Réorganiser l’approvisionnement alimentaire en Ile-de-France en déployant un second site au nord de la capitale, permettant au passage de compenser l’abandon du projet EuropaCity, telle est la feuille de route qui était confiée au Min de Rungis, parmi les plus importants marchés de gros du monde. Son patron a rendu sa copie à Jean Castex ce lundi. Explications.
Baptisé “Agoralim”, le projet, préfiguré par Benoit Juster, directeur exécutif des opérations du Min, veut couvrir les besoins “de la terre à l’assiette”. Il mise sur la création de “4 000 à 5 000 emplois directs non délocalisables”.
Le triangle de Gonesse pour dédoubler le Min de Rungis
Le principal enjeu est de recentrer l’approvisionnement à partir de deux pôles logistiques, l’un restant au sud, le Min de Rungis, l’autre étant développé au nord dans le triangle de Gonesse, une enclave verte de 700 hectares dans l’est du Val-d’Oise, entre les aéroports de Roissy et du Bourget, dont 280 sont potentiellement urbanisables. Un terrain qui devait accueillir le mégacomplexe de commerces et de loisirs Europacity, finalement enterré fin 2019 par Emmanuel Macron. Le devenir du site demeure du reste un point de crispation alors que des opposants d’EuropaCity restent hostiles à la création d’une gare de métro du Grand Paris express et d’une zone d’activités.
Une touche d’agriculture
La Semmaris, société d’économie mixte gestionnaire du marché de Rungis, propose de “sanctuariser” une centaine d’hectares de terres agricoles dans le sud du triangle, là même où devait s’installer Europacity. Et de développer sur cette plaine céréalière des projets de maraîchage, d’horticulture et d’élevage “selon les principes de l’agroécologie”, adaptés aux besoins locaux. Une touche d’agriculture vitrine, dont l’objectif n’est pas quantitatif au regard de la surface agricole de la région, de l’ordre de 500 000 hectares. Il s’agit plutôt ici de sensibiliser sur ces questions avec également une légumerie ainsi que des “équipements de formation, d’innovation et de sensibilisation au bien-manger”.
Un gros enjeu immobilier et logistique
L’essentiel repose à la fois sur la logistique d’acheminement et l’immobilier d’entreposage et de transformation, ce que fait la Semmaris à Rungis. Autour de Gonesse, la Semmaris a ainsi identifié trois sites qui pourraient accueillir des activités de distribution et de transformation de produits frais: Goussainville, Roissy-en-France et Bonneuil-en-France.
Min de Rungis “occupé à plus de 97%”
Le Min de Rungis, “aujourd’hui occupé à plus de 97%, dispose de capacités limitées pour répondre à la hausse de la consommation alimentaire et aux évolutions des besoins des professionnels. Il y a donc un besoin important de disposer de surfaces supplémentaires d’entrepôts alimentaires frais”, justifie le rapport.
“Nous ne souhaitons pas artificialiser de nouvelles terres. On intervient sur des terrains qui sont déjà classés comme constructibles. La plupart du temps ce sont des friches ou des endroits où il y a eu des projets qui ont été abandonnés”, prévient le président de la Semmaris, Stéphane Layani. “Si les conditions sont réunies par les pouvoirs publics on pourra commencer à construire des choses dès 2025. Dès 2027, on aura engagé la majeure partie des travaux”, se projette-t-il.
1,4 milliard d’euros dont la moitié financés par la Semmaris
Reste à financer. La Semmaris table sur un investissement de 1,4 milliard d’euros qu’elle est prête à abonder de moitié pour “l’acquisition du foncier, la construction et l’aménagement des activités de transformation et de distribution”. Mais le financement du projet dans sa globalité suppose que des acteurs publics et privés soient prêts à investir 700 millions d’euros supplémentaires, prévient le rapport qui préconise 6 propositions parmi lesquelles figurent aussi la création “d’une plateforme de fret rail-route pour répondre au besoin de transport combiné et améliorer ainsi la performance environnementale et opérationnelle des activités”, l’éducation au bien-manger, un portail e-commerce, un panel de structures publiques, écoles et instituts de recherche sur place, la création d’une foncière agricole pour organiser l’aménagement et encore l’instauration d’un “dispositif « territoire d’avenir agricole », à l’instar du programme « territoires d’innovation de grande ambition ».
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Un pôle au sud de Paris (Rungis), un autre au nord (Gonesse), plutôt qu’un seul en IdF : cela parait une solution logique (logistique) pour éviter des trajets inutiles, et limiter les norias de camions dans le 94 et en particulier sur l’A86.
Il reste toutefois à préciser les terrains “potentiellement urbanisables” pour l’opération.
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