Coup de théâtre à la Cour d’assises du Val-de-Marne ce mercredi. Les deux hommes condamnés à plus de 20 ans de prison en première instance suite à l’assassinat d’un agent immobilier, également informateur de police, sont ressortis blanchis du tribunal de Créteil après un marquant exposé… de l’avocat général.
Un verdict qui a suscité une très vive émotion a saisi les accusés, Fabrice et Mickaël, et leurs familles, qui ont éclaté en pleurs de soulagement.
L’avocat général avait longuement exposé ses “interrogations” sur leur culpabilité et appelé au bénéfice du doute, une prise de position très rare pour le ministère public.
Fabrice, agent immobilier âgé de 27 ans au moment des faits, et son ami Mickaël, âgé alors de 36 ans, avaient été condamnés en première instance respectivement à 22 ans et 20 ans de réclusion criminelle, en 2018 à Bobigny.
Fabrice avait été reconnu coupable d’avoir commandité l’exécution de son associé, Bandjougou dit “Ben”, par Mickaël.
Les deux hommes, qui ont toujours farouchement nié leur implication dans ce crime, avaient fait appel. Ils avaient été remis en liberté en août 2019.
Bandjougou 32 ans, avait été retrouvé sur la chaussée à côté de son véhicule, le crâne fracturé et une balle de calibre 12 dans le thorax.
L’arme supposée du crime gisait sur le siège passager de la voiture de la victime, connue des services de police pour trafic de stupéfiants. Sur ce fusil à pompe à canon scié, “le profil ADN” de Mickaël avait été identifié.
Durant les sept jours du procès en appel à Créteil, la thèse avancée par la défense, celle d’une exécution vengeresse de “Ben l’indic” par des trafiquants de drogue, a toutefois gagné du terrain dans les esprits, de l’avocat général aux jurés. Lors de ses deux heures de réquisitions, l’avocat général, Jean-Christophe Crocq, a ainsi énoncé plus d’interrogations que de certitudes.
ADN “partiel”, enquête non probante
L’ADN de Mickaël Touraine, retrouvé sur l’arme supposée du crime, un fusil à canon scié ? “Ce ne sont que des éléments d’empreinte génétique qui ont été retrouvés” et donc un “ADN partiel”, a relevé le magistrat.
Alors que les enquêteurs n’avaient pu localiser les téléphones des accusés au moment du crime, y voyant un signe qu’ils auraient coupé leurs téléphones pour ne pas être repérables, l’avocat général a analysé les données autrement. “Non, ce ne sont pas des téléphones qui ont été coupés, ils ont continué à émettre”, a-t-il pointé. Ils auraient donc “pu être localisés”.
Concernant le mobile, l’enquête avait mis en avant une “rémunération” de Mickaël, l’exécutant présumé. Mais les deux accusés n’avaient pas de problème d’argent, a pointé l’avocat général.
Jean-Christophe Crocq a par ailleurs évoqué d’autres pistes, notamment celle d’une exécution de “la taupe” par des trafiquants, hypothèse largement étayée par la défense depuis le début de la procédure.
Cette décision “logique et courageuse (…) met fin à dix ans de calvaire judiciaire”, s’est réjoui auprès de l’AFP Me Frank Berton, avocat de Fabrice avec Me Sylvain Cormier qui s’est dit “soulagé” pour les deux accusés.
“Ce n’est pas un acquittement au bénéfice du doute mais une véritable décision qui marque leur innocence”, a fait valoir Antoine Vey, le conseil de Mickaël.
Une nouvelle instruction ?
“Les parties civiles ont le sentiment d’avoir été totalement abandonnées par le parquet, qui n’a pas du tout soutenu l’accusation. Cela questionne”, a en revanche réagi Me Isabelle Felenbok pour la femme de la victime. “Onze ans après les faits, la famille ne sait pas qui est l’assassin et vivra perpétuellement avec cette souffrance”, a regretté pour sa part Margaux Groubier, qui la représente, et espère que “l’instruction reprendra”.
par Ornella LAMBERTI / Clara WRIGHT
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