Le cœur sous surveillance, Arthur Guérin-Boëri bloque sa respiration de longues minutes dans un bassin d’eau glacée. Un exercice singulier qu’il répète comme une routine. Ce dimanche, c’est un défi extrême qui l’attend : une tentative de record du monde d’apnée sous glace au Canada.
Allongé sur le sol dans une salle de la Maison du handball à Créteil, les bras en croix, Guérin-Boëri commence son premier exercice, à sec. Équipé de capteurs reliés à une machine de monitoring scrutée par un cardiologue, l’apnéiste se met en condition de relâchement et débute le travail qui va l’amener à ralentir progressivement sa respiration au bruit d’un gong, qui sonne toutes les cinq secondes dans une atmosphère extrêmement silencieuse.
Guérin-Böeri, un gabarit de 1,97 m pour 101 kg, gonfle son thorax de façon impressionnante jusqu’à l’inertie, une position qu’il tient quatre minutes avant que l’envie de respirer ne se manifeste.
“C’est dur”, glisse-t-il, alors que le cardiologue du sport, François Raoux, souligne qu’il “était vraiment dans la souffrance”.
Arthur Guérin-Boëri s’entraîne depuis deux ans maintenant pour signer des performances inédites dans une eau glaciale. Le 25 mars 2021 en Finlande, il établissait le record du monde à la brasse (sans palme) en combinaison (2 mm d’épaisseur) en apnée dynamique sous glace (nage horizontale), soit 120 mètres en trois minutes.
Une étape intermédiaire au défi qu’il entend relever dès dimanche à Wakefield dans un lac glacé canadien, près d’Ottawa: établir le record du monde d’apnée sous glace, sans palme et en maillot.
Autrefois affaire du Guinness World Records, les record de l’apnée sous glace sont sous la responsabilité de la Confédération mondiale des activités subaquatiques (CMAS) depuis janvier 2021. A ce jour, seule une performance a été établie en maillot, et ce par une femme, la Finlandaise Johanna Nordblad (103 m le 18 mars 2021).
“En théorie, je fais ce que je veux puisque je vais être le premier à poser la marque pour la CMAS. Mais je vais essayer de faire plus que Johanna, aller à 105 mètres pour aller chercher le vrai record”, souligne l’apnéiste, cinq fois champion du monde en apnée dynamique (en bassin), qui s’aventure dans un domaine peu connu.
“J’ai vraiment ce sentiment d’arriver sur un truc que personne ne connaît. Je découvre des trucs à chaque fois: là, j’ai la tête qui tourne en sortant, tiens, là, j’ai des vertiges, des palpitations, là j’ai rien, je ne comprends pas pourquoi”, relève l’apnéiste de 37 ans, qui a fait une hypothermie pour la première fois de sa carrière il y a deux mois, après être “resté 20 minutes dans une eau à 2 degrés”.
Le cardiologue suit justement depuis deux ans Guérin-Boëri pour “avoir des éléments quantitatifs de l’apnée en eau froide”, “jusqu’à présent plutôt de l’intuition”, et aider le sportif dans sa quête.
“Les modèles d’apnée en eau froide c’est plutôt des accidents, des gens qui tombaient du bateau. Là, la trame commune, c’est la tolérance de l’apnée et l’amélioration de la tolérance. Peut-être qu’une respiration superficielle à la sortie de l’eau froide est plus intéressante que des grandes respirations, par exemple”, souligne François Raoux.
Dans la maison du handball, Arthur Guérin-Boëri enchaîne les apnées mais cette fois, il descend lentement dans un bassin à huit degrés. Se tenant les mains au rebord, il plonge la tête sous l’eau et retient sa respiration durant cinq longues minutes. Avant de répéter l’exercice.
“Ça va mieux, c’est les miracles de l’eau froide !”, lance-t-il, équipé d’un masque pour pallier un souci en eau froide: l’immersion de la face.
Selon le cardiologue, “il y a des récepteurs au niveau pré-orbitaire qui vont agir comme un frein pour le cœur, c’est pour ça que le cœur se ralentit quand on met la tête sous l’eau. A côté de ça, il y a d’autres récepteurs qui vont agir comme un accélérateur. Ce conflit-là va générer une espèce de double commande qui est très arythmogène”.
Dimanche le risque majeur sera dans les dix minutes suivant la performance, qui “seront les pires” selon Guérin-Boëri, dans le lac glacé de Wakefield au Canada.
par Sabine COLPART
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