“Vous savez où je peux trouver un gobelet de cette année ? Je fais la collection.” Rosine, 73 ans, ne manque pas une édition de Champigny plage. Campinoise depuis ses 9 ans, elle a connu la vraie plage, avec du sable et la foule des grands jours d’été.
A l’époque, on avait encore le droit de se baigner. Même si dès le début des années 1960, “il se disait déjà que l’eau était polluée”. La plage était payante, “mais c’était pas cher pour les Campinois”, se souvient cette ancienne de La Samaritaine, “déléguée CFDT à jour de sa cotisation depuis 30 ans”. Des baignades, rien que sur la boucle de la Marne qui entoure la ville de Saint-Maur, il y en avait une bonne dizaine et on venait de loin pour profiter de l’ambiance et du rafraîchissement, plus que pour crawler. D’ailleurs, Rosine ne sait pas nager.
En 1970, la baignade a été proscrite en raison de la pollution industrielle et de l’augmentation de la population habitant dans des maisons pas toujours bien canalisées. Depuis plusieurs dizaines d’années, des mesures ont été prises pour reconquérir la rivière mais il faudra encore attendre 2024, cap fixé à l’occasion des jeux olympiques, pour pouvoir piquer une tête, au terme de lourds travaux d’assainissement accélérés dans la dernière ligne droite.
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En attendant, Champigny fait revivre sa plage depuis 2006, transformant chaque année sa base nautique Roland Bouchier en parc de loisirs durant quinze jours en juillet. Pas de sable mais du paddle, des grandes bulles transparentes pour marcher sur l’eau, une piscine pour les petits, un skate park, des ateliers loisirs… et encore des transats pour farnienter, le tout gratuit sauf les buvettes. “Et il y a encore les anciennes cabines de plage”, montre Rosine.
Premier big jump à Champigny-sur-Marne
Pour donner un avant-goût de 2024, Champigny s’est jointe pour la première fois au Big Jump ce 10 juillet. Cette manifestation, lancée en 2002 par l’ONG European rivers network, propose à chaque citoyen du continent de plonger dans les eaux vives des rivières tous les 10 juillet après-midi. Dans le Val-de-Marne, Saint-Maur-des-Fossés a montré la voie dès 2006, en invitant à mettre ses pieds dans l’eau depuis le Beach club. Cette année, Champigny a participé comme d’autres futures baignades de la métropole parisienne. Habitant près de la mairie, Rebecca et Didier ont fait coup double, partis en paddle pour aller plonger à Saint-Maur avant de revenir à Champigny plage. “C’est très pratique pour aller d’une rive à l’autre”, explique Rebecca dont le tee-shirt témoigne de la motivation.
Pour la première fois depuis 1970, un petit espace a été aménagé au bord de l’eau, surveillé par des maîtres nageurs de la piscine municipale. Sous le soleil de 16 heures qui tape encore à la verticale, Kera n’a pas résisté, s’offrant une petite immersion pour rafraîchir sa robe pendant que ses cinq enfants pataugent tout au bord. “Ce serait bien s’il y avait cela tout le temps” confie la saint-maurienne. A côté, une plagiste est venue de Paris, sur les conseils d’un ami campinois.
Bientôt une vraie plage à Champigny
“Ce serait génial de pouvoir se baigner!” abonde Valentine, 27 ans, venue en couple pour faire du paddle, et qui vient de commencer par un stop à l’atelier street-art. “On a déménagé récemment de Grezt-Armainvilliers pour habiter rue de la plage. Cela peut être sympa de venir se faire une pause sur un transat après le boulot”, se projette la coordinatrice sociale qui travaille à Paris. Pour l’instant, le couple s’est inscrit à la balade nocturne. “C’est insolite!”
Baignade interdite mais pratiquée
La baignade, si elle est interdite, reste pratiquée discrètement. “On se baigne un peu plus loin”, confie une ado. “Une fois, il y a des adultes qui nous ont vus et nous ont interpelés mais ce n’étaient ni nos parents ni la police alors ça les regardait pas!” Avec les fortes chaleurs, les baignades sauvages se multiplient. Le maire de la ville, Laurent Jeanne (Libres), aimerait pouvoir canaliser ces élans sportifs. “Aujourd’hui, la baignade est interdite partout alors qu’il y a des jours où l’eau est tout à fait baignable du point de vue sanitaire. Il faudrait laisser aux maires la possibilité d’organiser les choses à partir du moment où les seuils sont respectés. Car l’interdiction n’empêche pas les gens de se baigner. Hier, il y avait des nageurs qui sautaient du pont!” alerte l’élu. Une demande que partage le maire de Saint-Maur qui a récemment poussé un coup de gueule sur le sujet.
Plage de sable ?
Alors que la base nautique est située sur un bras de la Marne assez tranquille, face à Saint-Maur, la ville envisage de recréer une plage dans l’esprit de celle d’avant 1970, avec un accès direct des berges et un périmètre de surveillance délimité. “On aimerait aussi remettre du sable mais il s’agit d’une zone inondable. alors il faudrait pouvoir l’enlever, ce qui relève d’une logistique lourde”, confie l’édile.
En attendant, Champigny Plage fait le plein, même sans baignade permanente. Parmi les visiteurs fidèles, certains ont fait le trajet de loin, à l’instar de Chaima, 14 ans, qui a déménagé à Chartres alors qu’elle habitait à deux pas avant. “On venait tout le temps pour faire du paddle, se souvient l’ancienne élève du collège Rol Tanguy. Chartres, c’est trop calme, c’est un peu vieux.”
Pour cette édition 2022, qui dure jusqu’au 24 juillet (voir le programme), 15 000 personnes sont attendues et 60 agents ont été mobilisés, issus des services culturels et sportifs ou recrutés pour la période. Autant de “gentils plagistes”, à l’instar de Selim qui a tout de suite reconnu la pétillante habituée Rosine.
A noter, pour l’accès, la consigne à vélos surveillée et gratuite.
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