Justice | Seine-Saint-Denis | 06/11/2022
Réagir Par

50 ans du tribunal de Bobigny en Seine-Saint-Denis : le symbole d’une justice débordée

50 ans du tribunal de Bobigny en Seine-Saint-Denis : le symbole d’une justice débordée © CH

Magistrats surchargés, audiences pouvant s’achever à trois heures du matin, affaires mettant des années à être jugées, bâtiment gangrené de malfaçons, dépôt souvent plein à craquer… Dans le milieu judiciaire, le rythme effréné du tribunal de Bobigny, qui fête ses 50 ans, lui vaut une solide réputation de “lessiveuse”.

Comme si ces difficultés ne suffisaient pas, ce palais de justice à l’architecture moderniste a même depuis un an perdu la seule voie d’accès direct qui le relie au reste de la ville-préfecture.

Monté sur une dalle à l’écart du centre-ville, on y accède normalement par une passerelle en bois qui enjambe une route nationale et qu’empruntent quotidiennement justiciables, avocats ou fonctionnaires. Or depuis décembre, cette infrastructure de la municipalité est condamnée pour cause de… délabrement. Tout un symbole.

“On a parfois l’impression que rien ne fonctionne normalement, et en même temps, finalement, la justice est rendue en Seine-Saint-Denis”, remarque le procureur de Bobigny Eric Mathais, en poste depuis septembre 2021 dans cette juridiction “hors normes”.

17 300 jugements correctionnels

Les chiffres de ce tribunal parmi les plus importants de France ont en effet de quoi donner le tournis. Pour la seule année 2021, on recense ainsi environ 17 300 jugements correctionnels, 70 verdicts de cour d’assises, 600 ouvertures d’information judiciaire et 5 000 décisions de juges des libertés et de la détention.

Les projecteurs se sont braqués sur les difficultés de Bobigny lorsqu’en 2018, dans un rare discours coup de poing, l’alors procureure du département Fabienne Klein-Donati a dénoncé les carences abyssales de la juridiction et réclamé des “mesures exceptionnelles”.

“À ce moment-là, Bobigny devient une priorité du ministère” de la Justice, relate à l’AFP le président du tribunal Peimane Ghaleh-Marzban. “Il y avait une nécessité de rattrapage, ce n’était pas un privilège”, insiste-t-il.

Une extension du tribunal est alors actée, qui devrait doubler sa surface à horizon 2026. 

Deuxième chambre de comparutions immédiates

Signe de l’échelle industrielle de la justice en Seine-Saint-Denis, une deuxième chambre de comparutions immédiates est actuellement mise sur pied, siégeant tous les jours – et une partie des nuits.

Les effectifs de magistrats balbyniens ont pour leur part connu une légère augmentation – de 135 fin 2018 à 140 début 2022 pour le siège, de 53 à 57 pour le parquet. “Si on voulait travailler à peu près normalement au sein du parquet, il faudrait qu’on soit un peu plus de 70. Les besoins sont encore immenses”, pondère toutefois Eric Mathais.

Une montagne de près de 500 affaires renvoyées devant le tribunal correctionnel attend ainsi toujours d’être jugée, certaines patientant depuis des années. Une chambre correctionnelle supplémentaire dédiée à écluser ce stock de dossiers doit voir le jour en 2023, un travail d’Hercule qui devrait nécessiter deux à trois ans de procès.

Vers un pôle dédié aux violences conjugales ?

Parmi leurs projets, les chefs de juridiction espèrent mettre sur pied un pôle dédié aux violences conjugales et renforcer la capacité de traitement des affaires de stupéfiants, pour consacrer davantage de ressources à des dossiers au long cours dans la lutte antidrogues.

“Je salue les efforts et les réalisations qui ont été faits ces dernières années, il serait injuste de ne pas le dire. Mais il faut que l’effort se poursuive”, plaide Peimane Ghaleh-Marzban.

Au-delà de la Seine-Saint-Denis

Pourtant, regrettent certains acteurs judiciaires, l’attention et les moyens dévolus à Bobigny sont aussi autant de financements qui ne vont pas à d’autres juridictions également en difficulté. 

Ainsi, comparé à la Seine-Saint-Denis, estime un magistrat de la région parisienne en prenant l’exemple du Val-de-Marne, “Créteil est apparu comme moins prioritaire, donc il y a une forte pression aujourd’hui (…) il faudra peut-être un plan de rattrapage”. L’arbre cacherait-il la forêt ?

par Alexandre MARCHAND

Abonnez-vous pour pouvoir télécharger l'article au format PDF. Déjà abonné ? Cliquez ici.
Aucun commentaire

    N'envoyez que des photos que vous avez prises vous-même, ou libres de tout droit. Les photos sont publiées sous votre responsabilité.

    Ajouter une photo
    Ajouter une photo

    Laisser un commentaire

    Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

    Vous chargez l'article suivant