but le soutien à la création, le courant passe tout de suite. Le monde du travail manque de témoignages, que ce soit par les livres, les films ou les pièces de théâtre”, explique Robert Séguéla, le président de la librairie associative, dans la préface du livre.
Pendant 8 mois, des bénévoles comme Robert Séguéla, Maryvonne Palleau-Callebou et Françoise Guichaoua aident André Frot à faire un peu de tri dans ses souvenirs, rendre son récit plus personnel et fluidifier sa lecture, tout en préservant les anecdotes et digressions qui témoignent de ses multiples centres d’intérêt. Des passions qui lui ont rendu la vie moins pénible. “Au début, c’était agréable de balayer les rues de son secteur, de parler avec les habitants, les commerçants, j’ai vu leurs enfants grandir. L’arrivée des machines a aussi contribué à rendre la tâche un peu moins dure. Mais, à mesure que la ville a commencé à grossir, dans les années 70-80, il y avait moins de reconnaissance, plus d’incivilités. A peine étions-nous passés que c’était déjà sale”, regrette-t-il.
Un deuxième ouvrage en préparation sur ses grands-parents et le Vitry d’avant
Edité par la librairie Livres en lutte début septembre, Dédé, comme le surnomme ses amis, a déjà vendu plusieurs centaines d’exemplaires, et s’attelle désormais à un nouvel ouvrage, sur la vie de ses grands parents cette fois. “J’ai retrouvé des photos d’époque du Vitry d’avant, je n’ai pas pu tellement le raconter dans “Une vie”, alors le second bouquin, qui sera un peu plus long me le permettra”, se projette-t-il. Et ce n’est qu’un début, l’auteur s’est déjà aussi fixé un autre défi : l’écriture d’un roman sur les terre-neuvas, ces marins d’exceptions qui partaient pêcher la morue au large du Canada du XVIe au XXe siècle.
Une nouvelle vie qui n’efface pas la première, ni ses amitiés. En à peine une heure ce mardi matin de septembre, une dizaine de personnes ont ralenti à hauteur de la porte de la librairie associative de Vitry-sur-Seine pour le saluer. A l’avant d’un camion-poubelle, deux éboueurs lui font de grands signes. Un peu plus tard, c’est un voisin du quartier du Port-à-l’Anglais qui passe. “Tu vas être une célébrité !”
Pour commander le livre, envoyer un mail à livresenluttes@gmail.com, ou passer à la librairie, au 62 avenue Guy Môquet à Vitry-sur-Seine.
salut andré,
j’ai également habité ce vieux Vitry, plus exactement au 7 rue de la petite fontaine, au rez de chaussé il y avait les soeurs qui faisaient les piqures , en face le chiffonnier, le charcutier, et un copain le fils du marchand de charbon Sergent. Mon père allait jouer au billard en bas au café chez Spinner. Mes grands parents habitaient au coin de la rue Parmentier et de la rue du chemin de fer, de leurs fenêtress on voyait passer les trains, ils travaillaient tous les deux chez SKF à Ivry.
J’ai quitté la rue de la petite fontaine quand mess parents ont pu avoir un logement avec salle de bain rue Gabriel PERI
Quelle époque
Moi aussi j’ai connu dans mon enfance les mêmes relation dans mon quartier parisien. Et il y avait un cantonnier affecté au quartier qui passait chaque jour, été comme hiver, et était connu de tous, et souvent invité à boire un verre dans les bistrots.
A cette époque, les gens étaient plus pauvres, mais les relations étaient humaines et souvent chaleureuses. Aujourd’hui paris est devenu une ville de vieux riches, de bobos héritiers et de jeunes qui vivent en collocation, mais quitteront Paris dès qu’ils voudront s’installer et fonder une famille.
Cette ville est devenue snobe, hors de prix, sale, et les relations humaines désagréables …
Bravo monsieur,je reste admiratif…
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