Comédien, metteur en scène, animateur, connu notamment pour son association De la rue à la Scène qui organise des maraudes festives auprès des sans abris à Ivry-sur-Seine, Yves Pontonnier est plutôt du genre à ne pas se laisser abattre, lui qui a connu plusieurs vies dont une période sans domicile. Mais après quatre ans dans un logement insalubre malgré de multiples recours, il en a eu marre. Il a démarré une grève de la faim ce mercredi 6 octobre et est venu manifester son désarroi face au mal logement avec ses amis et soutiens, devant la préfecture.
Une petite maison avec deux chambres à Vitry-sur-Seine, pour un loyer de 1164 euros. Lorsqu’Yves Pontonnier s’y est installé avec sa famille en 2017, cela semblait le rêve. Mais rapidement, les occupants déchantent au vu des moisissures qui s’accumulent en raison de l’humidité.
Commence alors une longue suite de procédures : courriers sans réponse, intervention d’huissier pour constater la situation, saisie de la commission départementale de conciliation (CDC) qui donnera raison aux locataires, courriers à toutes les directions régionales ou départementales compétentes en matière de logement (Drihl, Adil, Caf, préfecture…), visite d’un expert Soliha diligenté par la Caf qui confirmera à nouveau le problème, notera la présence de rongeurs et réalisera en prime que la surface du logement n’est pas de 70 m2 comme indiqué dans le bail mais de 54 m2! Tout cela mène au tribunal où le locataire finit par avoir gain de cause en mars dernier, le propriétaire étant condamné à lui verser 5 000 euros. Le problème d’humidité n’est pas réglé pour autant et, pour ne rien arranger, le ballon d’eau chaude a rendu l’âme il y a six mois.
La CDC du Val-de-Marne en panne depuis la rentrée
La Commission départementale de conciliation (CDC), cette instance qui a la première donné gain de cause à Yves Pontonnier, mais constitue aussi une aide pour les propriétaires lésés, ne fonctionne plus depuis le 1er septembre dans le Val-de-Marne, en raison d’un manque de personnel à la Drihl (direction régionale et interdépartementale de l’hébergement et du logement). Une situation qu’ont dénoncée plusieurs organisations comme l’Union nationale des locataires indépendants (Unli) ou la Confédération nationale du logement (CNL), mais qui n’est toujours pas réglée. “Les commissions sont toujours suspendues et cela devient vraiment problématique car nous avons plusieurs dossiers de locataires en souffrance. Ce Prud’homme des locataires est aussi nécessaire pour les bailleurs car ils doivent obligatoirement passer par la CDC pour l’augmentation annuelle des loyers”, regrette Alain Gaulon, président de la CNL 94.
A cela s’ajoute une situation financière qui se dégrade pour le couple, au moment du premier confinement, alors que l’une est intermittente et l’autre animateur. Pendant sept mois, ils ne paient qu’une partie de ce qu’ils doivent et se retrouvent avec une dette de loyers de plusieurs milliers d’euros. “Nous avons repris les versements depuis un an mais nous n’avons eu aucune quittance de loyer en 2020 et 2021, ce qui nous empêche de faire des demandes auprès du FSH (Fonds de solidarité habitat)”, confie Yves Pontonnier. Une dette pour laquelle ils se retrouvent à leur tour au tribunal avec une première audience qui s’est tenue en septembre et a été renvoyée en novembre. “Si on refait les calculs, c’est le propriétaire qui nous doit de l’argent en comptant le différentiel de surface et les charges supplémentaires”, estime le locataire.
En parallèle, le couple et leurs deux enfants ont été reconnus prioritaires au titre du Dalo (Droit au logement opposable, qui garantit aux bénéficiaires un logement avec possibilité de recourir au tribunal administratif lorsqu’aucun logement n’a été proposé dans le délai indiqué par la préfecture). “Nous avons été reconnus prioritaires en juin mais le délai est de six mois”, indique Yves Pontonnier, qui rappelle avoir fait des demandes de logement social depuis 7 ans.
C’est dans ce contexte d’épuisement qu’Yves Pontonnier a décidé de démarrer une grève de la faim ce mercredi 5 octobre. Pour témoigner de sa démarche, il est venu avec ses pancartes devant la préfecture, accompagné de soutiens comme Elina Dumont, comédienne et chargée de mission experte Femmes à la rue pour la région, également passée par la rue, ou Edson Laffaiteur de l’Archipel des sans voix, association qui porte la parole des exclus. “Au-delà de notre situation, je veux dénoncer le mal-logement.”
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