D’une “belle journée” à une vie sous anxiolytiques: la famille d’Angela, fauchée volontairement par un homme en 2017, a retracé jeudi devant la cour d’assises d’appel de Créteil le moment où tout a basculé et la douleur qui ne les quitte plus.
“Le 14 août 2017, à la base c’était une belle journée, j’avais mes enfants auprès de moi”, commence Elisabeth, dite Betty. Ce jour-là, elle fait du rangement avec son aîné Nikola, 17 ans, et sa cadette, Angela, 13 ans, dans leur maison de La Ferté-sous-Jouarre, commune paisible de Seine-et-Marne. Le petit dernier, Dimitri, est au centre aéré.
“Pour les récompenser” après une journée productive, elle propose d’aller dîner à la pizzeria Cesena située dans la ZAC de Sept-Sorts, où ils ont leurs habitudes.
Rejoints par le père Sasha, la famille s’installe “pour la première fois” en terrasse. Angela et sa mère échangent de place, les boissons sont servies.
La famille entend un crissement. Ils ont à peine le temps de se retourner qu’une voiture lancée à toute allure les percute. Le choc est tel que la voiture traverse la vitrine et la salle de restaurant avant de s’écraser contre le bar.
Angela décède sur place, Dimitri, 3 ans, est grièvement blessé. Outre Dimitri, 11 autres clients sont blessés.
Au volant de la BMW, David, 32 ans au moment des faits. Se sentant cible d’un complot, il avait voulu “se venger de l’être humain”.
L’an dernier, il a été reconnu coupable d’assassinat et tentative d’assassinat par la cour d’assises de Seine-et-Marne et écopé de la sentence maximale, la réclusion criminelle à perpétuité assortie d’une période de sûreté de vingt-deux ans.
Le jury avait retenu l’altération du discernement au moment du drame mais justifié sa peine par l'”exceptionnelle dangerosité” de l’accusé.
David a fait appel, avec l’espoir de voir sa peine atténuée en raison de ses problèmes mentaux.
Dans un polo noir trop large, crâne rasé, “bouffi et méconnaissable” selon une partie civile, David Patterson est resté silencieux et stoïque tout au long de cette troisième journée d’audience.
Invité par la présidente de la cour à s’exprimer, il se lève. “Même s’il n’y a pas de mot à la hauteur de vos souffrances, je voudrais présenter mes excuses. Je regrette vraiment ce que j’ai fait, je suis désolé. C’est inhumain ce que j’ai fait”, dit-il.
François Mazon, avocat de la famille, demande à Betty ce qu’elle pense de ses excuses.
“Vous savez quand je vais lui pardonner ? Quand il me rendra ma fille. Je peux pas pardonner à quelqu’un qui a eu cet acte prémédité et volontaire”, assène-t-elle.
Depuis le 14 août 2017, “toute notre vie a basculé. Une vie entre hôpitaux, psychiatrie, médicaments, rééducations, psychologues”, se désole Betty.
Elle ne compte plus les opérations et les aller-retours en centre de rééducation pour Dimitri, 9 ans aujourd’hui. Son mari Sasha va bientôt subir une huitième opération de la jambe.
Surtout, c’est l’absence d’Angela qui tourmente la famille.
Dimitri a un jour demandé à ses parents s’il était possible de “se mettre un couteau dans le cœur” pour aller voir sa sœur. “Et après je reviens vous voir”, a-t-il ajouté.
L’aîné n’a pas pu passer son bac en 2017. Cinq ans après, il a repris des études en alternance.
A la barre, il parle avec émotion de sa sœur “belle, gentille… la perfection”. “Elle excellait dans le basket, faisait de l’équitation, elle pouvait faire ce qu’elle voulait, c’était quelqu’un de très intelligent”, décrit Nikola.
“La vie de famille, aujourd’hui, elle est comment?”, l’interroge la présidente de la cour, Isabelle Pulver.
“Il y a toujours ce manque. Il n’y a pas un jour où on ne va pas penser à Angela”, répond le jeune homme. “On reste toujours très soudés, c’est ce qui fait notre force.”
par Maryam EL HAMOUCHI
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