Médaillées d’argent au concours Lépine en mai, Aurore et Sonia Fekhart vont passer à la phase de commercialisation au printemps prochain. L’invention de ce duo de belles-sœurs bien ancrées en Seine-Saint-Denis: le “Pass’manche”. Un bracelet pour faciliter l’habillage des enfants, des personnes âgés ou en situation de handicap et même des professionnels.
D’une simplicité déconcertante, le bracelet inventé par Aurore Fekhart fait déjà fureur. “On a été approchées par de nombreuses entreprises comme des chaines d’Epadh [ndlr, établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes], mais aussi d’autres secteurs. Moi je veux conquérir le monde“, s’enthousiasme la jeune entrepreneure de 33 ans, en alignant les premiers prototypes du “Pass’manche” sur la table de son bureau à Rosny-sous-Bois.
“J’ai commencé avec des trombones et des élastiques“
Il y a neuf mois, elle a fondé avec la sœur de son mari, Sonia Fekhart, la société A à S pour créer cet accessoire. En silicone, la lanière percée d’une dizaine de trous permet d’enlacer la main tout en accrochant la manche.
“Il est d’abord destiné à faciliter la vie des aidants au sens large: parents ou accompagnants de personnes âgées ou en situation de handicap. Notre objectif c’est que tout le monde est ça à la maison. C’est le chausse-pied de la manche“, résume-t-elle.
L’inspiration lui est venue après la naissance de son troisième enfant, aujourd’hui âgé de deux ans. “Ma fille est née avec une maladie génétique cérébrale qui la rend pratiquement non-voyante. Comme c’est une maladie très rare, on devait passer beaucoup de temps dans les hôpitaux. Ma fille était trimbalée de service en service. Il fallait la déshabiller et la rhabiller à de nombreuses reprises. C’est comme ça que je me suis mis à cogiter sur les moyens de lui simplifier la vie“, confie Aurore Fekhart.
D’emblée, elle associe sa belle-sœur au projet. “J’ai commencé avec des trombones et des élastiques. Une fois qu’on avait le principe du pass’manche bien défini, il a fallu trouver une entreprise qui puisse faire les plans, l’impression 3D et trouver la matière“, se souvient-elle.
Au départ le bracelet ne faisait que quelques centimètres pour s’adapter au poignet des enfants. Mais à force d’en parler, Aurore et Sonia Fekhart réalisent qu’il pourrait également être utile à des personnes âgées atteintes notamment d’arthrose ou à des personnes ayant une attelle.
“Je n’avais pas besoin de créer une entreprise“
“Tout ça c’était bien beau, mais il fallait que je me confronte au public“, raconte la jeune inventrice. Les prototypes en main, elle s’inscrit au concours Lépine, en mai dernier. “Et là c’est 600 000 visiteurs. Tout le monde a adhéré au projet: des ergothérapeutes, des infirmières, des Epahd, des mamans avec des enfants atteints handicap… Les gens voulaient commander directement sur notre stand.” Un succès consacré par la médaille d’argent du concours et qui finit de convaincre les deux belles-sœurs de se lancer concrètement.
Une fois le nom du “Pass’manche” déposé, ceux sont ensuite des mois de recherche pour trouver une entreprise qui puisse concevoir une moule et le produire en série. “C’était assez compliqué et on voulait rester en France. On a fini par trouver dans le Sud-Ouest“, observe Aurore Fekhart. Parallèlement, elle frappe à toutes les portes pour obtenir des soutiens et faire connaitre son invention. Elle remporte aussi le trophée Créatrices d’avenir “quartiers” le 6 décembre. “Ce trophée était important parce que c’est aussi une dotation de 5 000 euros. On a fini par réunir suffisamment d’argent pour obtenir un prêt d’honneur et la garantie de BPI France pour financer le lancement de la production“, précise-t-elle. Soit un investissement d’environ 25 000 euros. Une première série de 30 000 exemplaires devrait être produits pour le printemps prochain.
Rien ne prédestinait Aurore Fekhart à devenir une inventrice. Née à Bagnolet où elle a grandi, la jeune femme a fait des études scientifiques en se spécialisant dans les métaux lourds. “Je voulais travailler dans la fabrication de pièces chez Arianespace. Mais on m’a détecté une allergie au cyanure. C’était un gros coup dur.” Après une expérience de cheffe de pub, elle décide de créer une entreprise de prêt-à-porter. “Je me suis complètement vautrée, j’ai perdu de l’argent, mais j’ai appris pleins de choses à commencer par savoir bien s’entourer.”
Après cet échec et un “boulot parce qu’il faut bien aller de l’avant“, elle fonde avec son mari une société de transport à Rosny-sous-Bois, où est aujourd’hui domiciliée sa société. “Je n’avais pas besoin de créer une entreprise. Si je l’ai fait, c’est que notre invention a du sens et qu’elle peut faciliter la vie des gens. D’ailleurs, on voulait absolument rester à un prix de vente en dessous de 10 euros pour que le Pass’manche soit accessible au plus grand nombre.” Aurore Fekhart veut même solliciter des établissements médico-sociaux de Seine-Saint-Denis pour l’emballage de ses lanières.
“Je suis assez fière parce que notre projet montre bien que l’on peut créer une entreprise même si on est issu de quartiers populaires. Je dirais même qu’aujourd’hui il y a beaucoup d’aides pour les jeunes qui veulent lancer une entreprise, surtout dans les quartiers, ce qui n’était pas le cas avant. Il faut saisir ces opportunités“, estime-t-elle.
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