Quelques notes de saxophone pour honorer sa mémoire, lui qui sortait d’un concert de jazz le soir où il a été tué par deux policiers. Trente-six ans après la mort de Malik Oussekine, Meudon-la-Forêt a rendu pour la première fois un hommage officiel à l’étudiant mort à 22 ans, ce samedi 26 novembre.
“Ça donne la chair de poule”, témoigne Mohamed Oussekine, le frère ainé de Malik. Ce retraité de 72 ans, “très ému” en ce samedi d’automne, est revenu s’installer depuis trois ans dans l’appartement de ce quartier populaire de Meudon, dans les Hauts-de-Seine, où vivait sa famille au moment du drame. “Je suis très honoré qu’on n’oublie pas mon frère. Il ne nous appartient plus, il appartient à la société française“, reprend-il, en saluant ses proches et ses amis.
Derrière eux, au pied des barres d’immeubles en béton, une fresque d’une vingtaine de mètres a été peinte sur le mur d’une maison de quartier qui s’appelle dorénavant “Espace Malik Oussekine”.
Une plaque à la mémoire de ce Français d’origine algérienne, mort le 6 décembre 1986 en marge d’une manifestation étudiante, a également été dévoilée.
“Il y a toute une jeune génération qui ne le connaît pas, donc c’est bien de ne pas l’oublier“, motive Franck Etave, l’artiste meudonnais à l’origine de cette oeuvre. Également connu sous le pseudonyme de “Titi From Paris”, il a choisi de ne pas peindre le visage de Malik, mais plutôt d’écrire son nom en lettres jaunes, sur un fond bleu représentant les immeubles de ce quartier de banlieue parisienne.
“On en a parlé avec la famille et l’on a finalement enlevé le portrait, on trouvait que c’était un peu trop présent, trop sombre. J’ai travaillé avec des couleurs vives, des choses plus légères, pour lui rendre hommage dans un esprit positif et plutôt heureux“, détaille-t-il.
Cette maison de quartier, Malik Oussekine l’a fréquentée pendant sa jeunesse, avant de déménager à Paris pour ses études.
C’est là qu’il est décédé, en sortant d’un concert de jazz, sous les coups de deux policiers.
La famille porte alors plainte et s’ensuit un long bras de fer judiciaire et politique, pour obtenir, in fine, une condamnation à des peines de prison avec sursis pour les policiers responsables.
Pendant ce temps, ses proches, “persécutés”, subissent de nombreuses pressions et “menaces de mort”, se souvient Mohamed Oussekine “C’était de la souffrance permanente (…) juste parce que j’avais porté plainte contre X pour savoir qui avait tué notre frère“, raconte-t-il, la voix calme.
Depuis, ce nom est entré dans l’Histoire et reste associé aux violences policières.
Cet hommage, le premier rendu officiellement par la municipalité de Meudon, “ne s’exprime pas uniquement par une plaque de rue, mais par un lieu où s’exprime la jeunesse, où elle se rassemble (…) dans le prolongement d’une trajectoire de vie qui était celle de Malik Oussekine“, insiste le maire UDI de Meudon, Denis Larghero.
Si des discussions avec la famille avaient commencé “avant le tournage” de la série de Disney+ consacrée à cette histoire, l’élu reconnait que la diffusion de ce feuilleton au printemps lui a permis de sentir que c’était “le bon moment” pour saluer la mémoire de l’étudiant, qui aurait eu 58 ans aujourd’hui.
“C’est une petite victoire“, salue pour sa part son cousin, Dany Terbeche, 74 ans.
“Je me bats depuis 30 ans pour obtenir quelque chose“, développe-t-il; dénonçant le “lynchage” d’un jeune homme “assassiné alors qu’il entrait dans la vie“.
“Dans les abattoirs, on tue les animaux mieux que comment a été tué mon cousin“, assène celui qui explique toujours attendre “des excuses” du gouvernement français.
“Cela serait très bien”, abonde, prudemment, Mohamed Oussekine. “Mais je sais que ce n’est pas facile pour un État de s’excuser”.
par Leo MOUREN
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