Garages sauvages, église clandestine, ancienne casse transformée en espace de fête… Les riverains de la rue Jules Vallès à Pierrefitte-sur-Seine (Seine-Saint-Denis) n’en peuvent plus et demandent à ce que les autorités fassent le ménage.
“On est abandonné, on est des une zone de non droit“, souffle un habitant de la rue Jules Vallès, M. H…, qui préfère rester anonyme. L’homme d’une cinquantaine d’années montre un portail en tôle au n°46. “Il y a des gens ici qui sont pas très contents qu’on dénonce leur business.”
“Trois à quatre cents personnes qui défilent”
Derrière le portail fermé avec un cadenas, se trouve une ancienne casse dont le terrain s’est transformé depuis quatre ans en lieu de fête clandestin. “Chaque week-end, il y a trois-quatre restaurants qui s’installent. Il y a des grillades, des ventes de boissons, tout ça au milieu d’épaves et de montagnes de pneus. Il y a jusqu’à quatre cents personnes qui défilent“, décrit le riverain excédé.
Les soirs de week-end, c’est infernal. Les voitures n’arrêtent pas de défiler, des dizaines de gens rentrent et sortent. Et après une certaine heure, les gens qui ont bien bu, se soulagent partout dans la rue“, souligne son voisin dont le pavillon jouxte l’ancienne casse.
Plus loin dans la rue, des sons de basse s’échappent d’un imposant bâtiment en parpaing de béton visiblement inachevé. “Ça ce n’est rien du tout. Ce ne sont que les répétions de la messe évangélique. Le soir, c’est beaucoup plus fort. Et là aussi, c’est une affaire qui tourne: il y a plusieurs églises qui utilisent le lieu de manière totalement illégale“, rapporte M. H…
En remontant vers l’avenue Lénine, la rue est également jalonnée de garages clandestins. Les voitures dont les carrosseries sont en cours de réparation sont garées à même la rue. “La piscine Claire Supiot qui a été inaugurée juste à côté, c’est très bien, mais c’est un cache misère: c’est le tiers-monde dans cette rue“, estime Romain Potel, dénonçant une situation qui s’est dégradée en toute impunité.
Un quartier en attente de renouvellement urbain
Michel Fourcade, le maire PS de Pierrefitte-sur-Seine, indique être conscient du problème et se projette dans la métamorphose. “Tout ce quartier est appelé à muter, insiste-t-il. Le problème c’est que le projet n’avance pas aussi vite qu’on le voudrait. Les propriétaires des parcelles problématiques ne veulent pas vendre à l’EPFIF [Etablissement public foncier d’Ile-de-France].”
Depuis 2012, l’EPFIF s’est en effet vu confier par la ville de Pierrefitte-sur-Seine et l’établissement public territorial Plaine Commune la maitrise foncière du projet de requalification du quartier Vallès.
Lors de sa réunion du 24 mai, le conseil de territoire de Plaine Commune a engagé une procédure de déclaration d’utilité publique (DUP) au profit de l’EPFIF pour la mise en œuvre du projet “Ouest Vallès” “par voie d’expropriation si nécessaire.” Dans ce cadre, “environ 230 logements familiaux dont environ 140 en accession à la propriété et 92 en logement social” doivent être construits. La rénovation de l’autre partie du quartier Vallès s’inscrit dans le cadre du Nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU).
“On a maintenant cette DUP et j’ai pris deux arrêtés concernant le 46 rue Jules Vallès“, signale Michel Fourcade. Le deuxième, plus récent, fixe “un délai d’un mois pour dégager le terrain et une astreinte de 150 euros d’amende par jour de retard” précise-t-il.
“Il aura quand même fallu deux incendies pour que le maire prennent ces arrêtés“, déplore pour sa part Romain Potel.
L’intervention de l’Etat attendue
Nuisances sonores, pollution, incivilités voire menaces: selon M. H… une voisine aurait fait une dépression et aurait décidé de partir. “Nous on est coincé, notre pavillon a perdu tellement de valeur qu’on ne peut même plus le revendre“, lâche-t-il désabusé en pointant la chaussée complètement défoncée.
Pour lui, la situation s’est dégradée en dix ans. “A chaque fois c’est pareil, que ce soit l’église, les restos ou les garages sauvages: ils s’installent, voient que personne n’intervient et d’autres arrivent.”
Son voisin rebondit à propos des carrossiers. “Ils repeignent les voitures sur l’espace public en répandant leur solvant. Il y a pourtant des lois… Ici, par exemple, on connait le propriétaire, pourquoi on ne fait rien?” s’insurge-t-il en désignant un des garages.
“On mets les moyens, explique pourtant Michel Fourcade. J’ai demandé à la police municipale d’accentuer sa présence le week-end notamment. Et peut-être qu’à force de prendre 135 euros d’amende, ils vont arrêter.”
Mais l’édile reconnait les limites, à commencer par celles de la police municipale. “Et on ne peut pas mettre la police nationale en statique“, opine-t-il. Il s’interroge d’ailleurs sur les moyens d’intervention des services de l’Etat, comme ceux de l’inspection du travail, pour sanctionner des infractions tel que le travail dissimulé dans les garages sauvages. “Certains garages sauvages on fait l’objet de Codaf [comité opérationnel départemental de lutte anti-fraude] et ont été fermés… Mais souvent d’autres activités illégales se sont réinstallées. Et de rappeler que “pour parvenir à des expulsions, c’est aux propriétaires de prendre l’initiative.” “Mais avec la DUP (Déclaration d’utilité publique) on va pouvoir avancer“, encourage-t-il.
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