Réunis en assemblée générale jeudi 6 janvier, les représentants des équipes éducatives de huit établissements de la Seine-Saint-Denis appellent à une mobilisation le 11 janvier. Au-delà de l’épreuve de la crise sanitaire, ils ont longuement partagé les problèmes chroniques qui minent leur quotidien, du délabrement de certains établissements aux profs absents non remplacés.
“La crise sanitaire parce qu’elle ne fait que révéler les problèmes sous-jacents”, résume un professeur du collège Auguste Delaune à Bobigny. “Il faut arrêter de parler du protocole sanitaire”, s’indigne pour sa part Sonia, maman de deux enfants scolarisés dans cet établissement. Ici on est malheureusement bien loin de ces préoccupations.”
La mobilisation des enseignants de Bobigny est partie du collège Auguste Delaune où les parents d’élèves ont décidé de bloquer l’entrée, évitant aux enseignants d’avoir à se mettre en grève. “Tous les matins, on se relaie, on explique la situation aux enfants et ils retournent chez eux. Tout se passe bien”, explique Laetitia, un peu inquiète quand même parce que sa fille passe le brevet cette année.
Décidé avant les vacances de Noël, le blocage du collège était notamment motivé par une demande de remplacement d’une professeure d’anglais partie en congé maternité à la rentrée de septembre. Un congé prévu depuis mai dernier. “Bonne nouvelle après deux mois de bataille et trois jours de piquet, on a reçu aujourd’hui la remplaçante”, indique un professeur.
Mais selon les parents, ce remplacement se serait fait au détriment d’un autre collège où l’enseignante contractuelle exerçait déjà depuis un certain temps. “C’est déshabiller Pierre pour habiller Paul, pointe Sonia désabusée. Ça fait 19 ans que je vis à Bobigny et cela a toujours été comme ça de la maternelle au lycée.” A ses côtés, une autre mère résume un sentiment partagé par beaucoup: “La réalité c’est que l’on est une population complètement dénigrée. Je ne sais pas ailleurs, mais ce qui est sûr c’est que l’on ne traite pas les habitants de la Seine-Saint-Denis comme ceux de Paris“, estime-t-elle.
“En période de Covid, le remplacement des enseignants est une légende urbaine”
Pour Anne, du collège Jean-Pierre Timbaud, “en période de covid, le remplacement d’enseignants est une légende urbaine, ça n’existe pas. Chez nous, le poste de professeur de musique est par exemple vacant depuis la rentrée. Je ne vous parle même pas des enseignants qui sont en congé maladie de longue durée et encore moins des personnels absents sur une semaine pour cause de covid.”
Au collège République, c’est le professeur de technologie, victime du covid-19, qui n’a pas été remplacé depuis la rentrée. Mais aussi l’infirmière, partie à la retraite. Un poste pourtant stratégique en pleine crise sanitaire.
Que ce soit à Auguste Delaune ou à Jean-Pierre Timbaud, les capacités d’accueil sont dépassées aux dires des enseignants. Ce n’est pas le cas encore au collège République où une minorité d’entre eux sont en grève. Mais les effectifs d’élèves augmentent chaque année souligne Erwan: “On est déjà à 850 élèves, mais on n’a pas plus de conseiller principal d’éducation (CPE) supplémentaire ni d’agent d’éducation (AED).”
“On nous demande depuis peu d’assurer les contacts tracing, ce qui prend un temps monstre, relate encore Vincent, seul CPE (Conseiller principal d’éducation) pour les 600 élèves du collège Auguste Delaume. La gestion des microviolences ne peut pas être faite comme il faut, c’est une catastrophe (…) Les élèves n’ont plus envie de venir en cours et ils sont en colère toute la journée.” Tous les personnels éducatifs demandent la construction d’un cinquième collège.
“Risque d’électrocution”
Au collège Pierre Sémard, les enseignants qui étaient pour une part en grève jeudi, réclament aussi des remplacements comme l’affectation d’un assistant social, poste non pourvu depuis le début de la crise sanitaire.
Mais leur principale revendication porte sur les conditions mêmes d’accueil des élèves: “Vendredi on va faire valoir notre droit de retrait parce qu’il y a un réel risque de mise en danger des élèves comme des personnels, prévient Lila. Des huisseries sont complètement pourries, donc des fenêtres risquent de tomber sur les élèves. Dès qu’il pleut, il y a des inondations partout dans les couloirs, les salles de classe. L’eau passe par les plafonniers: il y a donc risque d’électrocution.” Construit en bois, le bâtiment est aussi victime d’une colonie de termites… ajoutent les enseignants.
Ce collège a du reste fait l’objet d’un rapport en 2016, qui établit l’insécurité du site. S’il est prévu qu’il soit reconstruit, seule la dépollution du site a été entreprise jusqu’ici. “Notre droit de retrait sera sûrement récusé, que pourra-t-on faire après?” questionne un enseignant.
“Nous sommes ici parce que la situation éducative n’a cessé de se dégrader ces dernières années. Nous avons donc deux solutions: subir et se taire ou s’unir et combattre“, réagit Samia, la seule élève présente lors de l’assemblée générale.
Manifestation le 11 janvier
Ce jeudi 7 janvier, ce-sont les enseignants de quatre collèges de Bobigny qui avaient décidé de se réunir pour pour partager leurs maux. Mais au final, quatre autres établissements du département se sont joints à la réunion, accueillie à l’hôtel de ville.
Au total une cinquantaine de personnels éducatifs ont pris part aux discussions. A l’issue de l’assemblée générale, un communiqué commun a été mis en ligne appelant à une mobilisation le 11 janvier devant la direction des services départementaux de l’éducation nationale (DSDEN) à Bobigny. Parmi les revendications, figurent aussi la fourniture de masques, de capteurs de CO2, de purificateur d’air et “une adaptation au cas par cas du protocole sanitaire en fonction de la réalité du terrain.”
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